Pelletons du beau gros nuage rose ensemble, voulez-vous? En fait, aidons nos amis Tom et Emma à pelleter le nuage (cloud) numérique au-dessus de nos têtes. C’est avec beaucoup de curiosité et d’intérêt que je me suis attaqué à The Circle du réalisateur James Ponsoldt, adapté du livre à succès de Dave Eggers, mettant en garde les lecteurs du danger des réseaux sociaux et de «l’hyperconnectivité» de ses usagers. Ayant fait mes études en communications, je ne sais combien de travaux écrits j’ai rédigé sur la question des bénéfices et les méfaits de la connectivité sur la société et ses citoyens. La thématique derrière le film m’interpellait beaucoup, je voulais me faire une idée claire sur son propos. Même si ma première ligne donne l’impression que je sous-estime le film, ce qui est un peu vrai, The Circle n’est pas un mauvais film pour son contexte et sa morale, qui sont encore tout à fait justifiables aujourd’hui. En fait, le film manque sa cible pour une raison bien simple: il fut mal adapté pour l’écran et il arrive en salles quatre ans trop tard (c’est un débat maintenant beaucoup trop médiatisé et populaire pour nous apprendre quoi que ce soit).
Mettez vos écouteurs, allumez votre Mac et connectez-vous sur l’histoire de Mae Holland (Emma Watson, qui doit encore travailler son accent Américain pour être 100% convaincante). C’est une jeune professionnelle qui s’ennuie terriblement dans ses fonctions. Assignée au service à la clientèle d’une entreprise financière, elle gère des plaintes tous les jours et semble confinée dans une vie de fonctionnaire en Californie. Miracle, son amie d’enfance Annie (Karen Gillian) l’aide à décrocher une entrevue pour travailler au département du service à la clientèle de l’un des plus grands fournisseurs de technologies et opérateurs de médias sociaux au monde: The Circle. Dans la vraie vie, imaginez une entreprise telle Google ou Facebook, The Circle fait sensiblement la même chose, tout en possédant des effectifs peut-être un peu plus gros. Mae décroche le poste et joint l’énorme meute de milliers de jeunes milléniaux sur un énorme campus multifonctions à Silicon Valley. C’est risible tellement c’est une caricature du jeune monde du web et des applications, tous les employés sont jeunes, ils ont tous un grand sourire aux lèvres et tout leur semble cool (un univers un peu trop bonbon). Buvant les paroles de leur CEO Eamon Bailey (Tom Hanks) lors de conférences générales, similaires à celles données par Apple lorsque Steve Jobs présentaient les nouvelles innovations de l’année, tous et chacun semblent croire en une réalité où tout doit être «partagé» en ligne (micro-caméras placées partout à travers le monde, des humains diffusant en direct leurs faits et gestes 24 heures sur 24 pour assurer leur sécurité, etc.). Bref, c’est Big Brother mais à l’ère des réseaux sociaux. Au fil de son parcours, Mae se questionnera sur les valeurs et les ambitions malsaines de l’entreprise, tout en devant gérer les effets de son implication grandissante sur sa famille et ses amis (on y verra notamment Bill Paxton, dans l’un de ses derniers rôles). John Boyega (Finn de The Force Awakens) est aussi de la partie.
Il très rare pour moi du pointer du doigt le scénario pour expliquer les failles derrière un film, mais c’est bien le cas ici. Aussi scénarisé par l’auteur Dave Eggers, The Circle est si peu adapté pour le cinéma que le jeu, les dialogues et les rebondissements semblent tellement «carrés», presque monotones et dénués d’émotions profondes. N’ayant pas lu l’oeuvre originale de Eggers, j’ignore si l’absence de trame narrative claire était aussi perceptible dans le livre, mais ce film nous donne peu de chance de nous ancrer dans sa dramaturgie. Autant par ses dialogues vides ainsi que la trop fine ligne entre la comédie et le drame, The Circle n’est pas performant tel un MacBook Pro Retina Display, mais plutôt tel un vieil ordinateur beige d’IBM. Que dire aussi de la réalisation, qui tente tant bien que mal de se donner une allure jeune en abordant les thématiques actuelles de la deuxième vie des jeunes sur Internet. Bref, il est difficile de définir comment se sentir après l’avoir vu, tout se passe si rapidement, le montage et les rebondissements ne sont guère assez importants pour nous déstabiliser, c’est un peu comme si je faisais défiler mon fil de nouvelles sur Facebook. Ce ne sont que de belles images…
Les acteurs font ce qu’ils peuvent avec un scénario si pauvre en émotions et en complexité, nous pouvons leur donner un A pour l’effort (ça reste Tom Hanks après tout, son jeu est irréprochable). L’impact très vrai des médias sociaux et du débat «privé» vs. «public» devait sans doute motiver l’équipe de production à jeter un coup d’oeil plus important sur le livre de Eggers (ce qui est tout à fait valide). Cependant, à mon humble avis, ce débat est maintenant tellement d’actualité et intégré dans notre culture populaire que plus rien ne peut nous surprendre. Quoi ? Une multinationale technologique souhaite centraliser toutes les transactions et les actions citoyennes (comme payer son taxi, voter ou repérer des individus autour du globe) sur sa plateforme pour détenir le monopole informatique ? Qui l’aurait cru! C’est un peu comme écouter The Empire Strikes Back et arriver à la révélation finale de Darth Vader à Luke Skywalker…personne n’est vraiment surpris. Voilà pourquoi le film de Ponsoldt a plusieurs années de retard, il aurait peut-être fait fureur à une époque ou Apple, Google, Instagram et Facebook n’avaient pas encore atteint leur apogée.
Pour conclure, il est vrai que la toile de fond du film reste intéressante, spécialement pour notre génération. Certes, l’effet de suspense n’est pas assez grand pour nous apprendre quoi que ce soit, mais la finale est toutefois plutôt mystérieuse. Je ne peux pas vous vendre le punch, mais disons que vous aurez des interrogations; le catharsis de notre héroïne est floue. Avis aux amateurs de médias, communications et de technologies, le film vaut peut-être le détour pour se faire une tête sur cette question: les signaux d’alerte de The Circle sur la fantaisie trop rose des réseaux sociaux arrivent-ils trop tard ?
Ouh là là, David Fincher me manque depuis la sortie de The Social Network!
En salle depuis le 28 avril
Crédit photos: IMDB, TheCircle.Movie
Faute d'un livre mal adapté au cinéma, The Circle est en grand manque d'une ligne directrice et de suspense pour nous impressionner ou nous inquiéter à titre d'usagers des médias sociaux. C'est un sujet très chaud et d'actualité, mais on ne fait qu'effleurer la surface. En fait, on ne sait quoi en penser...c'est un peu un problème.