Dans son premier long-métrage, la réalisatrice Miryam Bouchard (qu’on connaît davantage pour des séries télé telles que M’entends-tu? ou L’échappée) se plonge dans un pan important de sa propre vie, créant un univers où les personnages plus grands que nature côtoient le monde réel avec une proximité unique. Le résultat donne une œuvre pleine de sensibilité, de naïveté, qui réussira à faire sourire malgré plusieurs écueils scénaristiques ou de mise en scène qu’il sera difficile de contourner.
Mon cirque à moi, c’est l’histoire de Laura (l’excellente Jasmine Lemée, qu’on aura connue dans Paul à Québec et la série Olivier), jeune fille qui a une vie unique. Élevée principalement par son père Bill (Patrick Huard), clown nomade prônant la liberté et le laisser-aller pour camoufler des difficultés financières extrêmes, Laura n’a pas l’existence d’une fillette conventionnelle. Elle change fréquemment de quartier, d’école et d’amis, et son rythme de vie est régulé à celui de son père. Maintenant à 13 ans, Laura commence à réaliser la routine qu’elle mène, et elle enviera une existence qui correspond davantage à ses ambitions : elle désire aller à l’école privée, se consacrer davantage à ses études plutôt qu’au spectacle de cirque familial qu’elle partage avec son père et le muet et énigmatique Mandeep (Robin Aubert).
Heureusement, Laura compte quelques alliées, en la présence de son enseignante Patricia (Sophie Lorain), personnage d’abord antipathique, puis qui finira par prendre la fillette sous son aile, ainsi que la jeune Justine (Mathilde Boucher), qui se liera d’amitié avec Laura. Ces nouvelles fréquentations pousseront la jeune fille à enfin confronter son père, créant probablement pour la première fois l’inévitable conflit qui bouleversera la petite famille.
C’est donc avec un scénario très personnel que Miryam Bouchard entreprend sa carrière de réalisatrice au cinéma, et on sent sa proximité et son attachement envers l’histoire de Laura. Les relations entre la fillette et son entourage sont très claires, souvent un peu trop unilatérales, si bien qu’on pourra facilement prédire l’issue des différentes relations dès le début de l’œuvre. L’ensemble donne un ton un peu naïf au long-métrage, qu’on pourrait qualifier de film destiné à un jeune public si ce n’était du personnage de Bill, père un peu désabusé qui apporte souvent des comportements et réflexes très adultes (et quelques «câlice!») à l’ensemble. C’est probablement ce qu’on pourra reprocher à Mon cirque à moi : On ne saisit pas trop à quel public le film s’adresse, si bien qu’il risque de manquer le tir pour un public adulte qui aurait pu l’apprécier davantage, si ce n’était de toutes ces situations un peu trop grotesques, arrangées avec le gars des vues, qu’on voit venir à des milles à la ronde. C’est souvent quelques détails au scénario qui détonnent du reste, que ce soit des répliques peu naturelles, des personnages qui réagissent de manière beaucoup trop virulente. Bien des situations auraient trouvé leur place dans un film où le réalisme magique aurait été plus assumé, mais Mon cirque à moi a un ton plutôt réaliste et humain, si bien que quelques moments semblent un peu trop tirés par les cheveux.
Pourtant, le film aurait eu tout pour assumer pleinement ce côté clownesque et merveilleux. La direction artistique, principalement axée autour de l’univers du cirque, contraste parfaitement avec le mode de vie pauvre et difficile que Bill tente tant bien que mal de cacher à sa fille. Les personnages sont colorés, vivants, et amènent une couleur très forte à des moments sinon difficiles. Pensons particulièrement à une scène de funérailles, visuellement et scénaristiquement très réussie, où tous les personnages affublés de leur tenue de cirque dans l’ambiance morne d’un cimetière ne sont pas sans rappeler l’esthétique d’un Tim Burton. Mais encore une fois, ces moments magiques ne le restent pas longtemps, et on retourne vite à un scénario plus conventionnel, où les relations entre les personnages sont plus terre-à-terre.
Au final, Mon cirque à moi est un film qui sera probablement apprécié d’un plus jeune public, qui présente des bonnes valeurs, une histoire très colorée interprétée par des comédiens talentueux. C’est une œuvre imparfaite, qui aurait pu aspirer à mieux si on avait davantage mis de l’avant le réalisme magique et l’univers du cirque autour duquel le scénario se structure. Mais c’est tout de même un film charmant qui est une bonne raison de faire redécouvrir le cinéma québécois à ses enfants.
Crédit photo : Les films Séville
Malgré une esthétique unique, un jeu réussi et un scénario très personnel pour la réalisatrice, le film peine à trouver sa couleur, les situations semblent souvent tirées par les cheveux et manquent de substance. Malgré tout un film qui sera plaire à un public plus jeune !