Film d’ouverture de la dernière édition du Festival des films du monde de Montréal, L’autre maison marque la première réalisation cinématographique de fiction de Mathieu Roy, frère de l’animateur de bulletins de nouvelles Patrice Roy. Sans être purement autobiographique, le scénario de Roy et Michael Ramsey s’inspire de la vie de famille des deux frangins. Mais cela n’a pas beaucoup d’importance. Les éléments qu’il faut d’abord retenir de L’autre Maison sont l’impeccable distribution, les répliques tranchantes et la sublime direction photo.
Henri Bernard (Marcel Sabourin), 80 ans, souffre d’inquiétantes pertes de mémoire. À un point tel qu’il ne peut plus habiter seul dans sa pittoresque maison isolée en forêt. Son fils Éric (Émile Proulx-Cloutier) emménage et devient aidant naturel. Ce rôle est lourd à porter pour Éric, qui voit sa relation avec sa blonde Maia (Florence Blain Mbaye) se détériorer. De son côté, le second fils d’Henri, Gabriel (Roy Dupuis), préfère se concentrer sur son métier de journaliste et partir pour l’Afghanistan. Les deux frères partagent donc des vues différentes sur l’état de leur père : l’un souhaite qu’Henri termine dignement ses jours dans sa résidence alors que l’autre pense que l’installer dans un centre spécialisé serait la meilleure option.
L’autre maison est nominée à trois reprises à la seizième soirée des Jutra : Meilleur acteur (Marcel Sabourin), Meilleure direction de la photographie (Steve Asselin) et Meilleur montage (Louis-Martin Paradis).Ces nominations s’avèrent hautement intéressantes car elles soulignent avec justesse les qualités et les faiblesses du film. Premièrement, les performances. Les personnages imaginés par Mathieu Roy entrainent la sympathie et l’attachement. La dynamique des deux frères et l’animosité s’installant entre Éric et Maia sont très bien développées au niveau psychologique. Émile Proulx-Cloutier cerne avec une vérité sidérante l’impuissance, la colère et l’exaspération d’Éric. Les scènes où il éclate en sanglots fendent le cœur. Dans le premier tiers du film, Roy Dupuis incarne de manière caricaturale et avec désinvolture les traits antipathiques de Gabriel. L’impression de voir Roy jouer du Roy Dupuis se fait donc sentir mais elle s’estompe lorsque son personnage remet en question ses perceptions sur sa famille. Marcel Sabourin prouve encore une fois qu’il possède un exceptionnel talent pour la retenue. Les émotions atteignent leur apogée dans les insoutenables silences et les regards vides, désespérés et déchirés.
Il ne faut pas s’attendre à de trépidants rebondissements. Le film se veut une réflexion sur la mort, les regrets, les relations familiales et les sacrifices que l’on fait au nom de l’amour. Ces thèmes sont abordés à la fois avec humour et lourdeur, ce qui est tout à fait honorable. La direction photo de Steve Asselin illustre brillamment ces sujets. À travers les ombres, le ruissellement de la rivière, les textures des feuilles ainsi que les teintes rosés et orangés d’un lever de soleil, le public est pleinement propulsé dans cet univers où la nature, la nostalgie et la mélancolie sont reines. Cependant, le montage de Louis-Martin Paradis séduit beaucoup moins. Les transitions entre les scènes s’étirent inutilement et entravent le rythme à la base lent de l’intrigue principale. La réalisation de Roy s’avère honnête, linéaire et somme toute inspirée. Ceci étant dit, elle est totalement éclipsée par la direction de la photographie.
Le scénario manque de raffinement. Si certaines répliques sont cinglantes, savoureuses et expriment avec éloquence les déboires des personnages, la trame narrative, en revanche, aurait gagné à être mieux définie et étoffée. Le synopsis officiel du film indique qu’Henri est à la recherche métaphoriquement d’une autre maison. Une maison où il trouvera la paix intérieure. Les interprétations de cette autre maison sont évidemment multiples. Or, tout au long du film, Henri ne fait jamais mention de cette maison. En fait, le problème réside dans le fait qu’on ne sait pas trop quelle est véritablement la quête d’Henri. Même s’il est le personnage principal, c’est lui qui est également le plus effacé.
Malgré des longueurs et une trame narrative qui souffre d’un manque de précision, L’autre maison de Mathieu Roy relate une histoire profondément touchante qui est livrée avec brio par de grands acteurs. La remarquable direction photo ajoute de l’intensité et de la profondeur au récit.
Ce film est disponible en DVD et Blu-Ray depuis le 4 février 2014.
Crédits Photos : www.lautremaison-lefilm.com
http://www.youtube.com/watch?v=06ARjacNwGI