Sorti en 2010, Détestable Moi a retenu l’attention grâce à son humour grinçant et attendrissant rappelant la belle époque de Shrek. En 2013, la suite tant attendue s’est perdue dans le tourbillon frénétique entourant ces petites créatures jaunes autant attachantes qu’agaçantes du nom de minion. En ce week-end célébrant les 150 ans du Canada, le plus récent opus de la trilogie débarque dans les salles obscures avec un fort penchant mercantile et des clins d’œil mignons mais faciles aux tomes précédents prouvant que la franchise ressemble maintenant aux mauvais jours du jadis irrévérencieux ogre des marais…
Gru, ce père adoptif dévoué autrefois criminel notoire attrapant dorénavant les vilains avec son épouse Lucie, refoule certaines blessures complexes comme le rejet et la dépendance affective, ce qui le rend au fond bien moins unidimensionnel et donc plus intéressant que ces minions fusionnant trois langues. La prémisse de sa troisième aventure comporte une dualité foisonnante de posssibilités : renouer avec sa méchanceté implacable pour faire le bien. Afin de récupérer son emploi, Gru entreprend de voler un précieux diamant dérobé par le psychologiquement instable Balthazar Bratt. Il le fait en compagnie de Dru, son frère maladroit récemment retrouvé, qui n’aspire qu’à suivre les traces de son diabolique double.
Plus que jamais les scénaristes Cinco Paul et Ken Daurio semblent être en panne sèche d’inspiration. Le script ne possède pas une ligne directrice claire ; il se contente d’enchaîner des supposément sous-intrigues qui indiffèrent en n’apportant rien de substantiel au récit. Certes, Agnes n’a pas perdu son adorable innocence, mais sa chasse à la licorne (une vraie cette fois-ci, pas une peluche) s’étiole alors qu’une seule blague renvoyant à la fameuse scène de foire du premier film suffisait pour charmer. La même remarque s’applique pour l’obsession de Lucie d’être la mère parfaite au lieu de rester elle-même. L’omniprésence de ces scènes de remplissage s’avère d’autant plus dommage que, comme mentionné précédemment, le dilemme vécu par Gru comportait tout le potentiel pour aborder plus en profondeur la complexe notion d’immoralité. Pourtant, Zootopia, le trop peu connu Ma vie de courgette et même le Bébé Boss (par intermittence) démontrent qu’il est possible de traiter de concepts délicats dans des films familiaux sans employer un ton moralisateur ET tout en conservant une atmosphère amusante plaisant à un large public.
À eux-seuls, les deux nouveaux personnages d’envergure représentent ce qui fonctionne et ce qui cloche dans cet univers. Le vilain à combattre, un enfant star des années 80 qui devient son personnage pour se venger du rejet dont il a été victime, critique, en surface mais analyse tout de même, le rapport qu’entretient Hollywood avec ses vedettes au physique changeant. Derrière les cubes rubik, le chewing gum grossissant, le tailleur mauve à la Prince et l’accrocheuse trame sonore de vieux succès caractérisant le personnage (Bad de Michael Jackson, Take on me de a-ha, Into the groove de Madonna. en passant par le soul séduisant de Pharrell Williams..), la triste solitude de Balthazar Bratt risque de trouver écho auprès des petits comme des grands. À l’opposé, Dru accumule les clichés du petit frère sans talent à l’immaturité irritante sans toutefois enfouir des nuances psychologiques lui conférant un intérêt aussi digne que celui entourant Bratt. Au niveau narratif, sa présence s’étire et s’explique dans l’unique but de mettre la table pour un quatrième volet, ce qui ne présage malheureusement rien de bien appétissant.
Les grand studios d’animation nous ayant habitué à des visuels d’un réalisme époustouflant, il devient presque redondant et inutile d’en faire mention. Évidemment, les dessinateurs et graphistes derrière Détestable Moi 3 ont effectué un travail plus qu’admirable et appréciable. La séquence qui impressionne davantage met en scène Agnes et Edith dans une fausse forêt magique luxuriante teintée de différentes variations de vert et d’une illusion franchement réussie de lumière naturelle.
Vu dans une salle composée majoritairement de spectateurs de moins de 10 ans, l’effort n’a provoqué que des rires timides. Visiblement, les enfants ont remarqué eux aussi les importantes longueurs au film , car oui il y en a malgré sa courte durée de 90 minutes. Moins présents ici, ces sidekicks domestiques remâchent les mêmes gags. Ils atterrissent encore sur une plage pour jouer aux DJ avec leurs chansons ridicules. L’effet de nouveauté des minions s’estompe donc, leurs limites comiques s’affichent davantage. De plus, plusieurs extraits du long-métrage étant intégralement montrés sur la toile des mois avant la sortie du film, les enfants débarquent au cinéma en connaissant déjà (sans doute par cœur) certains passages.
Bref, malgré une histoire à la superficialité enrageante, Détestable Moi 3 parvient à divertir. Il faudrait vraiment être insensible et de mauvaise foi pour ne pas sourire ne serait-ce qu’une fois. Évidemment, ce plaisir sera très éphémère car la paresse scénaristique et le recours aux blagues répétitives entravent l’oeuvre d’être positivement marquante pour longtemps.
Ce film est à l’affiche depuis le 30 juin 2017.
Crédits Photos : Universal Pictures