Qui me connaît au minimum est conscient de mon amour incommensurable pour Robert Morin, ce cinéaste québécois ayant passé sa carrière à faire ce qu’il voulait, quand il le voulait, peu importe le prix. Bien que le grand public connaisse peut-être ses fictions les plus populaires (Le Nèg, Que Dieu Bénisse l’Amérique ou plus récemment Les 4 soldats ou Trois histoires d’indiens), c’est avec un grand nombre de faux-documentaires variés et dérangeants que Morin s’est démarqué dès le début de sa carrière. Son public, habitué à un cinéma pratiquement direct, sans artifice, rappelant le found footage, devra faire face à un tout autre genre devant Le problème d’infiltration.
Le nouveau film de Morin est construit comme un huis clos aliénant portant sur l’obsession de la perfection et de la beauté. On y suivra le Dr Louis Richard (campé par un curieux Christian Bégin!), dans une descente aux enfers mentale qui débutera dans sa clinique de chirurgie esthétique, où Louis soigne les grands brûlés. Passant sa vie à parfaire la laideur, il en développera une obsession extrêmement malsaine qui ruinera lentement les différentes sphères de sa vie personnelle. Dans le film, cette douce descente aux enfers sera associée à un problème d’infiltration d’eau chez le chirurgien, qu’il tentera de colmater dès le début du film. Mais, tout comme la folie, un écoulement d’eau parvient toujours à se frayer un chemin, peu importe la manière qu’on emploie pour l’arrêter.
Présenté dans la forme d’une série de longs plans-séquences où on cadre pratiquement toujours le personnage, le film nous plonge avec Louis Richard au cœur de sa folie, qui se manifestera dans ses interactions, mais davantage dans son environnement, lequel se modifiera subtilement tout au long de l’œuvre. Morin, que l’on n’associe pourtant pas à un esthétisme léché, prend ici la décision formelle de travailler le cadre, la lumière et l’éclairage afin de dramatiser l’intrigue. Le résultat, qui ne sera pas sans rappeler le Dr. Caligari ou même M le Maudit, est extrêmement intelligent, cinématographique et efficace. Le jeu est excellent, la musique prenante, et le propos, à la sauce Morin, est fidèle au réalisateur. On pourra reprocher au film un certain manque de rythme et quelques répétitions, mais d’autres verront dans les longs plans présentant Christian Bégin marchant dans sa grosse maison une métaphore de sa descente en spirale vers l’enfer (ou son sous-sol). À cet effet, le rythme du film s’imposait par lui-même.
Au final, Le Problème d’Infiltration est un film différent, unique dans le paysage cinématographique québécois actuel. Comme le veut la tradition de Morin, c’est un exercice de style abouti, mature qui porte fruit. La preuve irréfutable que la combinaison d’un peu d’imagination et d’une bonne dose d’hommage au cinéma classique peut produire une œuvre encore très actuelle.
Le Problème d’Infiltration de Robert Morin prendra l’affiche au Québec le 25 août.
Même s'il ne réinvente pas les règles du septième art, Morin se les approprie et les utilise pour appuyer son propos de manière toujours aussi percutante et originale qu'à l'habitude.