Je vais vous confier un secret. C’est extrêmement sérieux. J’ai un trouble très rare qui fait, qu’en présence d’un film dit «pour enfants», je rejoins l’âge mental associé à cette catégorie de gens. À titre d’exemple, on a pu m’apercevoir, lors de la sortie en salles de L’Université des Monstres, debout, première rangée, complètement gaga devant l’écran. Ça fait partie de ma personnalité, il n’y a pas de remède. Je suis complètement fichue. Cela dit, malgré ce trouble très grave, il m’arrive parfois de me retrouver devant des oeuvres matures qui, même si elles s’adressent à un jeune public, savent rejoindre les adultes et même, à la limite, porter un message important à bout de bras et intelligemment. C’est le cas, tout récemment, de La Légende de Manolo, oeuvre produite par nul autre que le grand Guillermo Del Toro.
Reprenant le conte de cape et d’épée à la princesse très conventionnel, ce récit est pourtant porteur d’un message et de références matures qui lui permettent de s’élever à un niveau où peu de films de cette catégorie s’aventurent habituellement.
C’est dans le cadre du 2 novembre et de La Fête des morts que se déroule l’action de ce film. On retrouve, dans la ville de San Angel, trois enfants sur lesquels est jeté un pari, et dont l’issue changera à jamais l’humanité: Manolo, Maria et Joaquin, les trois personnages principaux de cette oeuvre qu’on voit grandir et changer, qu’on suit partout, et ce, jusque dans les profondeurs de la mort.
Ce qui touche, tout de suite et directement au coeur, est l’esthétique de cette oeuvre. À la fois enfantine et lugubre, elle rappelle la peinture espagnole, Tim Burton et l’enfance. Elle est toute enrobée de folklore mexicain et déborde de couleurs qui marquent l’esprit et font sourire. L’esthétique est accompagnée de sa grande amie la musique qui, est non seulement surprenante, mais en plus, nous est familière: Mumford and Sons, Radiohead, Rod Stewart… Autant de noms qu’on ne s’attend jamais à retrouver dans ce genre de films mais qui, avec grande surprise, s’y collent comme un sombrero sur son fier Mexicain.
Déjà magnifique, ce film est également intelligent. Manolo, descendant des Sanchez, est vendu au destin de matador, ce à quoi il s’oppose fortement. Pour lui, le fait de tuer un taureau est immonde et il choisit donc pour métier la musique, sa vraie passion. Il faut souligner que les protestations contre les corridas, cette tradition bien ancrée et conservatrice, sont de plus en plus populaires, et qu’elles nécessitent d’être écoutées. L’ajout d’une telle problématique dans un film familial est ingénieux, et permet ainsi de dégager un message fort et instructif de ce dernier. Comme si ce n’était pas assez, Maria, le personnage féminin principal, charme par… son féminisme! Au diable les princesses pendues aux bras des hommes: Maria sait se battre, dire non et rembarrer ceux qui voudraient l’enfermer dans un foyer pour cuisiner à longueur de journée. Vivement plus de personnages intelligents au cinéma, vivement plus de messages forts et au revoir les clichés. Les femmes fortes sont présentes, et devraient être les vraies princesses.
Malheureusement, tout le film prend place dans le cadre d’une visite au musée qui, je dois le dire, m’a un peu énervée. On joue entre la légende et la réalité, laquelle s’oppose drastiquement à l’univers si bien établi. Cet aspect jure un peu avec le reste du film qui demeure, en soi, un excellent divertissement en attendant impatiemment les festivités d’Halloween. Un film d’animation et d’auteur qui saura en faire sourire plus d’un et fredonner tous les autres.
Le film est en salles au Québec depuis le 17 octobre 2014.
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