De tous les membres de mon entourage, je crois que j’étais la plus optimiste face au Maitres du suspense. La première bande-annonce, où rien n’était annoncé sinon les trois acteurs principaux, m’avait tout particulièrement charmée. La seconde un peu moins, et le film, pour sa part, m’a appris une grande leçon: je dois commencer à me fier à mon entourage.
Réalisé par Stéphane Lapointe, connu, entre autres, pour La vie secrète des gens heureux, le film mettant en vedette Michel Côté, Robin Aubert et Antoine Bertrand nous laisse malheureusement sur notre faim, du début à la fin.
Du côté du scénario, le tout se fait assez inégal. Comme si on tentait de rejoindre différents publics, le niveau d’humour ratisse large et cherche à parler à plusieurs, pour finalement parler à très peu. Les personnages sont bourrés de clichés, à la fois habités d’un mal-être d’auteur et d’une prétention un peu désagréable, et les situations dans lesquelles ils sont plongés sont toutes assez tirées de déjà-vus: une vie sexuelle trépidante pour l’auteur à succès, et une vie de couple minable menacée par le divorce pour celui qui s’attire un rare public lors des Salons du livre. Pour cette raison, les personnages de Michel Côté et Robin Aubert m’ont semblé un peu inaccessibles, parce que présentés en apparences et en surface. Ils ne se démarquent en rien, sinon par ce que leur carrière fictive nous renvoie constamment sur les auteurs de cette trempe. Plutôt dommage, parce que deux acteurs au talent débordant.
Dans un autre ordre d’idées, comme il s’agit d’une histoire mettant en scène des auteurs, il est une grande partie du film qui se concentre à faire de l’humour à saveur littéraire, mais parfois si pointu que difficilement dur à recevoir sans connaissances pointues du domaine. Bien évidemment, il est rafraichissant d’entendre des noms comme celui de Kafka dans un tel film, mais ce style d’humour ne fait finalement qu’amplifier et préciser le fossé entre un humour remâché et mou, et des allusions à des maitres de la littérature parfois extrêmement précises et pouvant facilement être incomprises. À la fois pour monsieur et madame tout le monde, à la fois pour le bachelier en littérature, le public de ce film est plutôt difficile à préciser et, ainsi, interpeller.
L’un des plus beaux aspects de ce long métrage reste néanmoins la performance d’Antoine Bertrand, qui est ici dans un rôle tout à fait différent que ce dans quoi il est normalement plongé. C’est son personnage qui se distingue le plus de l’entièreté de l’oeuvre, à la fois original, drôle et savamment bien interprété.
Bien que tirées par les cheveux, les actions farfelues dans lesquelles les personnages se retrouvent nous tiennent captivés et nous donnent envie de connaitre la suite, un sourire aux lèvres, lequel est malgré tout rarement accompagné d’un rire.
Du côté de la réalisation, il faut dire que la signature du chef d’orchestre est plutôt absente. Assez générique, sans touche particulière, le montage invisible de ce film nous plonge dans un univers ordinaire et du quotidien, ne nous faisant pas vraiment voyager sinon lors d’un voyage en Nouvelle-Orléans. Le tout est bien fait, certes, mais pas impressionnant.
Enfin, lors d’une journée pluvieuse emmerdante, pensez aux Maitres du suspense. Il saura peut-être égayer votre journée, sans s’inscrire nécessairement dans votre liste de favoris. Bref, sans qu’il soit dans la mienne, je lève mon chapeau à Bertrand et suis heureuse de lui avoir découvert une facette plutôt méconnue, sensible et touchante.
Le film sera en salles partout au Québec le 17 décembre 2014.
Crédit Photos: Les Films Séville