C’est après une longue carrière et un legs immense dans le domaine de la musique cinématographique que le compositeur islandais Jóhann Jóhannsson réalisera enfin son premier, mais également son dernier film, puisqu’il nous quittera avant que celui-ci puisse être diffusé. L’œuvre a pourtant été complétée, et on peut maintenant découvrir le chant du cygne de ce grand artiste, qui peut pour la première fois apposer sa propre image sur son génie musical (et sur son nom parfait).
Last and first men est d’abord basé sur un récit d’anticipation écrit par Olaf Stapledon en 1930. On y décrit un monde post-apocalyptique, à des milliards d’années terrestre de notre époque, qui a survécu à l’atmosphère maintenant invivable sur Terre en se déplaçant sur Neptune. Mais les années se sont écoulées, et de la civilisation humaine telle qu’on la connaît ne subsiste finalement qu’une population réduite à une poignée d’individus, ne ressemblant plus à des êtres vivants, mais davantage à des ruines d’inspiration architecturales modernes.
Cette société décrite dans la nouvelle, et qui est donc la thématique du film écrit et composé par Jóhannsson, est représentée avec la direction photo de Sturla Brandth Grovlen par des objets complètement inanimés. Mais le montage, le cadrage et surtout l’envoûtement créé par la musique et la narration de Tilda Swinton, interprétant une entité s’adressant directement au spectateur, l’appelant à l’aide en quelque sorte, nous plongent dans une bulle qu’il est impossible de quitter pendant 1h10. Le film est court, expérimental, mais surtout unique, et son propos ne peut être plus actuel. On y aborde une fin du monde, un sentiment d’urgence fataliste, avec une poésie et une efficacité qui crève le cœur. Le décès récent de l’artiste derrière l’œuvre ne fait qu’amplifier ce sentiment d’importance que le film revêt.
On peut facilement analyser la composition et le montage qui nous est proposé, avec toutes ces différentes structures inanimées, mais pourtant toujours évocatrices d’une quelconque émotion, intention, qui nous est inspirée par le texte de Swinton. C’est un véritable tour de force que de pouvoir prêter des sentiments à ces pierres massives, sculptées dans une inspiration artistique nous étant complètement inconnue, mais on finit par croire à cette société de marbre, communiquant entre ses membres par la télépathie, ou simplement par une compréhension qui nous est impossible à concevoir. Les majestueux paysages de la Yougoslavie, ainsi que les structures modernes qui semblent avoir été déposées sans raison au milieu de nulle part, participent à cette atmosphère surréelle, presqu’impossible, qui nous berce tout au long de l’oeuvre.
Last and first men est une œuvre unique, méditative, qui vous présente une cinématographie impressionnante, doublée d’une poignée d’esprits talentueux et créatifs, qui vous emmènent sur planète finalement pas si étrangère pendant une durée juste assez courte. Une écoute qui fait du bien.
Le chant du cygne de Jóhann Jóhannsson est un voyage inspirant, méditatif, doublé d'une direction photo exceptionnelle, d'une narration brillante et surtout une composition digne de l'artiste derrière l'oeuvre. Un film à part qui en vaut définitivement l'écoute.