La filmographie de Guillermo del Toro est probablement l’une des plus distinctives de ces dernières années. Avec des films tels que The Devil’s Backbone (2001), Hellboy (2004), Pan’s Labyrinth (2006) et Crimson Peak (2014), qui naviguent entre le réalisme magique, le fantastique, l’horreur et les univers de monstres, ce cinéaste originaire du Mexique est présentement l’un des plus influents d’Hollywood pour ses films aussi fascinants que poétiques sur les plans narratif et visuel. Les attentes étaient donc bien élevées pour son nouveau long-métrage The Shape of Water (2017), qui raconte l’histoire d’amour entre une concierge muette et une créature amphibie maintenue en captivité dans un laboratoire américain. Ce film a d’ailleurs remporté le prestigieux Lion d’Or, le prix du meilleur film, à la Mostra de Venise.
The Shape of Water raconte l’histoire d’Elisa Esposito (Sally Hawkins), une femme muette, travaillant comme concierge dans un laboratoire gouvernemental hautement sécurisé, et dont la vie solitaire la condamne à vivre la même routine jour après jour. C’est du moins l’idée générale qu’on se fait d’elle, à partir du portrait que trace Guillermo del Toro sur sa protagoniste dès l’ouverture du film. Or, bien que l’existence d’Elisa semble ordinaire, l’endroit où elle travaille ne l’est pas pour autant. Et c’est là où surgit le côté fantastique du récit.
Un être amphibie capturé dans une rivière d’Amérique du Sud (Doug Jones), vénéré par les Indigènes comme une créature divine, constitue la plus récente découverte secrète militaire arrivant au laboratoire où travaille Elisa. Le monstre, surnommé « l’Atout », fait son apparition en compagnie du cruel colonel Richard Strickland (Michael Shannon), et fera l’objet d’un grand nombre d’expériences scientifiques visant à comprendre sa biologie. Pendant ce temps, le colonel Strickland en profite pour torturer l’Atout de temps à autres, comme le ferait n’importe quel autre antagoniste de film hollywoodien. De son côté, Elisa est témoin à plusieurs reprises de la cruauté infligée à l’Atout. C’est pourquoi la muette décide de lui tenir un peu compagnie, en le nourrissant d’œufs durs, ou encore en lui faisant écouter de la musique sur une table tournante portable. Et, comme il s’agit d’un conte de fées, il ne suffira que de quelques visites avant qu’ils tombent amoureux l’un de l’autre.
Surnommée à quelques reprises « la princesse sans voix », Elisa nous donne véritablement l’impression que The Shape of Water est l’une de ces histoires où l’amour finit toujours par triompher. D’ailleurs, la prémisse a même des points communs avec celle de La Belle et la Bête. Or, bien que le film tourne également autour d’une histoire d’amour entre une « princesse » et un être présenté au départ comme un monstre, la relation entre les personnages de Guillermo del Toro demeure beaucoup moins platonique que celle du film de Disney, ou de tout autre conte de fées abordant des thèmes similaires.
The Shape of Water propose peut-être également plusieurs rebondissements scénaristiques familiers, mais il n’en demeure pas moins que l’histoire d’Elisa et de l’Atout est touchante et mémorable, puisqu’ils sont tous deux considérés comme des êtres marginaux. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les personnages secondaires qui viennent en aide à la protagoniste tout au long du récit sont également vus comme des gens « différents ». D’un côté, il y a Zelda (Octavia Spencer), une femme de couleur travaillant également comme concierge, et de l’autre, Giles (Richard Jenkins), le voisin d’Elisa, un concepteur publicitaire qui ne parvient pas à se trouver de l’emploi parce qu’il est homosexuel. Ainsi, même si le récit de Guillermo del Toro et de Vanessa Taylor ne réinvente pas forcément la roue, on ne peut s’empêcher d’être sensible au combat que mène les personnages qui évoluent dans ce contexte socio-culturel cruel, fermé d’esprit et misogyne qui nous est présenté dans le film.
Sur le plan visuel, The Shape of Water est tout simplement remarquable. De ses effets spéciaux, pratiques pour la plupart d’entre eux, à la direction photo de Dan Laustsen, à qui a également travaillé avec le réalisateur sur Mimic (1997) et Crimson Peak, le nouveau film de Guillermo del Toro parvient à rendre magique le monde ordinaire dans lequel nous évoluons au quotidien, chose qu’il maîtrise à merveille dans chacun de ses films. De plus, la trame sonore, composée par Alexandre Desplat, accompagne parfaitement le récit dramatique et fantastique du réalisateur mexicain. Que l’on pense aux séquences où l’on voit Elisa rêver de ses rencontres avec l’Atout, ou encore aux moments plus tendus lorsque le méchant colonel Strickland est à l’écran, la musique de Desplat traduit vraiment les émotions que souhaite nous communiquer Guillermo del Toro. Bref, The Shape of Water est un film dont on ne peut que tomber sous le charme.
Comme il a été mentionné plus tôt, l’une des forces derrière le film en question demeure ses personnages. Et cela, c’est aussi grâce à l’excellente distribution. En plus des interprétations marquantes de Sally Hawkins et de Richard Jenkins, tous deux nominés pour leur rôle respectif aux prochains Golden Globes, celle offerte par Michael Shannon vaut certainement la peine d’être mentionnée. Le colonel Strickland reste peut-être un personnage plus conventionnel que ceux des autres acteurs, mais la performance de Shannon est elle aussi digne de mention. De plus, celle de Michael Stuhlbarg l’est tout autant. En incarnant le rôle du Dr. Robert Hoffstetler, un scientifique dont les valeurs morales seront mises à l’épreuve durant tout le film, l’acteur américain parvient brillamment à rendre son personnage attachant, et ce, même si la quête personnelle de ce dernier demeure parfois conflictuelle avec celle d’Elisa.
Quand on pense à Guillermo del Toro, le premier film qui nous vient généralement à l’esprit est Pan’s Labyrinth. Néanmoins, on peut maintenant prédire que The Shape of Water sera une œuvre dont tout le monde se souviendra pendant bien des années. Proposant un récit touchant, abordant des thèmes actuels, ce film est un véritable accomplissement cinématographique. Que ce soit par sa mise en scène soignée, son impressionnante distribution, ou encore sa trame sonore éblouissante, The Shape of Water, récipiendaire du prestigieux Lion d’Or, est l’un de ces rares films qui réussit à nous transporter dans son univers féérique et qui atteint presque le plateau de la perfection.
C’est le film de l’année !
Le film prend l’affiche le 15 décembre 2017
Crédit images: IMDB, Google Images
Avec une prémisse intéressante, une histoire magique, touchante et digne des plus beaux contes de fées, The Shape of Water est le meilleur film de Guillermo del Toro depuis l’excellent Pan’s Labyrinth.