Le peuple chinois, extrêmement censuré au cours des nombreuses révolutions sociales ayant marqué son histoire, utilise les formes artistiques telles que le cinéma afin de transmettre leurs idées révolutionnaires et politiques au peuple. Au-travers de l’œuvre de plusieurs cinéastes de la Chine, on reconnaît une soif de changement, mais celle-ci est dissimulée derrière des scénarios parfois d’une grande banalité. C’est le cas de Mountains may depart, dernier-né de Jia Zhangke, qui dresse un portrait bien habile de la société chinoise… Mais s’intéressera-t-on au film?
Le scénario porte principalement sur Tao, jeune chinoise dont deux amis (Liangzi et Zhang) sont tombés éperdument amoureux… Bien sûr, elle devra faire un choix déchirant, et c’est le premier tiers du film (qui se déroule en 1999, tout juste avant les célébrations du Nouvel An) qui sera entièrement consacré au triangle amoureux plutôt banal des personnages. Ici, tout comme dans le reste du film, on ne s’intéressera malheureusement que très peu à l’intrigue, qui reste somme toute assez sommaire. L’intérêt de Mountains may depart réside plutôt dans le portrait que l’auteur dresse de la société chinoise, et non des actions concrètes des personnages.
Le second et le dernier tiers du film, se déroulant respectivement en 2014 et en 2025, justifie le manque d’énergie consacrée à l’écriture du scénario. En effet, le début de l’œuvre, qui nous présentait une Chine bien connue, sert de contraste avec les différents sauts temporels qui nous seront présentés dans l’œuvre. On s’intéressera donc moins aux déboires des personnages qu’à leur évolution psychologique au-travers des années. Le constat est le suivant : Malgré tous les changements et les révolutions, nous restons toujours les mêmes. Tao, ayant choisi son amant, hésitera toute sa vie, et celui qu’elle n’a pas choisi passera le plus clair de son existence à désirer avoir été l’heureux élu. Même les voyages (le dernier tiers du film se déroulant en Australie) ne parviendront pas à changer l’âme intrinsèque des protagonistes… Pouêt pouêt pouêt!
Derrière le scénario plutôt simple de Mountains may depart se dissimule l’essence du film : un appel au peuple chinois, une prise de conscience par-rapport à son histoire. Malgré toutes les révolutions auxquelles elle a pris part, la population en est pratiquement toujours revenue à un stade de soumission, dominés par le gouvernement qui se déclarait auparavant révolutionnaire. Ce fait historique a fort probablement inspiré l’état général du film de Zhangke, qui ne se veut au final pas si joyeux.
«Mais est-ce qu’il vaut quelque chose, ce film?», vous demanderez-vous. Honnêtement, étant fan d’œuvres allégoriques chinoises, et connaissant déjà le cinéma de Zhangke (avec des œuvres telles Still Life ou A touch of sin, par exemple), les attentes par-rapport à son dernier-né étaient plus élevées. Mountains may depart est très bien tourné, bien joué, la réalisation dénote une bonne sensibilité… Cinématographiquement parlant, c’est un bon film, et la poésie, autant narrative que visuelle, sert bien l’oeuvre. Mais le scénario laisse une forte impression de déjà-vu, et l’émotion que le film nous laisse au final ne vaut peut-être pas les quelque 2h15 d’écoute…
Mountains may depart est donc un film réussi d’un point de vue technique, mais il ne réussit pas à marquer l’imaginaire. L’écoute de d’autres films du même réalisateur, tels que ceux mentionnés plus haut, est par contre suggérée si vous désirez vous plonger lentement dans l’univers cinématographique chinois.
