Depuis quelques années, le cinéma de l’horreur, par intérêt financier ou par simple manque d’imagination, s’emploie à faire plusieurs remakes de classiques de l’horreur qui prennent inévitablement de l’âge. C’est pour cette raison que la nouvelle génération de cinéphiles a droit à des titres comme A nightmare on Elm Street, Friday the 13, et plusieurs autres. En réadaptant les perles de l’horreur et du gore au cinéma, les cinéastes leur donnent la chance de se faire un petit make-up au gout du jour. Malheureusement, trop de ces anciens films mythiques se voient ridiculisés par leurs successeurs. Le remake d’Evil Dead, dont la critique a été publiée sur Ton Canapé il y a quelques jours, est-il à l’image de l’original ou il laisse un arrière-gout déplaisant en bouche? Pour répondre à cette question, voici une comparaison sommaire des deux productions.
Le scénario
Que l’on traite du Evil Dead original ou bien de sa réadaptation récente, l’histoire est sensiblement la même : une poignée de jeunes adultes passent une nuit dans une cabane perdue au milieu d’une forêt. Durant leur séjour, les personnages font la découverte d’un livre de sorcellerie et réveillent un esprit dans la forêt qui les possèdera tous les uns après les autres. Bref : Une histoire assez simple et banale pour faire un slasher de qualité.
La différence marquante entre les deux versions d’Evil Dead est la profondeur et les motivations données aux personnages. Il faut dire que dans la version originale, ceux-ci étaient des coquilles vides ne servant que de prétexte pour plus de sang. On ne savait d’ailleurs pas trop pourquoi ces jeunes décidaient de dormir dans une cabane abandonnée au milieu de la forêt.
C’est en cela que le remake est différent. Dans ce nouveau film de Fede Alvarez, les personnages ont un but, une histoire. En fait, s’ils se rendent dans cette vieille masure abandonnée, c’est avant tout pour faire subir une cure de désintoxication au personnage de Mia. Cette raison, aussi simple soit-elle, est suffisante pour motiver les actions des personnages, tout au long du film. Pour la profondeur (quand même relative, puisque certains personnages sont aussi vides de dans l’original) et les motivations des personnages, l’histoire la plus réussie entre les deux versions est celle de 2013. Malgré une fin différente (et inférieure) à l’originale qui fera grincer des dents tant elle est Hollywoodienne, le point va au nouveau Evil Dead, puisque l’histoire était tout simplement absente dans l’original.
La distribution
Les personnages d’Evil Dead, que ce soit dans la nouvelle version ou dans l’original, sont relativement faciles à interpréter. Les acteurs n’ont donc pas la chance de se distinguer. Pourtant, la distribution est assez importante car, dans le cas des deux films, le but principal est de faire peur au spectateur. Et c’est réussi dans les deux cas.
Bien sur, l’original comptait en la présence du désormais mythique Bruce Campbell. Pour avoir fait connaître au grand public cet acteur de renom, ainsi que pour le reste de sa distribution de qualité, le point va automatiquement à l’original. Car même si Campbell fait un court cameo dans le nouveau Evil Dead, l’acteur jouant son personnage, Shiloh Fernandez, n’a pas le charme de son prédécesseur. Bien sur, c’est peut-être le nostalgique en moi qui parle, mais il n’en est pas moins vrai que la distribution désormais mythique de l’époque n’est pas renouvelée dans cette réadaptation d’Evil Dead. Le point va donc à l’original.
Les effets spéciaux
Nous en sommes maintenant dans une catégorie assez difficile à critiquer. En effet, et ce n’est pas une surprise, les effets spéciaux du Evil Dead original sont largement inférieurs à la nouvelle version du film. Bien entendu, le budget moindre, la technologie moins avancée en matière de prothèses et d’effets spéciaux se fait sentir dans la version 1982. Mais, paradoxalement, le côté amateur des effets spéciaux de l’époque ajoutait justement au charme ressenti pendant le visionnement du film. Lorsque l’on voyait les maquillages plus ou moins réussis, les jets de sang sirupeux et les décapitations, le résultat en était presque risible.
La réadaptation d’Evil Dead est tout sauf drôle. Les effets spéciaux sont si réussis que le spectateur se retrouve plutôt devant un Décadence que devant une comédie. Les effets spéciaux de ce film sont tout simplement ahurissants, et le fait que presque aucun effet par ordinateur n’ait été rajouté rajoute beaucoup à l’agréable surprise que procurera le visionnement de tout ce bain de sang. Car oui, du sang, il y en a, et amplement. Autant que dans le Evil Dead original, sinon plus (surtout dans les dix dernières minutes, qui vous feront voir du rouge en quantité industrielle).
Pour cette raison, même si les effets spéciaux originaux donnent un charme particulier au film, le point va indiscutablement au nouveau Evil Dead. À plusieurs moments du film, on détourne le regard tant la douleur semble insupportable. Disons tout simplement que l’esprit maléfique de la forêt s’en donne à cœur joie.
La réalisation
Nous en arrivons désormais au point qui, selon moi, est le plus important : La réalisation. En effet, c’est le réalisateur qui, de par son ton, son intention et sa dévotion, fait du produit final ce qu’il est. Et il faut dire que les deux versions d’Evil Dead sont extrêmement différentes à ce niveau.
La version originale de ce classique de l’horreur était tout sauf Hollywoodienne. Avec ses plans sortant de l’ordinaire, son montage rapide et quasi surréaliste, le manque de profondeur de ses personnages, le film s’orientait davantage vers un bain de sang pour un bain de sang. Il n’y avait pas d’histoire; il n’y avait pas de complication. Que des morts par plaisir, que du gore et du défoulement. Le style était relativement vide, mais le tout était si bien assumé et le manque de budget était si flagrant que la réalisation finale relève du génie et de la passion du cinéma.
La réadaptation d’Evil Dead est totalement différente. Certes, les personnages ont désormais plus de profondeur, mais la réalisation est si conventionnelle que l’on se perd dans les histoires inutiles des protagonistes. L’exemple le plus flagrant est l’introduction au film, où le réalisateur a jugé bon, dans une scène qui est tout ce qu’il y a de plus cliché, de nous expliquer pourquoi le mal est entré dans cette fameuse cabane. Par la suite, l’on se perd dans des dialogues à n’en plus finir expliquant pourquoi les personnages sont là. Tout cela rajoute de la chair autour de l’os, bien entendu, mais au final, on assiste à un film conventionnel. Le montage n’a rien de superbe, et la réalisation est bonne, mais très (trop!) sobre.
Le charme de l’original était le manque de ressources disponibles pour la réalisation. En effet, la majorité des scènes du film ont été tournées dans une vraie cabane au milieu d’une forêt. Le résultat est donc d’autant plus réaliste et percutant. La réadaptation, cependant, avec le budget ayant été octroyé pour sa production, est beaucoup moins intéressante. Le fait de tourner en studio avec du matériel et une équipe plus professionnelle aurait pu être intéressant, mais le réalisateur semble s’être dit : «Keep it simple». C’est donc une bonne réalisation, mais comparativement au coup de maitre original de Sam Reimi, le nouveau Evil Dead est inférieur. Le point va donc à l’original.
Général
Jusqu’ici, les films sont pour moi à un pied d’égalité. En effet, si le scénario et les effets spéciaux sont bien plus intéressants dans la nouvelle version d’Evil Dead, l’original comprenait une meilleure distribution et une réalisation novatrice.
Cependant, si vous me laissiez le choix, pour son charme, sa bande sonore supérieure (le nouveau ne possède que ces bruits de violon que nous avons entendus des milliers de fois), son côté aussi comique qu’horrifique… Je choisis la version originale d’Evil Dead.
Donc, est-ce que le nouveau Evil Dead en vaut la peine? Sans hésitation, oui. Il s’agit tout de même d’un excellent film d’horreur, supérieur en tout points aux remakes que nous sommes habitués de voir. Au lieu de reprendre au pied de la lettre l’intégrale de l’original, Fede Alvarez a préféré apporter sa touche personnelle au film, et le résultat est grandiose. Les effets spéciaux sont réussis, la personnification de l’esprit de la forêt en une petite fille bien glauque est réussie, le bain de sang final est réussi. Bien sur, le film est bourré de clichés qui font grincer des dents, mais l’ensemble est tout de même crédible et original.
En effet, un corps criblé de clous, deux bras en moins, la moitié du visage arrachée, qui réussit tout de même à attaquer son adversaire, c’est crédible, non?
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