Vous vous souvenez de ces après-midis passés dans la grande cours qu’était celle de votre école? De ces bouts de papier à l’importance capitale destinés à vos meilleurs amis? De cette impression d’immortalité tellement grande, alors que la vie en était encore à ses débuts? Vous vous souvenez de ces départs, de ces peines si grandes et de ces grandes découvertes? Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire. Voici la critique de C’est pas moi, je le jure!.Léon Doré est un jeune enfant à l’imagination fertile. Son grand frère Jérôme le trouve étrange et le regarde comme s’il venait d’une autre planète, il n’a pas beaucoup d’amis et ses parents se prennent la tête à chaque fois que l’occasion se présente. Le monde est, pour Léon, un grand terrain de jeu aux règles inconnues. Il est, à sa manière, un Petit Prince aux connaissances décousues.
Tout d’abord un roman de Bruno Hébert et ensuite un film de Philippe Falardeau, l’histoire de ce jeune garçon se fait, pour moi, d’une grande importance littéraire, cinématographique, historique et culturelle. Non seulement cette histoire est-elle touchante, mais elle est aussi le miroir douloureux d’une société, d’un peuple et de ses défauts: le nôtre. Le Québec est, vu par les yeux de Léon, un monde où chacun n’a pas nécessairement sa place, lui le premier. Il est différent, n’arrive pas à s’exprimer comme les autres, et c’est exactement ce qui explique chacun de ses mauvais coups. Et Dieu le sait, il en fait plus d’un.
Lorsque les pages de C’est pas moi, je le jure! défilent devant nos yeux, c’est un Léon flamboyant, absolument adorable et tout à fait étrange qui se présente à notre esprit. Et ce personnage, tellement improbable, est interprété à l’écran par Antoine L’Écuyer avec une précision exemplaire. Le jeune acteur donne un souffle irréprochable au film et en fait un bijou absolument magnifique du cinéma québécois. Bien entouré, notamment par Suzanne Clément et Daniel Brière, le voilà en plein coeur d’une brochette d’artistes solides, encrés et puissants dans ces rôles qui leur collent tous si bien à la peau.
Sur plusieurs niveaux, cette histoire se fait un drame, mais jamais un drame typique. Le drame du quotidien, le drame de la routine dérangée, le drame des pertes, le drame de la réalité et, si difficile, le drame de l’amour. Léon vit tout avec une force presque inhumaine, affronte chaque épreuve avec courage et compose son quotidien de chacune de ces idées farfelues qui bourgeonnent entre ses deux oreilles. On suit avec coeur le parcours dans l’enfance de cet enfant à l’âme pure et brute, aux résonances sourdes et aux secrets bien gardés. Il ne suffit que de trouver le chemin menant à son endroit secret, caché en plein milieu d’un champ de maïs. Et hop, le tour est joué.
C’est pas moi, je le jure!, c’est le genre de film qui vous suit sur toute une vie. Voilà maintenant un bon moment qu’il me suit partout et qu’il laisse sa marque sur mes réflexions. Ce qui en fait une grande oeuvre, selon moi, c’est sa sincérité. C’est un film joli, c’est vrai, mais c’est d’abord et avant tout un film vrai. C’est ce genre de témoignage qui vient droit au coeur et qui vous prend aux tripes. C’est, je l’espère, une oeuvre dont on se souviendra longtemps, et qui marquera de manière positive notre si jeune cinéma. Chapeau.
Crédit Photo : Les Films Seville
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