Some Kind of Heaven est un documentaire réalisé par Lance Oppenheim mettant en vedette 4 personnes âgées vivant dans The Villages, en Floride.
Des personnes âgées qui vivent leur vie en jouant au tennis avec des petits raquettes, qui chantent sur une terrasse des tounes quétaines et qui jouent au mini-golf: ce ne sont même pas les raisons principales qui m’ont fait adoré ce film. Je ne pensais pas qu’il était possible de montrer une partie de bowling d’une manière aussi lyrique et poétique. J’ai trouvé ça tellement touchant de voir des personnes âgées parler de l’amour, de relations, de sensations fortes comme si il n’y avait pas de lendemain tout en prévoyant vivre encore longtemps. En effet, ces personnes retraitées ou non, se rendent dans ce lieu idyllique à la recherche de nouvelles expériences, afin de trouver des moyens de renaître pour leurs dernières années de vie.
Présenter la beauté de leur quotidien sous une forme d’utopie cache semi-volontairement des failles et des difficultés que vivent ces personnes au quotidien. Le film est tellement filmé d’une manière somptueuse pour montrer un monde finalement rempli de solitude et de remises en questions. Cet univers est caché par des façades de camp de retraite de rêve avec des activités incroyables. On nous emmène dans un espèce de monde catholique d’américains riches (ou pas) qui tentent de sauver les apparences en vivant dans le déni. La réalisation joue constamment avec ce paradoxe. On filme parfois de manière très artistique des scènes magnifiques présentes seulement pour la beauté d’être. On tombe ensuite dans des scènes plus crues, où l’on parle de pauvreté et de maladie mentale, et on vacille finalement dans une réalisation beaucoup plus intime (plans rapprochés, caméra fixe, etc). Non seulement c’est judicieux et réfléchi, mais c’est ce qui rend le film très cohérent et magnifique.
Ce film m’a fait ressentir des émotions similaires au documentaire Boys State. Les créateurs utilisent le médium du documentaire pour emprunter des codes appartenant beaucoup à la fiction (filmer dans un ratio 4:3, avoir une courte profondeur de champ, etc). On nous berce dans un univers à la fois fascinant, déroutant et riche de réflexions.
Je me disais constamment que les acteurs étaient vraiment bons et qu’ils jouaient avec beaucoup de nuances, pour me rappeler ensuite que c’est un documentaire et que ces gens ont vécu réellement ce que l’on voit à l’écran. Ça montre à quel point le film est bien réalisé. Il ne cherche pas à être informatif. Il cherche à nous faire ressentir des émotions, à nous présenter des moments et des personnes colorées vivant dans un microcosme assez dichotomique. Pour moi ce genre de film illustre que le documentaire n’est pas qu’un document informatif, mais qu’il est aussi ou sinon plus une œuvre d’art, un travail artistique aussi légitime et intéressant que le film de fiction. On voit que l’équipe derrière le film a un très grand soucis du détail et qu’il cherche à rejoindre le téléspectateur par la créativité de leurs plans.
Le film est par contre assez déconstruit et il aurait peut-être été encore plus frappant si sa structure narrative avait été un peu plus fignolée.
Pour son premier long-métrage, Lance Oppenheim frappe fort.
Crédits photos: Magnolia Pictures
Certainement un film qui sort de l'ordinaire par son approche très créative au film documentaire classique. La cinématographie est magnifique et le film regorge de moments soit cocasses, très drôles ou vraiment émouvants. Il n'amène pas les réflexions les plus profondes de l'histoire, mais ce n'est pas l'important ici.