Il est de ces mots auxquels un sens très fort et inébranlable est associé. Si je vous parle d’un cirque, par exemple. Quelles sont les images qui vous viennent à l’esprit? Déjà, cette musique charmante vous envahit les oreilles. Vous vous imaginez entouré de clowns, d’éléphants, de jonglerie et de grands chapiteaux rouges, un popcorn à la main et un sourire sur tous les visages qui vous entourent. Eh bien, oubliez tout de suite ces images ravissantes. Car le cirque que je vous présente aujourd’hui n’a rien de bien joli. Voici Carnivale.
Quelque part au cours du siècle dernier, un groupe de forains arpente les États-Unis, en espérant trouver quelques pièces dorées à ajouter à sa mince et pauvre collection. Rejetons du monde, pointés du doigts, les différents membres de la caravane de l’étrange ne sont qu’au service du grand patron, un être qui décide de chacune de leur destination mais dont personne ne connait les traits. Ils portent tous leurs rêves dans leurs poches arrières, certains n’ayant en tête qu’Hollywood et d’autres ne réclamant qu’un simple café digne de ce nom. Ils sont sales, poussiéreux et ne connaissent pas leur lendemain. Les personnages de Carnivale sont tous complexes, qu’ils soient principaux ou non, et ils n’ont qu’une seule chose en commun: il leur est impossible d’échapper à leur destin.
Les amoureux de David Lynch y verront des allusions à Twin Peaks, fameuse série télévisée des années 1990. Les fous d’histoire y remarqueront des allusions croquantes, des décors d’un réalisme hallucinant et un voyage au coeur de la pauvreté et de la richesse, de la croyance et de la désillusion. Carnivale, c’est un affrontement constant entre le Bien et le Mal, sur lesquels on met deux visages. Celui de Ben, membre de cette troupe perdue dans une société qui lui refuse une place et Justin, applaudi de tous, un pasteur aux relations désarticulées avec sa soeur, seul être qui le connait sous son vrai jour. Et dans tout cela, il ne reste qu’une seule place. La vôtre. Prenez vite un ticket et joignez-vous au manège.
HBO, une fois de plus, offre une expérience télévisuelle impressionnante. Mais ici, c’est autre chose. Les réalisateurs de Carnivale s’approchent dangereusement des limites entre la télévision et le septième art, en arrivant presque à créer un immense et magnifique long, très long métrage. En presque 20 heures, nombreuses sont les informations savamment tissées qui viennent créer le scénario de cette série, enrobée d’un rythme lent mais tout à fait charmeur. L’intrigue principale est à couper le souffle, et c’est toujours grandissant que l’envie d’en connaitre plus envahit ici le spectateur. C’est de toute beauté, tant sur la plan sonore que visuel. Et pourtant, c’est la pauvreté, la cruauté, la violence et le rejet dans sa forme la plus pure.
En raison d’un manque de public non mérité et d’une absence de fonds, c’est tristement que la série s’est arrêtée après deux saisons magistralement bien réalisées. Une fois bon nombre d’états visités, foule de secrets révélés et un attachement à ces personnages brisés parfaitement encré en vous, votre tête ne sera habitée que d’une seule pensée: Carnivale, c’est un chef-d’oeuvre avorté.
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