On peut le dire, Ben Affleck est né sous une bonne étoile. Peut-être n’a-t-il pas toujours incarné des rôles marquants, mais il n’en demeure pas moins que depuis son passage à la réalisation avec Gone baby Gone (2008), The Town (2010), puis Argo (2012), l’acteur-scénariste-réalisateur occupe une place encore plus grande qu’avant au sommet d’Hollywood. Nous avions tous très hâte de voir à quoi ressemblerait sa prochaine œuvre, après sa victoire aux Oscars pour Argo, sacré Meilleur film de l’année à la cérémonie de 2013. C’est donc avec Live by Night, adapté du roman de Dennis Lehane, que Ben Affleck revient quatre ans plus tard en nous offrant un film racontant la vie de Joe Coughlin, un bandit qui se lancera dans le trafic d’alcool pendant la prohibition et qui plongera en plein cœur de la rivalité opposant les familles mafieuses irlandaises et italiennes dans l’Est des États-Unis.
Live by Night, c’est une histoire d’amour et de vengeance, dans laquelle on suit l’ascension de Joe Coughlin (Ben Affleck) comme gangster, à l’époque où la violence et la célébration du vice étaient au rendez-vous partout dans le pays. Tout débute en 1926, pendant que la prohibition continue de donner naissance à des réseaux de trafic d’alcool. Joe Coughlin, vétéran de la Première Guerre mondiale et fils du capitaine de la police de Boston (Brendan Gleeson), est un bandit. Il s’amuse à voler l’argent des gangsters, dont Albert White (Robert Glenister), l’homme à la tête du gang de rue irlandais de Boston, et tout cela alors qu’il est amoureux d’Emma Gould (Sienna Miller), la maîtresse de ce dernier. Évidemment, il faudra peu de temps à White pour apprendre les rumeurs concernant la liaison entre Joe et Emma. De plus, Joe se retrouvera dans une position précaire lorsqu’un de ses nombreux vols tournera mal, et que trois des policiers impliqués dans sa poursuite trouveront la mort. À la suite de son délit, Joe sera incarcéré, mais il réussira tout de même à être libéré trois ans plus tard, grâce à l’influence de son père. Joe reviendra alors en ville et ira rencontrer Maso Pescatore (Remo Girone), le chef de la mafia italienne et rival de White, pour lui demander du travail. En fin de compte, Joe sera envoyé à Tampa en Floride, où il se chargera de protéger l’empire de Pescatore, pendant que les hommes d’Albert White lui font déjà des menaces.
Ceci résume à peu près les trente premières minutes du film. Et c’est là où l’on commence à se rendre compte des problèmes que comportent Live by Night. Loin de nous proposer une histoire inintéressante, le film contient trop de matière pour sa durée de deux heures. Ainsi, au lieu de conserver l’essentiel du roman de Lehane, Affleck nous donne l’impression d’avoir tenté de condenser l’entièreté du récit en un seul scénario. Résultat : les séquences s’entremêlent parfois très mal et trop rapidement, ce qui créé de la confusion dans le récit et nous fait décrocher à certains moments. On ne se retrouve donc plus avec un film aux séquences lentes et remplies de suspense, comme c’est si souvent le cas des films noirs et de gangsters. Peut-être aurait-il fallu une heure supplémentaire, question de donner davantage de temps à l’histoire de respirer. Toutefois, avec un peu de recul, on pourrait tendre à dire que le début du film, racontant les aventures de Joe Coughlin à ses débuts dans le gangstérisme, aurait pu être retiré du scénario, de façon à explorer plus longuement son aventure à Tampa. Par exemple, l’un des moments les plus intéressants du film est lorsque certains membres de la communauté du KKK s’acharnent sur Joe en essayant de saboter son réseau de trafic d’alcool. Ainsi, au lieu de passer pratiquement une demi-heure pour nous raconter comment Joe s’est retrouvé à travailler pour la mafia italienne, le film aurait très bien pu commencer à son arrivée à Tampa, avec une explication graduelle de son emménagement là-bas. Ainsi, le rythme du récit aurait été sûrement meilleur puisqu’il s’agit d’un film de deux heures seulement.
Mais au-delà de ses failles scénaristiques, Live by Night possède tout de même plusieurs bons côtés. Si les moments plus dramatiques peuvent paraître plus lourds, il en est tout autrement pour les séquences d’action qui se veulent spectaculaires. Que l’on suive une poursuite de voitures Ford Modèle A dans les rues de Boston, ou que l’on assiste à une scène de combat entre deux clans dans un hôtel, on ne peut que reconnaître le talent de Ben Affleck pour ses excellentes scènes d’action. Celles-ci nous tiennent en haleine tellement elles sont bien réalisées et jettent un nouveau regard sur la brutalité présentée dans les films de gangsters. D’ailleurs, l’une des séquences les plus marquantes de Live by Night demeure celle où l’on voit un homme se faire mitrailler par un Chicago Typewriter, puis tomber de plusieurs étages entre les rampes d’un grand escalier en colimaçon.
Après des films comme Gone baby Gone, The Town et Argo, des œuvres qui sont portées par le jeu de leurs comédiens, il est indéniable que Ben Affleck maîtrise bien son rôle de réalisateur lorsqu’il s’agit de diriger ses acteurs. C’est pour cette raison que les personnages de Live by Night sont si intéressants, malgré le scénario plus faible. Il est donc important de souligner que le film met aussi en vedette des acteurs comme Chris Cooper, qui incarne le chef de police de Tampa, Elle Fanning, qui tient le rôle de sa fille, et Zoe Saldana, la jeune femme qui deviendra la complice de Coughlin dès son arrivée en Floride. Par ailleurs, en ce qui a trait à l’ensemble des performances, on évite de tomber dans le cliché ou de trop en mettre. D’ailleurs, l’une des plus belles interprétations du film revient à Elle Fanning qui, vers la fin du film, ira jusqu’à remettre totalement en doute sa foi en Dieu, alors qu’elle discute avec Joe dans un café. Chose surprenante, puisqu’elle est à la tête d’une communauté religieuse qui s’oppose justement aux activités illicites de Joe. Une remarque négative au sujet de la distribution : il aurait été sans doute préférable de donner le rôle d’Affleck à un autre acteur, afin d’ajouter un peu plus de piquant à ce personnage. En effet, son interprétation nous rappelle beaucoup celle qu’il avait livrée dans The Town. Ou alors, est-ce parce que Doug MacRay et Joe Coughlin partagent beaucoup de points en commun?
Sur les plans plus techniques, Live by Night est remarquable. Et c’est notamment grâce à la très belle direction photo de Robert Richardson, qui a d’ailleurs collaboré avec Quentin Tarantino sur plusieurs de ses films dont The Hateful Eight (2015). En offrant des plans riches en lumière et en ombre, le traitement des images de Richardson sert ainsi à la fois aux ambiances sombres de Boston qu’à celles plus colorées de la Floride. Live by Night est donc un film beau à regarder, particulièrement lorsqu’on nous présente les paysages exotiques du Tampa d’autrefois. Ainsi, la direction photo de Richardson parvient parfois à nous ramener dans l’univers de Coughlin, et ce, même lorsque le scénario rend la tâche un peu plus difficile. De plus, la musique de Harry Gregson-Williams vient renforcer les plans déjà captivants et apporter davantage de couleur aux performances des acteurs, en plus de souligner les séquences plus émouvantes et troublantes du film.
Finalement, que l’on raconte l’histoire de la famille Corleone dans la série The Godfather (1972), ou celle de Henry Hill dans Goodfellas (1990), la fascination pour la figure du gangster a toujours été présente chez le public depuis l’avènement de ce type de films. C’est donc fort probablement pour son amour envers ce genre populaire que Ben Affleck a décidé d’adapter le roman de Lehane, croyant faire de Live by Night le prochain classique des films de gangsters. Toutefois, même si son plus récent métrage possède tous les éléments esthétiques et techniques nécessaires pour l’être et comporte une brochette d’acteurs impressionnante, Live by Night demeurera un bon divertissement pour ceux et celles qui parviendront à oublier son scénario plus faible.
Sortie en salle: 13 janvier 2017
Crédit photos: IMDB, Warner Bros., Google Image
Malgré une excellente distribution, une direction photo alléchante et des moments parfois forts en émotions, c’est essentiellement à cause d’un scénario plus faible et trop condensé que Live by Night n’arrive pas à se tailler une place parmi les classiques des films de gangsters.