Dans une période phare de l’histoire identitaire et culturelle du Québec, où tout semble constamment être sur le point de se jouer, où le moindre débat divise la population, une génération complète ne semble pas accorder la même importance aux enjeux de souveraineté qui animaient autrefois la gauche politique. C’est probablement qu’avec le temps, les débats ne sont plus les mêmes, la jeunesse n’étant plus sensible aux mêmes valeurs qu’auparavant. Est-ce que la force de révolution s’est ternie après la grève étudiante de 2012? Peut-être qu’au contraire, ces événements marquent le pas d’un esprit de revendication encore plus sensible aujourd’hui…
Tant de questionnements, et si peu de réponses pour la population québécoise actuelle. La fin des terres, le premier long-métrage documentaire de Loïc Darses (à qui l’on devait en 2015 le poignant Elle pis son char), tente de lancer une piste de réflexion sur le sujet. À l’aide de dizaines de voix porteuses et actuelles, telles Catherine Dorion, Léane Labrèche-Dor, Yes McCan, mais également plusieurs porte-paroles moins connus du grand public, l’équipe tentera de dresser le portrait d’une pensée collective qui se questionne. Le film, qui soumet une interrogation assez puissante, ne parviendra pas à offrir une réponse concluante ou une marche à suivre, mais laisse tout de même sur une note positive, nous rappelant que le changement demeure possible, redéfinissant par la même occasion le concept-même d’indépendance.
C’est servis par les magnifiques images de Charlotte Lacoursière et Louis Turcotte que les spectateurs pourront écouter les multiples citations et pensées qui formeront le film. L’ensemble des plans, exposant différents lieux importants du Québec, autant dans les immeubles de Montréal qu’à l’extrême Nord, sont lents, esthétiques, et servent de poésie visuelle. Dans l’ensemble du documentaire, aucun sujet humain ni animal, seulement ces grands espaces vides ayant marqué l’histoire à des moments que plusieurs d’entre nous n’avons jamais connus, maintenant baignés dans les souvenirs. La direction photo, simple, mais bien efficace, est servie par l’excellent montage de Philippe Lefebvre, lequel réussira à nous guider au-travers de ce nuage de pensées. Car bien que le film puisse avoir été structuré de mille manières différentes, l’équipe aura réussi à dénicher un fil d’Ariane, sens où nous nous laisserons guider jusqu’au générique.
Nous ressortons du dernier film de Loïc Darses avec une étincelle au fond de nous, que certains croyaient peut-être éteinte, mais qui se ravive aussitôt qu’on l’appelle. Peut-être que quelques opinions du film seront sujettes à débats (on ne niera pas certaines préférences politiques ou sociales liées au message porté par l’œuvre), mais n’est-ce pas là la clé du dialogue? En ce sens, La fin des terres est une invitation à prendre le pouls du moment présent. Il sera d’autant plus intéressant de le revisionner après quelques dizaines d’années, question de voir qu’est-ce qui sera advenu de tous ces questionnements encore sans réponse.
La Fin des Terres est un exercice de style qui parvient à capter l'essence d'une pensée partagée par plusieurs. Sans imposer d'idéal ni livrer de solution, il parvient à nous faire réfléchir sur le Québec actuel et à venir.