C’est l’été, une canicule frappe Montréal, et l’appel de l’ailleurs est plus puissant que jamais. L’idée de s’enfermer chez soi pour écouter un film ne fait définitivement pas l’unanimité. Par contre, certains films peuvent, au contraire, venir exalter ce goût de l’ailleurs. Après tout, l’été, c’est aussi le moment idéal pour profiter des vacances et vivre de nouvelles expériences. Le film «The Beach», réalisé par Danny Boyle, entre dans cette catégorie. Un film qui a l’effet d’une boisson énergisante et qui présente des thématiques loin d’être anodines.
Le film s’ouvre avec le personnage principal, Richard, interprété par Leonardo Dicaprio. Un jeune homme dans le début de sa vingtaine, cynique et ennuyé. Il désespère devant la platitude de son époque, particulièrement devant les sociétés occidentales asphyxiées par leur confort. Avec son sac à dos, il veut vivre de nouvelles expériences et être confronté à la découverte du monde. Sa rencontre avec un vieil homme délirant est déterminante : dès lors, il part à la recherche d’une plage supposément secrète, sur laquelle il est possible d’atteindre le paradis terrestre.
Si le film vaut la peine, c’est définitivement grâce à sa première heure. Une heure de cinéma dynamique, explosive, vibrante. Richard atteint la fameuse plage en compagnie de 2 amis rencontrés en chemin, dont la charmante Françoise. Pour y arriver, le groupe a surmonté plusieurs épreuves, dont l’évitement d’un groupe de trafiquants de drogues armés et dangereux. Une fois sur place, ils s’immergent dans ce monde parallèle avec une communauté d’accueil chaleureuse. Un monde utopique, où priment le plaisir et l’instant présent. Par contre, ce bonheur a bien un prix et Richard, lentement, le constate. Les dynamiques interpersonnelles se complexifient et il devient clair que la paix qui règne sur l’île est tributaire à un aveuglement volontaire, entretenue par la cheffe de la plage, Sal.
Cette première heure de film est réalisée et montée avec beaucoup de dynamisme. Après une introduction plus nerveuse, où Richard se lance dans l’aventure, le film prend une tournure contemplative. En alternance, Danny Boyle nous présente la beauté des paysages, de l’eau claire et turquoise de la plage, des corps sculptés des membres de la communauté. L’ambiance sonore est joyeuse et même lyrique. Je garde en tête une scène magnifique, où Richard (Leonardo) et Françoise profitent de la nuit pour se glisser dans l’eau encore claire en s’embrassant, tous deux éclairés par les planctons. Bref. Après une heure, nous croyons en ce paradis et nous l’envions.
Viens alors la deuxième partie du film. Bien qu’elle soit moins réussie, puisque précipitée et trop chargée, elle soulève plusieurs réflexions qui transforment un film d’aventure en un récit psychologique. Quelle est le prix à payer pour l’utopie? L’amour, la paix, l’amitié, la fraternité, et le respect, les 5 fondements du bonheur qui anime la plage, implosent tour à tour lorsque les personnages sont confrontés à l’idée suivante : la douleur existe et ne peut être éternellement refoulée. Cette deuxième partie est radicalement plus violente que la première et démontre bien où peut mener un régime qui tente de baliser la vie humaine trop étroitement. Elle démontre aussi, ironiquement, l’importance de cette communauté pour l’accomplissement de tous et chacun. Lorsqu’il sera brièvement rejeté de la communauté, Richard sombrera dans un délire primitif et solitaire. Alors? Quelle avenue choisir? Voilà une question qui demeure en suspens.
En ces temps de chaleur, de vacances et de voyages, «The Beach» est un film qui dynamise l’esprit et qui éveille ce désir de partir à l’aventure, de partir à la quête du «moment». Que ce «moment» procure un bonheur éternel est bien secondaire, puisqu’il s’agit d’une obsession maladive. Ce qui importe, c’est le souvenir que chaque aventure laisse derrière elle, comme un précieux apprentissage.
En soi, «The Beach» est une aventure qui vaut la peine.