Alors que c’est Matthias et Maxime qui récolte les éloges à Cannes tout récemment, le Québec a maintenant droit à la sortie Ma vie avec John F. Donovan. Ce film de Xavier Dolan, réalisé après Juste la fin du monde, mais passé sous silence pour plusieurs raisons, a finalement été remonté, et voit le jour en salles québécoises, dans une version finale. Bien que les différentes rumeurs et attentes entourant la venue du film aient été plutôt sombres, avec le rôle de Jessica Chastain ayant été coupé du montage final du film, Ma vie avec John F. Donovan se veut un bon film de facture classique. Dolan y laisse tout de même son empreinte indélébile, nous laissant au final une œuvre un brin décousue, mais tout de même sensible.
C’est Kit Harington (Game of Thrones), interprétant un autre personnage nommé John (probablement pour faciliter le passage de l’acteur entre les tournages de Dolan et ceux de la production d’HBO), qui campe le protagoniste. John D. Donovan, c’est cette star de la télé américaine, qui fait le tour des plateaux, qui marque les esprits d’une nation, et particulièrement celui de Rupert (Jacob Tremblay), un jeune garçon qui entretiendra une série de correspondances avec son idole. C’est que l’enfant, vivant difficilement avec l’expression de ses passions au cœur de sa société, verra en John un modèle accessible qui lui redonnera espoir. D’abord dans son téléviseur, puis de manière personnelle, puisque la vedette semble lui accorder une importance. Mais cette relation si habilement mise en scène par Dolan et la photographie d’André Turpin (on reconnaîtra l’exubérance et le travail à l’éclairage qui avait marqué Juste la fin du monde, mais avec plus de finesse et de subtilité) sera bouleversée par les scandales, alors que les correspondances sont rendues publiques par les médias, mettant les deux correspondants dans l’embarras.
Cette intrigue, qui sera racontée par un Rupert vieilli (Ben Schnetzer) à une journaliste blasée (l’excellente Thandie Newton (Westworld)) sera au centre de l’œuvre. En périphérie, l’histoire de ce Rupert maintenant adulte, qui ressent le besoin de raconter cette histoire au grand jour, au grand dam de son interlocutrice qui ne semble pas intéressée par l’aventure. Et à dire vrai, on se sentira un peu comme elle au départ, car même si l’accroche du film est invitante, le résultat final manque un peu de rythme, ou bien c’est la formule un peu classique, parfois hollywoodienne, qui dénote un peu du style habituel du réalisateur.
On retrouvera néanmoins l’apport particulier du talent de Dolan, dans son approche très humaine, profonde, de ses personnages. Le travail de direction d’acteurs et sa distribution sont hallucinants. Bien entendu, on compte sur le talent de plusieurs formules gagnantes : Natalie Portman, Susan Sarandon et Kathy Bates, pour n’en nommer que quelques-unes. Mais c’est la performance de Jacob Tremblay qui laissera bouche-bée. Le jeune acteur, qu’on a découvert dans Room il y a quelques années, rend très crédible ce personnage très éclaté, propre à l’univers de Dolan, qui aurait pu tomber facilement dans une sorte de caricature.
Ma vie avec John F. Donovan est donc un film réussi, qui n’a pas le caractère unique des œuvres plus marquantes de Dolan, mais en lequel se retrouve tout de même sa touche. C’est globalement l’amour de ses personnages et de ses interprètes qui rendent justice à l’œuvre finale, qui poursuit avec brio la carrière internationale du cinéaste.
Sortie au Québec le 23 août 2019
À l'instar de ses anciennes réalisations, Ma vie avec John F. Donovan résulte d'un amour profond entre le réalisateur et ses personnages. L'intrigue manquant un peu de rythme fascine tout de même, grâce à l'ambiance créée par la trame sonore et la photographie.