Le monde est cruel. Partout sur la planète, les gens souffrent, et des atrocités sont commises sans raison valable. Parfois, afin de bien comprendre cette douleur, il est essentiel de se plonger dans un film dont l’intrigue se place au cœur de l’une de ces atrocités. Aujourd’hui, je vous suggère l’écoute de Rebelle, le nouveau film du réalisateur québécois Kim Nguyen. Une naïve histoire d’amour entre deux enfants tachée par le sang et la guerre.
Nous sommes en Afrique du Sud. Par une journée qui semblait être comme les autres, la jeune Komona (Rachel Mwanza) est enlevée de son village par un groupe de rebelles qui kidnappent des enfants pour en faire des soldats. Après avoir été forcée à tuer ses propres parents, la fillette se fait donner un kalachnikov. Elle devra apprendre à se battre.
L’intrigue de Rebelle est donc celle de cette jeune Komona qui, à quatorze ans, raconte son histoire à un bébé qui grandit à l’intérieur d’elle. Déjà, la vision de cette jeune fillette mise enceinte par on ne sait trop qui est très difficile à imaginer. Mais armez vous, ce n’est qu’un début.
Komona raconte donc à son enfant son enrôlement parmi l’armée des enfants rebelles, ces jeunes armés de kalachnikov qui tuent sans réfléchir, drogués par une substance (qu’ils appellent la sève magique) que leur donnent les commandants adultes. Elle lui raconte ses visions, apportées entre autres par la drogue, qui la feront passer pour une sorcière, fardeau qu’elle devra porter pendant des années. Elle explique aussi sa rencontre avec le Magicien, ce jeune garçon albinos duquel elle tombera amoureux… Mais, la vie étant ce qu’elle est, l’idylle ne durera pas longtemps, et Komona devra subir les pires souffrances afin d’échapper à son passé d’enfant soldat. Car lorsqu’on tue, le sang est très difficile à laver de nos mains.
Vous aurez pu constater que Rebelle n’est pas une histoire d’amour à l’eau de rose. Ici, pas de grands dialogues, les yeux dans les yeux, suivis de longs baisers passionnés. On assiste plutôt à une lutte que livrent deux enfants pour se sortir de la guerre et trouver leur bonheur dans l’amour. Ce qui, dans le contexte, est plutôt impossible, et Komona l’apprendra à ses dépens.
Kim Nguyen, avec Rebelle, nous livre un scénario très travaillé et ficelé d’une manière incroyable. En effet, le plus grand défi de tout scénariste est de bien se renseigner, afin de ne pas commettre d’erreur. Et Nguyen n’a pas chômé. Rebelle est avant tout un récit d’une grande vérité. Le grand réalisme et la cruauté malheureusement réelle qui se dégagent des images du film rendent les protagonistes tellement attachants que Rebelle ne peut tout simplement pas nous laisser indifférents. Un film qui, par moments, est très difficile à regarder.
La recherche de Nguyen lors de l’écriture de son scénario est perceptible partout dans le film. Que ce soit dans les rituels pratiqués par les enfants soldats ou dans les mœurs et les coutumes des différents villages de l’Afrique du Sud, tout est crédible. Le spectateur se plonge dans un autre monde, fait des découvertes, parfois très dures à imaginer, mais toujours impressionnantes.
La distribution de Rebelle est intéressante. En effet, à l’exception de deux ou trois personnages, l’ensemble des acteurs en sont à leur première apparition au cinéma. L’arrivée de ces nouveaux visages est pour les spectateurs une grande joie, surtout qu’au Québec, il est rare de voir des films sans notre très cher Claude Legault.
Le cinéma québécois ose beaucoup depuis quelques années, et Rebelle en est la preuve parfaite. Ici, Nguyen réalise une œuvre du niveau des meilleurs films à grand budget. En effet, rien dans Rebelle n’indique qu’il s’agit d’un film québécois : l’action se passe en Afrique du Sud, les personnages, bien souvent, ne parlent pas français, les acteurs sont tous étrangers… Un style qui n’est pas sans rappeler le Incendie de Denis Villeneuve, mais en plus tragique et moins mélodramatique.
Rebelle n’a d’ailleurs pas passé inaperçu au niveau international. En 2012, le film a notamment remporté l’ours d’argent au festival international du film de Berlin. L’œuvre de Nguyen est d’ailleurs en lice pour le meilleur film étranger (en compétition avec Amour, entres autres) lors de la cérémonie des Oscars qui se tiendra prochainement. Une grande fierté pour le cinéma québécois, peu importe le résultat de la cérémonie.
Pour cette ouverture sur un monde cruellement vrai et réaliste, pour sa grande maitrise de l’intrigue et de sa direction d’acteurs (pas facile de diriger une si grande quantité d’enfants aux prises avec cette dure réalité), Nguyen peut se vanter d’avoir écrit et réalisé un très grand film qui, malgré son propos très sombre et cru, réussit à nous attendrir. Car, comme dans toute bonne histoire d’amour, il y a toujours de l’espoir.
Même avec un kalachnikov entre les mains.
Aucun commentaire