Godzilla. Gojira. Le mythique lézard géant créé par la Tōhō en 1954, qui aura d’abord servi de discours sur le danger des armes radioactives pour ensuite devenir le héros de première classe du kaijū eiga pendant plus de 60 ans, est désormais de retour entre les mains des américains. Après la misérable proposition de Roland Emmerich en 1998, Gareth Edwards (le réalisateur de Monsters à qui la carrière semblait déjà promise à l’excellence) n’avait de toute évidence pas droit à l’erreur. Constat : on retrouve tout ce que nous avaient promis les bandes-annonces de génie, hormis l’essence même de ce qui est d’abord et avant tout la genèse de cette nouvelle mouture… la bête!
En 1999, au Japon, quelques puissantes secousses détruisent une centrale nucléaire. Témoin des événements, Joe Brody est persuadé qu’il ne s’agit pas d’un tremblement de terre. Son hypothèse selon laquelle des signaux d’origine animale ont précédé la catastrophe est rejetée par les autorités. Quinze ans plus tard, Joe Brody et son fils, Ford, retournent sur les lieux de l’accident. Ils y découvrent l’énorme laboratoire du biologiste Ichiro Serizawa. Celui-ci observe la reproduction et le comportement d’un reptile préhistorique aux dimensions monstrueuses. Quand l’indestructible créature s’échappe, il est clair qu’une menace mortelle pèse désormais sur la planète.
Le but avoué et l’ambition du projet étaient démesurés (déjà, quand ton budget équivaut à la dette actuelle du Canada…): ramener le monstre à ses origines; en faire à nouveau une véritable force de la nature, en instaurant une ambiance inquiétante à la chose. Du moins, c’est ce que nous laisse croire cette première heure où Edwards nous offre un divertissement estival à grand déploiement où les divers décors post-apocalyptiques semblent bel et bien être l’apothéose de ce que nous avait assuré ce marketing au timing parfait. Cette séquence d’une chute opérationnelle ayant pour fond la trame sonore de 2001 : A Space Odyssey est toujours aussi magnifique et efficace. Une véritable pièce d’anthologie.
Oui, tout va bien, jusqu’à ce qu’arrivent des personnages à l’aspect psychologique inutile ou carrément absent. L’air est connu : séparé de sa famille, le beau grand soldat américain en viendra à survivre à cette catastrophe, sauver le monde, retrouver sa famille et vivre heureux jusqu’à la fin de ses jours. En effet, rien n’est très original. Aaron Taylor-Johnson est correct sans plus. Ken Watanabe semble particulièrement confus. Elizabeth Olsen n’a absolument rien à faire ici. Seul le toujours aussi excellent Bryan Cranston arrive à camper un personnage qui n’a pas quelque chose de vaguement familier. Ne pas vouloir montrer la bête afin de développer des personnages complexes et intéressants, c’est une chose. Toutefois, lorsque ceux-ci sont aussi secs et fades que les écailles du monstre, c’est absolument impardonnable.
Et Godzilla dans tout ça? Pourquoi l’avoir relégué afin de faire place à ces créatures utilisant la radioactivité comme source d’énergie? Le cinéphile peut croire à plein de chose, il suffit que l’on lui explique, mais il est difficile de comprendre que le personnage titulaire ait droit à moins de présence sur grand écran que les antagonistes qu’il affronte. Ce n’est que lors des vingt dernières minutes du long-métrage que le fan (le vrai!) de cette légendaire saga aura enfin droit à ce qu’il attendait. Un genre de : « tiens, je t’ai fait attendre assez longtemps, tu le mérites. » Quasiment comme si l’équipe avait oublié quel genre de film elle était entrain de faire.
On peut reprocher à la version d’Emmerich et Pacific Rim bien des choses (leur trame narrative conventionnelle emplie d’humour de qualité discutable, tiens), mais ils savaient au moins ce qu’ils voulaient être; ils étaient consistants. Là, l’audace ne vaut même pas une copie Blu-ray de location.
Crédits Photos: Warner Bros. Pictures
*Résumé pris sur le site web de la Régie du cinéma*