L’issue des films sportifs contient des limites. Ultimement, soit le héros gagne ou perd. L’intérêt réside alors dans le processus de préparation de l’athlète ainsi que dans les sacrifices qu’il accepte d’assumer pour atteindre ses objectifs. Dans Southpaw, le choix du sport importe peu, puisque ce dernier a pour unique but de représenter une métaphore sur l’importance de se battre contre les épreuves douloureuses que la vie envoie. En exposant des personnages fascinants évoluant dans un récit bouleversant, ce drame met K.O ses détracteurs.
Jake Gyllenhaal prouve qu’il mérite une seconde nomination aux Oscars en interprétant avec sensibilité et fouge Billy ‘The Great’ Hope. Bénéficiant du support inconditionnel de sa femme Maureen (Rachel McAdams) et de sa fille Leila (Oona Laurence), ce boxeur champion du monde mène un mode de vie somptueux. Par contre, depuis son dernier combat, Billy accumule les crochets de gauche. Autant sur le ring que dans sa vie professionnelle. Il devra donc, avec l’aide d’un nouvel entraineur, Tick Wills (Forest Whitaker), apprendre comment contrôler la rage démesurée qui l’a toujours guidé pour devenir non seulement un sportif exemplaire, mais une personne d’exception.
Lui-même boxeur, le réalisateur Antoine Fuqua souhaitait mettre en scène une histoire qui, au-delà des prouesses athlétiques, relate la route vers la rédemption d’un homme brisé par des événements tragiques inattendus. Avant que Gyllenhaal se joigne à la distribution, Eminem était pressenti pour incarner Billy Hope puisque le scénario puise dans son vécu. Le rappeur produit plutôt la trame sonore en plus de signer la puissante chanson thème qui porte parfaitement son nom, Phenomenal. D’ailleurs, la musique composée par James Horner (Titanic, Avatar), jamais trop orchestrale et appuyée, rehausse à merveille l’intensité des séquences à teneur dramatique.
Donc, même si le focus principal de Southpaw ne se situe pas autour de la boxe, Fuqua dirige des scènes de combat et d’entrainement absolument saisissantes. Les doses d’adrénaline administrées par la frénésie de la foule et l’urgence du moment donnent l’impression d’assister à une bataille ou la regarder à la télévision (et non, pas seulement parce que HBO commandite le film!). Le dynamisme se dégageant des angles de caméra variés s’avère hypnotisant. La sueur, le sang, les coups-de-poing spectaculaires, la pression insoutenable vécue par le deux opposants …Tout est en place pour faire frissonner à profusion l’auditoire. Les séances au centre sportif ne manquent pas d’émotions fortes non plus. Rarement vus auparavant dans un film du genre, les exercices de protection que Wills prodiguent à Hope pour améliorer sa défense sont divertissants et intrigants pour tous cinéphiles vouant une admiration à la culture du sport.
Pleinement réussi, le mélange drame et sport rappelle le prodigieux Million dollar baby. Hormis une scène charnière qui perd toute son efficacité dramatique en voulant provoquer les larmes à tout prix, la descente aux enfers de Billy ne prend pas une tournure ridiculement mélodramatique. Cet être humain motivé par la haine destiné à s’effondrer alors qu’il ne lui reste plus rien et qu’il n’a jamais pris de décisions cruciales de son gré, soutire la sympathie. Bien ficelées, les intrigues ne contiennent aucun temps mort. Southpaw dresse également un portrait hautement réaliste d’un quartier ghetto que Fuqua filme d’ailleurs avec inspiration. Dans cet univers pauvre et délabré qui privilégie un langage cru, il était primordial que les relations d’entraide entre les protagonistes s’avèrent crédibles. Et c’est exactement ce que Southpaw délivre grâce à des dialogues extrêmement justes qui évitent les morales barbantes.
Jake Gyllenhaal possède une chimie enveloppante avec tous ses partenaires de jeu. Le sentiment d’impuissance qu’il ressent face à sa fille meurtrie qu’il aime profondément arrache des sanglots. Sa dévotion envers sa femme brise le cœur encore plus. Outre l’impressionnante transformation physique à laquelle il s’est soumis, l’acteur fait preuve d’une intensité rarement égalée. Son accent, sa rage mal contrôlée et sa volonté de changer sont livrés à la perfection. Gyllenhaal est solidement appuyé par la tenace (et fort séduisante) Rachel McAdams, le vulnérable Forest Whitaker et l’étonnante justesse de la jeune Oona Laurence.
Malgré un dernier acte plutôt convenu, Southpaw, filmé et campé avec passion, parvient à se démarquer de la panoplie des films sportifs en proposant une trame narrative profondément authentique axée sur la capacité de rédemption de l’être humain.
Ce film est à l’affiche depuis le 24 juillet 2015.
Crédits Photos : Les Films Séville
