Six ans après le remarquable Up in the air (et moins d’un an après l’échec retentissant de Labor day), Jason Reitman adapte de nouveau un roman, cette fois-ci le plus récent de Chad Kultgen. Avec Men, women and children, le réalisateur montréalais traite plus ou moins efficacement, comme le titre et l’affiche du film l’indiquent, de l’influence des nouvelles technologies sur les rapports socio-affectifs entre adultes et adolescents.
La narration hautement classique d’Emma Thompson, qui n’est pas un personnage impliqué dans le récit, donne à ce film choral un aspect documentaire fort intéressant. Le public s’immisce avec bonheur et intérêt dans le quotidien de familles toutes unies de manières différentes par l’avènement des réseaux sociaux. Un rafraichissant éventail de personnages est étalé : la mère surprotectrice qui hallucine des prédateurs sexuels sur tous les sites Internet (Jennifer Garner), sa fille qui tente malgré tout de mener une existence normale (Kaitlyn Dever), un adolescent troublé par le départ de sa mère qui se réfugie dans le confort des jeux de rôles à la World of warcraft (Ansel Elgort), un mari ennuyé qui consulte régulièrement de la pornographie en ligne (Adam Sandler) et une mère (Judy Greer) qui publie naïvement des photos choquantes de sa fille (Olivia Crocicchia) pour accroitre sa popularité et mousser sa carrière de future vedette.
Les ficelles reliant les intrigues vécues par tous ces personnages fonctionnent à merveille. Les spectateurs s’identifieront immanquablement à au moins une des diverses pratiques technologiques abordées. Entre deux éclats de rires jaunes, il est extrêmement aisé de se reconnaître et de faire un constat réflexif sur nos propres habitudes de consommation. Il est en effet quelque peu perturbant de réaliser que les gestes les plus banals que nous posons soient directement influencés par la technologie (la vie sexuelle, les nouvelles rencontres amoureuses, des possibilités de carrière…). Les scènes où l’on voit des adolescents texter et se parler de vives voix en même temps démontrent à quel point les réseaux sociaux nous isolent, nous confinent dans une triste solitude et affluent notre propagation à l’égoïsme et à l’ignorance. À la fois antipathiques et vulnérables, les personnages demeurent tout de même captivants. Malheureusement, le dernier acte verse dans d’inutiles élans moralistes et mélodramatiques. Au lieu de laisser le public se forger ses propres opinions et positions, Reitman impose brutalement sa vision pessimiste du phénomène. Il agit comme un vieux mononcle borné incapable de faire la part des choses. Une finale réaliste qui exposerait sans subjectivité les pour et les contre de l’utilisation fréquente des nouvelles technologies aurait été préférable et par conséquent moins frustrante. La morale ultra clichée et aberrante proposée par Jason Reitman fait donc de l’ombre aux dénouements des intrigues. Ces dernières se concluent trop rapidement et manquent cruellement d’explications.
Au poste de réalisateur, Reitman épure habilement sa mise en scène, permettant ainsi aux acteurs de nuancer leurs émotions et constamment rester dans la vérité. La distribution effectue des performances inspirantes qui atteignent la cible. Ansel Elgort et Kaitlyn Dever attirent particulièrement l’attention, captant brillamment les sentiments ressentis lors d’un premier amour. Judy Greer offre également une prestation équilibrée qui empêche son personnage de devenir unidimensionnel. À l’opposé, Jennifer Garner n’esquive pas quelques cabotinages. Elle parvient tout de même à susciter haine et empathie. Tout comme Adam Sandler. Étonnamment, l’acteur s’en sort plutôt bien loin de son registre habituel. Même s’il n’hérite pas du plus beau rôle, il réussit à le rendre crédible. Sandler forme avec Rosemarie DeWitt, absolument sublime, un couple parfaitement typique dont les épreuves susciteront sans l’ombre de doute de belles discussions dans plusieurs foyers.
Bref, malgré une finale décevante, Men, women and children est un film d’actualité qui déclenche de pertinents débats sociaux, à avoir en chair et en os et non devant un ordinateur!
Ce film est disponible en DVD et Blu-Ray depuis le 13 janvier 2015.
Crédits Photos : Paramount Pictures