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En analysant les affiches publicitaires et le look générique de ce film, vous vous dîtes sûrement: «ah non, un autre film de filles racontant l’histoire de deux meilleures amies en dispute». Détrompez-vous ! Ingrid Goes West est bien plus qu’un film d’adolescents abordant les tendances culturelles d’aujourd’hui; c’est une tragi-comédie (à la limite du suspense) avec un sens d’une très grande justesse. Encore mieux, dîtes-vous que ce film est American Psycho (2000), mais où l’arme du crime est plutôt votre IPhone et vos profils réseaux sociaux. Mesdames et messieurs, chères âmes connectées, je vous présente la merveilleuse histoire de la superficialité du web. En effet, préparez-vous plutôt à un récit sociologique sur les effets pervers de la génération des milléniaux. J’ai critiqué plus tôt cette année le film The Circle, avec Emma Watson et Tom Hanks en tant que têtes d’affiche, et le récit d’Ingrid réussi définitivement où le précédent a échoué. Il a d’ailleurs été récompensé au dernier Festival Sundance, ce qui en fait un flick d’intérêt.
Oubliez drames nucléaires (wink wink la Corée du Nord), enjeux d’immigration et changements climatiques pour une heure et demi, vous êtes dans votre quotidien de tous les jours…mais avec une légère touche bohème. Dès la première scène, nous sommes automatiquement confrontés à notre «héroïne», qui est loin d’en être une: Ingrid Thorburn (Aubrey Plaza, son rôle le plus sérieux et le plus marquant jusqu’à présent). En sueur, maquillage coulant, cellulaire à la main, elle arrose de poivre de cayenne une nouvelle mariée qui fut son amie. Elle est un peu une sorte d’Audrey Hepburn virée superficielle et partiellement psychédélique….et qui est constamment sur son cellulaire. Envoyée en clinique spécialisée pour suivre une thérapie, nous découvrons en elle une véritable accro d’Instagram qui contemple constamment la vie des autres pour tenter de définir la sienne. Du jour au lendemain, elle découvre le profil de Taylor (Elizabeth Olsen, très bonne aussi), une personnalité des médias sociaux, ou «influenceure», maintenant devenue une célébrité par ses plusieurs milliers d’abonnés et ses photos sur Instagram. Débordante d’envie et assoiffée d’un mode de vie de célébrité, Ingrid encaisse l’héritage laissé par sa mère et s’envole pour le repère de toutes les célébrités des temps modernes: Venice Beach, Los Angeles. Elle louera une maison à un charismatique scénariste du nom de Dan (O’Shea Jackson Jr.) et tentera par tous les moyens possibles de s’infiltrer dans la vie de Taylor afin de goûter à sa vie chic et bourgeoise bohème de jeune artiste. Bien sûr, les deux filles finiront bel et bien par se croiser, mais Ingrid pourra-t-elle garder ses intentions secrètes bien longtemps ?
Ce film est un véritable mélange de genres; sans être 100% comédie ou 100% drame, l’oeuvre du jeune réalisateur Matt Spicer serait plutôt un suspense léger ou une comédie noire. Certes, vous rirez à quelques reprises, mais le dégoût et l’embarras que vous ressentirez envers Ingrid transformera ce beau rire en rire jaune. Non, Ingrid Goes West n’est pas une comédie moderne axée sur les clichés culturels d’aujourd’hui, c’est du voyeurisme pur et dur dans notre mode de vie dangereusement superficiel et porté sur les apparences. Moi qui est un grand amateur du débat sur les conséquences néfastes de la vie sur le web, les hyperboles de ce film sont assez réalistes pour nous donner honte de nos habitudes.
L’objectif de cette critique n’est pas du tout de faire le procès des médias sociaux et des nombreuses applications basées sur le partage d’images (Facebook, Snapchat, Instagram, etc.). Ceci étant dit, le scénario de Matt Spicer et David Branson Smith, l’utilisation d’un langage parsemé de #hashtags et d’expressions du « cyberespace », nous font découvrir la gravité de la situation. C’est un film qui s’ancre si bien dans nos habitudes de tous les jours, et ce, le moment où vous allumez votre portable. Cette obsession est jouée avec brio par Aubrey Plaza, qui représente le modèle parfait de la jeune adulte influençable et rongée par la consommation. Fait comique, son visage est presque plus souvent éclairé par l’écran de son IPhone que par la lumière du jour tout au long du récit. Pas difficile à croire qu’elle manque constamment de batterie.
Petite leçon professionnelle: connaissez-vous le métier d’influenceur ? C’est le passe-temps exercé avec brio par le personnage de Taylor. Dans ma vie professionnelle à titre de relationniste, j’ai l’opportunité de rencontrer et d’échanger avec des personnes qui en font leur carrière. Le concept est cool et original: ces personnalités des médias sociaux agissent à titre d’ambassadeurs pour de grandes marques commerciales (ex: Nike, McDonald’s, Heineken, etc.) par la publication de contenu visuel commandité. L’objectif ultime pour les entreprises est bien sûr d’augmenter leur part de marché auprès de la génération connectée. En soit, c’est un moyen attrayant et hautement accessible de promouvoir des marques et de faire valoir ses talents d’artiste…jusqu’au jour où cela devient une obsession (comme c’est le cas avec notre pauvre Ingrid). C’est aujourd’hui une véritable réalité professionnelle et marchande, qui marche même plutôt bien.
Somme toute, Ingrid Goes West vaut définitivement le détour pour du bon divertissement, mais je dirais aussi pour vous permettre d’effectuer une introspection sur vos habitudes. Pourtant un film très attrayant, jeune et rempli de références culturelles (j’adore les nombreuses références du personnage de Dan à Batman Forever, le premier VHS que j’ai visionné en entier), c’est un récit troublant qui fait mouche, du début à la fin. Normalement, nous ne devrions ressentir que de la gêne et du dégoût pour Ingrid et ses aspirations, mais par la décision narrative de faire d’elle notre protagoniste, nous avons presque pitié d’elle. Est-ce parce que nous reconnaissons certaines de nos vilaines habitudes de voyeurisme ? Je dirais que oui !
Un film très actuel et intéressant, allez le voir entre amis 😛
En salles à partir du 18 août 2017
Crédit photos: IMDB
Un sens dramatique juste et profond, d'excellentes actrices et d'un style inébranlable, "Ingrid Goes West" se démarque des films pour jeunes adultes pour ne pas se prendre trop au sérieux...et c'est bien parfait ! Par contre, il est assez parsemé de signes révélateurs d'une société obsédée et souffrante, un portrait assez effrayant même.