Sur l’un des murs du bureau de Claudie (Julie Perrault), rédactrice en chef du journal LeMatin, une intéressante maxime est imprimée : Tout doit être dit. Est-ce que les journalistes, et par ricochet les médias de tous genres, ont effectivement l’obligation de rapporter et commenter les faits les plus anodins et les injustices les plus horribles, et risque d’aller beaucoup trop loin, au nom du droit absolu de tout savoir? C’est ce que à quoi tente de répondre la série Les jeunes loups, présentée sur le réseau TVA depuis plus d’un mois. Hélas, malgré cette prémisse hautement pertinente et tristement actuelle, Réjean Tremblay, comme il l’a démontré à maintes reprises avec ses téléséries précédentes teintées de succès, se contente d’éculer les mêmes vieux clichés sensationnalistes au lieu de profiter de la tribune qui lui est offerte pour emprunter des pistes d’exploitation plus audacieuses.
Les jeunes loups se veut la version 2014 de la célèbre série de1992 Scoop, écrite par Réjean Tremblay et Fabienne Larouche. Mais qui sont précisément ces jeunes loups? Aux yeux de Tremblay, les jeunes loups représentent la nouvelle génération de journalistes fringants, effrontés et sans peur possédant une vive intelligence informatique qui sont affamés et prêts à toutes les bassesses pour trouver la vérité et la dévoiler à un public ignorant. Claudie St-Laurent et son amie Maripier Renaud (Catherine Bérubé) rachètent de peine et de misère le journal Le Matin en ayant la ferme conviction que cet investissement révolutionnera le monde du journalisme. Elles misent sur l’expérience de journalistes aguerris (Marc Quenneville, Mariane Desbiens, Paula Champagne respectivement interprétés par Luc Picard, Jacynthe René et France Castel) et la fougue des nouveaux et futurs diplômés. Ensemble, ils essaient de démasquer les histoires les plus juteuses et dévoiler les détails scabreux qui leur assureront d’avoir le plus de clics et de tirages vendus.
Réjean Tremblay dissimule avec un flagrant manque d’habileté-et de volonté?-cette réflexion sur le besoin de tout dire et d’utiliser tous les moyens imaginables pour le faire. Les personnages ressentent des conflits moraux simplement pour la forme. Ils ne se questionnent pas véritablement sur les répercussions de leurs gestes. L’important, c’est de faire coffrer les méchants, sauver les gentils et alerter la population. L’analyse s’avère donc simpliste, voir infantilisante. Tremblay choque et sème la controverse dans le seul objectif de mousser les cotes d’écoute. Bref, lui et la chaine qui le diffuse ne prennent pas de risques, préférant conserver un audimat de sept chiffres. Les intrigues remâchent les mêmes thèmes saturés (ah la religion, cette sapristi de charte, la dangereuse mafia italienne!) avec un traitement tout aussi délavé. Les dénouements sont prévisibles dès le premier épisode et ils s’avèrent fondés à mi-parcours de la série. Autrement dit, Réjean Tremblay se concentre plutôt sur les relations sexuelles et amoureuses entre employés (et les déchirements mélodramatiques qu’elles impliquent) au lieu de construire d’haletants suspenses. Ce choix artistique accentue les longueurs et entrave la progression dynamique de la trame narrative.
Érik Canuel et Jean-Claude Lord, de leur côté, se partagent la réalisation. Ils s’acquittent de leur mandat admirablement en proposant des prises de vues vivantes et de dynamiques changements de plans. Par contre, cela ne suffit pas pour aider les acteurs à se démarquer. Ceux-ci, malgré tout leur vouloir et potentiel, ne parviennent pas à être crédibles. Les répliques qu’ils ont à dire sont trop ridicules et les compositions de leurs personnages trop stéréotypés. Toujours aux yeux de Tremblay, une lesbienne tomboy se doit de parler mal et de déclarer à toutes les filles qu’elles croisent qu’elles sont cutes? Une chroniqueuse couvrant les arts et spectacles est riche mais tellement malheureuse qu’elle trompe son mari avec un autre journaliste adonis et rebelle. Un journaliste blasé qui a vu trop d’injustices doit immanquablement se saouler tous les soirs, sniffer de temps et en temps et combler ses besoins sexuels avec une danseuse nue. Un peu plus de réalisme et de subtilité aurait été de mise.
Bref, la nouvelle série de Réjean Tremblay se glisse parfaitement dans le moule dans lequel ses séries passées ont été confectionnées. Nous avons donc droit à des sujets avec d’intéressants enjeux sociaux mais banalisés par la surenchère de dialogues clichés, de scènes sexuelles gratuites pour assurer que les cotes d’écoute demeurent rentables, de suspenses sans suspense et d’acteurs chevronnés et prometteurs qui gaspillent leurs temps et talent. C’est pourquoi la nécessité –et l’intérêt- d’impérativement devoir visionner chaque épisode pour ne pas louper un seul indice s’estompe assez rapidement. Pourtant, l’attrait premier d’une émission de télévision ne réside-t-il pas justement dans cette capacité de nous rendre accros et nous faire douter?
Cette série est présentement diffusée sur la chaîne TVA les lundis à 21 heures.
Crédit Photos : Les Jeunes Loups – Page Facebook
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