Après s’être forgé une carrière d’acteur assez diversifiée allant du très bon teen movie Supergrave, au Loup de Wall Street de Martin Scorsese, Jonah Hill passe derrière la caméra pour nous livrer un témoignage brut d’une jeunesse des années 1990. Le long-métrage a été projeté pour la première fois au festival de Toronto, et n’est sorti qu’aux États-Unis et au Canada pour le moment.
Jonah Hill signe également le scénario du film, qui raconte une tranche de vie d’un jeune adolescent de 13 ans, qui se découvre une passion pour le skate quand il se met à fréquenter une bande de jeunes skateurs plus âgés que lui. Le jeune protagoniste est interprété par Sunny Suljic, qui a notamment joué dans The Killing Of The Sacred Deer, de Yorgos Lanthimos. La trame prend place à Los Angeles, et l’on peut facilement imaginer que le réalisateur a insufflé une partie de son expérience personnelle au protagoniste, ayant lui-même passé son adolescence à écouter du hip-hop entouré d’amis plus âgés, dans le Los Angeles des années 1990.
Si le film semble être un teen movie sur fond de skate et de nostalgie ( le film comportant peut-être un peu trop de références à la pop culture des 90’s), il est agréable de se rendre compte qu’il ne se limite pas à ça et traite davantage de la jeunesse et de la famille. Le skate est l’élément le plus mis en avant, notamment dans la promotion qui a été faite, mais aussi dans le film, ce dernier s’ouvrant sur le logo A24 (la boîte de production) formé par des planches de skates, et se clôturant même sur une vidéo de skate amateur composée des images tournées par les protagonistes. Pour autant, Jonah Hill s’en sert pour décrire une fuite, une échappatoire offerte à une jeunesse venant de foyers brisés ou instables. C’est là que réside la profondeur du film, dans la volonté d’allier la légèreté d’une vie de skateur décomplexée, à la lourdeur de contextes familiaux violents ou malsains. En cela les personnages ne sont pas manichéens, et leur perdition force l’empathie.
Pour ce qui est de la forme, il a été fait le choix d’utiliser un format d’image 4 1/3, qui n’est pas sans rappeler les vidéos démos de skate amateur. On sent dans la réalisation de Jonah Hill une volonté de faire une proposition de cinéma, plutôt que d’appliquer une recette, bien qu’il puisse tomber dans les écueils d’un premier film. Peut-être une envie de trop en dire, ou de viser l’originalité vaine, tout en manquant parfois de subtilité. La présence de références pop à outrance, qui prennent trop le spectateur par la main, en est un exemple. Cependant si je dis parfois, c’est car il n’en va pas ainsi de tout le film. Le réalisateur parvient également à faire émerger des moments de poésie et de subtilité, notamment pour ce qui est du développement psychologique de son protagoniste. Il s’attarde sur le contexte familial de l’adolescent pour définir ce dernier. À savoir d’une part, sa relation conflictuelle et violente avec son frère, et de l’autre avec sa mère qui apporte un certain malaise, par rapport au sujet très personnel qu’elle aborde avec ses enfants.
Comme l’on peut s’y attendre à la vue du sujet du film, la bande sonore comporte une multitude de titre et d’artiste ayant marqué les années 1990, le Wu-Tang clan, les Pixies, Cypress Hill ou Nirvana pour ne citer qu’eux. Mais on notera également la présence de morceaux originaux, composés par Trent Reznor et Atticus Ross, membres du célèbre groupe Nine Inch Nails. Ainsi la musique tient une place très importante dans le film, plus narrative, pour ce qui est des compositions originales, mais aussi afin d’imprégner le spectateur de l’ambiance des années 1990. De plus, la conception sonore arrive à tirer son épingle du jeu grâce à quelques fulgurances, notamment deux jump-scare (que l’on n’aurait pas attendu dans un film comme celui-ci), qui surprennent par leur originalité.
Il s’agit d’un début très prometteur pour ce jeune réalisateur qu’est Jonah Hill, qui réussit son virage dans sa carrière d’artiste, en parvenant à se renouveler. Son oeuvre n’est pas parfaite et n’esquive pas les écueils d’un premier film, mais a le mérite d’être motivée par une démarche artistique et non mercantile.
Crédit Photos : IMDB
C’est une première réalisation prometteuse pour Jonah Hill, qui malgré quelques approximations, ne montre pas de lui ce qu’on lui connait, et tente réellement quelque chose de personnel et d’intéressant avec Mid90’s.