Au terme de chaque soirée des Oscars, l’Académie remet en question les jugements établis envers certains films. Si l’on a été moins tenté par quelques longs-métrages pendant l’année, la remise des prix change soudainement la donne. Personnellement, je n’avais pas eu l’occasion de visionner Esclave pendant douze ans (12 years a slave) à sa sortie au cinéma. Sacré meilleur film de l’année, c’était en quelque sorte un devoir de le visionner. Sorti en DVD le 4 mars dernier, je vous assure qu’il est primordial pour tous de visionner ce chef-d’œuvre signé par Steve McQueen.
Le drame biographique est fort en émotions. Il traite d’une période peu glorieuse de la race humaine : l’impitoyable traitement réservé aux esclaves noirs dans les années 1800. Malgré le fait que les mentalités changent peu à peu, la réalité reste acerbe pour la grande majeure partie des individus à la peau colorée… Basé sur une histoire vraie, le récit est celui de Solomon Northup, père de deux jeunes enfants et mari comblé vivant au Nord-Est des États-Unis. La vie étant ce qu’elle est, il se voit dans l’obligation d’accepter un contrat à l’extérieur et de quitter sa famille quelque temps pour se rendre à Washington. Le petit séjour tourne au cauchemar alors qu’au lendemain d’une soirée bien arrosée avec de nouvelles connaissances il se réveille enchainé, battu et déporté au Sud. Il vient alors d’être vendu tel un vulgaire esclave. Pour survivre, il doit taire son identité. Solomon est pourtant résolu à ne pas se contenter de survivre : mais bien de vivre.
Le personnage principal est amené à survivre dans des conditions inimaginables, alors que le spectateur tente lui-même de survivre devant ces scènes d’horreur. Esclave pendant douze ans amène l’audience à voir la vie d’un tout autre regard. Le récit s’avère extrêmement touchant, à la fois brusque et sauvage, à la fois émouvant au plus haut point. On ne peut nier ce moment de l’histoire, tout comme il ne faut pas l’oublier. McQueen soulève ici une histoire digne de mention. Digne de rester gravée à jamais dans les mémoires.
Si le grand maitre du cinéma présente ici un scénario qui tient parfaitement la route, il le soumet avec d’excellents acteurs. Lupita Nyong’o a remporté l’Oscar de la meilleure actrice dans un rôle de soutien et ce n’est pas sans mérite. Elle s’avère une révélation au sein de ce long-métrage. Ce petit joyau n’est toutefois pas le seul à briller. Bien qu’il n’ait pas été récompensé par l’Académie, l’acteur principal Chiwetel Ejiofor est tout aussi talentueux. Il offre une performance riche en émotions et en nuances. Des frissons parcourront votre échine, si ce n’est pas une rivière de larmes qui ruissèlera votre visage au terme du visionnement. Ce qu’il accomplit avec Esclave pendant douze ans risque fort d’être la plus grande performance de sa carrière.
Quant à lui, Michael Fassbender est fidèle à sa réputation : intransigeant, mais incroyable. Il ne se contente pas d’être haïssable, il donne plutôt vie à son personnage et livre une complexité inespérée. Le film n’aurait sans doute pas été le même avec quelqu’un d’autre interprétant ce bourreau. La distribution est donc une force incroyable de ce long-métrage, même Benedict Cumberbatch est toujours aussi excellent. Quelques autres visages connus détonnent par contre, notamment Brad Pitt. Bien qu’on aime l’acteur, sa courte apparition dans le film sonne étrange : on a l’impression de voir littéralement Brad Pitt passer et non un personnage. Le même sentiment est créé avec Paul Dano, quoiqu’il offre tout un spectacle l’instant de quelques scènes.
Si les acteurs sont la perle rare du film, on peut cependant en dire tout autant du réalisateur Steve McQueen. Quelle finesse ! Il maitrise totalement son art et chaque élément semble en parfaite harmonie. La direction photo, les ellipses, quelques fausses pistes lors des premières scènes, la musique, la direction artistique. Tous les éléments sont dotés d’un travail de mains de maitre, sans pour autant être trop intenses. Les effets ne sont pas multipliés, le drame est parfaitement dosé et aucun temps mort n’est accordé au spectateur. Oh certes, le spectateur a bien hâte d’en finir. Mais c’est bien parce que l’auditeur est totalement lié avec le protagoniste, il espère tant voir enfin arriver un dénouement heureux pour ce personnage si touchant, si émouvant, sur lequel milles atrocités semblent perpétuement s’acharner.
Bref, Esclave pendant douze ans est sans aucun doute un chef-d’œuvre qui mérite d’être vu et revu. Son titre de meilleur film de l’année est totalement légitime. Préparez-vous à visionner une œuvre lourde en émotions, émouvante à souhait dont l’histoire est dévastatrice, mais si belle à la fois.
Crédits photos : 20th Century Fox
