Une fois que la décision d’embarquer dans l’univers particulièrement déjanté du réalisateur québécois Denis Côté est prise, il faut en assumer les troublantes répercussions émotives afin de bien apprécier toutes les subtilités de cette singulière expérience cinématographique. Côté ne réconforte pas son public ; il le confronte, le bouscule et l’étouffe. Les histoires qu’il dépeint dans ses longs métrages sont des huis clos illustrant une humanité déchirée, désabusée, désorientée mais profondément authentique. Les sujets servant de base aux intrigues importent peu. L’intérêt de visionner un film signé Denis Côté réside principalement dans la désarmante justesse de l’exploitation psychologique des personnages et dans la beauté déstabilisante de vérité de la direction photo et des dialogues. En ce sens, Vic+Flo ont vu un ours s’avère être, jusqu’à maintenant du moins, l’œuvre la plus achevée du cinéaste.
Pierrette Robitaille campe Victoria Champagne, la Vic en question, une sexagénaire nouvellement sortie de prison. Le spectateur ignora le motif de cette incursion dans le milieu carcéral. Vic souhaite s’éloigner du bruit étourdissant et de l’hypocrisie caractérisant les grandes villes. Elle le dit elle-même, elle déteste le monde. C’est pourquoi elle se retire en campagne, dans la maison d’Émile, son oncle paralysé et mourant. Entre ses tentatives ratées de jardinage et les visites de Guillaume Perreira-Leduc, son travailleur social (Marc-André Godin), Victoria attend désespérément l’arrivée de Flo (Romaine Bohringer), une compagne de cellule trentenaire devenue son amante. Par contre, est-ce que Florence s’isole en campagne par amour, par fuite ou par sécurité?
Vic+Flo ont vu un ours ne s’inscrit pas dans la même lignée d’Unité 9 ou d’Orange is the new black. Il ne s’attarde pas à la dynamique se produisant derrière les barreaux. Il explore plutôt les effets psychologiques de leur fréquentation. Certes, l’ambiance sombre et oppressante qui se dégage tout au long du film permet de bien cerner le lourd vécu de Victoria. Cependant, il aurait été souhaitable d’en savoir davantage sur son séjour en prison et ses relations avec les autres détenues. Mais est-ce vraiment nécessaire pour être bouleversé par la destinée de Vic? Oui et non.
Le fait que Denis Côté se retrouve à la fois derrière la caméra et le stylo apporte un bel équilibre à l’œuvre. La réalisation est crue et poignante. Le scénario s’avère tout aussi puissant, sinon plus. Puissant et poignant grâce à l’immense place accordée aux silences et à la judicieuse attention portée aux choix des mots.
Flirtant constamment entre le drame et le suspense, Vic+Flo ont vu un ours intrigue. On s’attend à une finale coup de poing. Effectivement, la conclusion saisit. L’histoire se divise en deux actes : la réadaptation sociale de Victoria et les secrets de Flo. Parfois, on peut avoir l’impression de visionner deux films en même temps, ce qui est déroutant positivement et négativement. Certains dénouements laissent sur notre faim. Pierrette Robitaille, avec son sens du comique légendaire, permet d’alléger quelques tensions, ce qui a pour conséquence que le spectateur s’attache profondément à son personnage résigné et idéaliste. Grondin et Bohringer tirent également très bien leur épingle du jeu.
Même s’il est imparfait et décousu par moments, Vic+Flo ont vu un ours, titre qui prend tout son sens dans les dernières minutes, est vital pour la survie et l’évolution du cinéma québécois.
Ce film est disponible en primeur sur le canal 900 (chaine Illico sur demande réservée aux abonnés de Videotron).
Crédits photos : Google Images
Aucun commentaire