Du 27 au 29 février dernier, la grande salle du cinéma Le Capitol a célébré son cinéma d’ici. Pour une troisième année consécutive, les Rendez-Vous sont revenus de justesse! En quelques semaines, Annie Hamel, la directrice générale du cinéma Le Capitol, aidée de Guillaume Venne (propriétaire du cinéma), a su monter une programmation très diversifiée qui a certainement plu au public drummondvillois. Parmi celle-ci on y retrouvait un court-métrage mettant en vedette un petit homme originaire de Drummondville (Recrue), un documentaire (Mad Dog and The Butcher), une classe de maître donnée par le réalisateur drummondvillois Steve Robillard, le premier long-métrage de Monia Chokri qui a su la faire rayonner à Cannes l’an dernier (La Femme de Mon Frère), la sélection du Canada aux Oscars (Antigone), une avant-première pour la réalisatrice Jeanne Leblanc (Les Nôtres) et plusieurs autres tels que Matthias et Maxime, Kuessipan et Sympathie pour le Diable. Les fins connaissants reconnaîtront probablement une partie de cette sélection comme étant celle du PCCQ (Prix Collégial du Cinéma Québécois).
Mes coups de coeur
Recrue (Pier-Philippe Chevigny)
Projeté jeudi soir en première partie du grand Antigone de Sophie Derapse, Recrue est un court-métrage signé par Pier-Philippe Chevigny. Il met en vedette Édouard Biron-Larocque (un jeune garçon qui n’a certainement pas la langue dans sa poche et dont une carrière très prometteuse lui est destinée!) dans le rôle de Alex, 6 ans. Dénonçant la montée de l’extrême droite au Québec, le court-métrage suit le petit garçon alors qu’il accompagne son père dans la forêt lors d’un regroupement d’une milice amatrice (qui fait penser au groupe La Meute) dont il fait partie.
La force du film est certainement le fait qu’il dégage une innocence, car il est raconté par les yeux d’un enfant. Recrue rappelle que même si les adultes semblent endoctrinés dans un racisme qui semble incohérent, la naïveté et la pureté d’un enfant redonne espoir en l’humanité.
Un court-métrage poignant qui s’est promené en Belgique, France, Canada et États-Unis. Bravo!
Les Nôtres (Jeanne Leblanc)
C’était salle comble vendredi soir pour l’avant-première du dernier film de la cinéaste Jeanne Leblanc! Projeté deux jours plus tôt dans la grande métropole, Les Nôtres a su rendre bouche-bée le public présent dans la salle.
Se déroulant dans le village fictif de Sainte-Adeline, l’histoire des Nôtres prend place cinq ans après qu’une tragédie ait emporté dans la mort quelques villageois. Parmi ces défunts se trouve le père de Magalie, 13 ans, l’héroïne du récit qui porte en elle un lourd secret qui ne prendra pas de temps à se propager dans le village.
Un film choquant, frustrant qui dénonce l’hypocrisie du silence. Un film brillamment réussi puisqu’il joue avec les non-dits, les regards, les sous-entendus. Toute l’intrigue, tous les revirements de situations sont suggérés. Un simple regard d’une actrice peut résumer le film en entier.
La présence des deux co-scénaristes (Jeanne Leblanc, réalisatrice, et Judith Baribeau, actrice) a été fort appréciée, car elles ont pu entreprendre une discussion post-projection en répondant aux questions du public. D’emblée, avant la projection, la réalisatrice avait averti son public que son film allait toucher différemment chaque personne dans la salle. Chacun qui le voulait a donc pu partager son opinion sur ce film poignant qui fait fortement réagir et cet échange fut fort enrichissant.
Les Nôtres est un film dur à regarder, il ne nous laisse aucune minute de repos, mais il est nécessaire. Il sort en salles partout au Québec le 13 mars prochain. C’est à voir!!
Ma mention spéciale
Kuessipan (Myriam Verreault)
Se déroulant dans la réserve innue de Uashat à Sept-Îles, Kuessipan met en vedette Mikuan (Sharon Fontaine-Ishpatao) et Shaniss (Yamie Grégoire). Meilleures amis dès leur enfance, les deux jeunes femmes se sont soutenues dans toutes les dures épreuves que la vie a mis sur leur passage. Mais lorsque Mikuan tombe amoureuse de Francis, un jeune homme blanc, elle fait part à ses proches qu’elle rêve d’un avenir à Québec, hors de sa réserve.
La force du film est qu’il fait une réelle immersion dans cette communauté autochtone qui vit si proche de nous, qui représente les racines, les ancêtres de notre nation, mais dont nous sommes totalement inconnus. C’est très intéressant que ce soit le « blanc québécois » qui soit en minorité dans ce film. Le personnage de Francis représente en quelque sorte les spectateurs québécois qui sont intéressés à connaître cette culture, cette langue, ces traditions.
Le film remet en question qu’est-ce que l’identité autochtone et québécoise représente pour ses personnages. Comment il est important (et surtout tellement enrichissant!) de partager sa langue et sa culture avec autrui. Le long-métrage nous laisse tout de même septique à savoir s’il est réellement possible aux deux cultures de bien s’entendre, de bien cohabiter sur ce grand territoire qu’est le Québec. C’est décevant, mais il est peut-être vrai que pour l’instant cela soit encore impossible (du moins un problème), étant donné toutes les tensions qu’on peut lire ces jours-ci dans l’actualité. Ceci dit, le timing de la date de projection ne pouvait pas autant mieux tomber. Ce n’est pas un film qui tente de faire la morale (du moins, je crois), il ne fait qu’exposer les faits.
Un film qui met en vedette des acteurs non-professionnels, mais dont leur charisme et leur candeur fait vite oublier les quelques répliques qui sonnent fausses. Félicitations pour leur générosité à l’écran!
Bref, j’ai vécu un magnifique week-end ces derniers jours et je tiens à remercier Annie Hamel d’avoir généreusement accueilli Ton Canapé au festival! Il ne m’a fait que confirmer qu’il est important d’exporter notre cinéma québécois hors de la métropole. Le public drummondvillois était au rendez-vous! Vivement une future édition et à l’an prochain!
Crédits photos : La Presse, Journal Métro, H264 Distribution