Vous savez, ces films aux boitiers étampés d’un immense « Gagnant de l’Oscar du Meilleur Film » dans le but de faire mousser les ventes et les locations. Argo est le tout dernier long-métrage à s’être mérité les honneurs de l’Académie. Entouré de véritables chefs-d’œuvre cinématographiques, le troisième film de Ben Affleck et son trophée furent contestés par une foule de journalistes et d’utilisateurs de médias sociaux presque consternés. Considérant que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, j’ai décidé de me faire ma propre opinion sur le sujet. Argo est-il Le Meilleur Film de l’année? Ou seulement un indice de favoritisme hollywoodien et une baisse de crédibilité de l’Académie?
L’acteur/réalisateur Ben Affleck amorce un tournant qui fait plutôt plaisir à voir. On se souvient tous de ses bons coups, mais surtout de ses échecs. Le succès de sa troisième réalisation est cependant indiscutable. Contre toute attente, Argo s’est démarqué dans de nombreux festivals et galas malgré ses adversaires plus que redoutables. Il faut dire que son sujet est extrêmement actuel malgré ses évènements qui se déroulent il y a maintenant 25 ans.
1979. Novembre. Iran. La révolution iranienne est à son plus fort à travers le pays. Après une erreur du président américain de l’époque, des militants islamistes, gouvernés par un anticapitaliste obstiné, prennent d’assaut l’ambassade américaine située à Téhéran. Les employés américains sont pris en otage et les images prises sont envoyées partout dans le monde pour montrer la colère de l’Iran. En plein chaos, six employés de l’ambassade réussissent à s’échapper. Après quelques jours de détresse et d’angoisse à vouloir trouver une solution sans se faire tuer, l’ambassadeur canadien les invite à prendre refuge chez lui. Pour rapatrier le groupe avant qu’il ne soit retrouvé par les autorités locales, le Canada et les États-Unis unissent leurs forces et tenteront de trouver la solution à ce calvaire insoutenable qui dure depuis trop longtemps. (On pense même à envoyer des vélos et leur faire parcourir 1500 km jusqu’à la frontière. Merci Flora Macdonald…)
Après cette scène incroyablement efficace où la tension est à son comble, Antonio J. Mendez (Affleck), un spécialiste de l’exfiltration à la CIA trouve la meilleure mauvaise idée : faire passer ce groupe pour une équipe de tournage d’un film de science-fiction (intitulé Argo) se déroulant au Moyen-Orient. Un projet simple, mais audacieux dont l’unique but est de faire exfiltrer ces 6 Américains.
Malheureusement, comme il s’agit d’une histoire vraie, il s’agit aussi d’une histoire connue. Le fait de connaitre cette exfiltration périlleuse nuit immanquablement à la tension et au suspense du récit. La première heure sert entre autres à faire approuver ce projet « Argo » que l’on sait déjà validé. C’est comme se demander si Anakin Skywalker va mourir dans l’Épisode 3. Cadre historique oblige, l’issue de cette mission risquée, et du film est donc d’ores et déjà connue. Pourtant, le montage et la réalisation nous servent si bien ce récit que l’on ne peut rester de glace face à toutes ses péripéties et l’on reste agrippé à notre siège contre toute attente. À ce sujet, quelques habiles modifications par rapport à l’histoire originale permettent au film de garder tout au long une tension digne des plus grands thrillers. Le montage saccadé et rythmé y est plus qu’efficace, particulièrement en fin de parcours où tout se joue à la seconde près, voire à la fraction de seconde près. On peut par contre pointer du doigt ces quelques modifications scénaristiques, au niveau des revirements par exemple, qui se veulent plus près du cadre hollywoodien que du cadre historique. Heureusement, ce n’est qu’au nom de l’intrigue et au profit d’une efficacité narrative irréprochable.
Encore une fois, réaliser un drame historique exige un maximum de connaissances et de recherche sur le sujet. À ce sujet, Ben Affleck et son équipe n’ont vraiment pas chômé. Un souci du détail impressionnant et une précision historique et factuelle sont déployés tant qu’au niveau du scénario que de la direction artistique. Les archives vidéo et photos des évènements réels complètent cette reconstitution d’époque irréprochable. La crédibilité des évènements (malgré le ridicule de la solution choisie) en est grandement augmentée. Les plans sont magnifiques, notamment dans cette Turquie savamment modifiée pour qu’elle ressemble à l’Iran 1979. La mise en scène et le choix des comédiens sont aussi impeccables et on le remarque d’autant plus lorsque le générique de fin montre la comparaison entre le film et les vrais évènements. L’enjeu politique a bien sur été simplifié au nom de l’intrigue, mais le documentaire plus qu’intéressant Escape From Iran : The Hollywood Option offert sur le DVD du film comblera les informations manquantes à la compréhension de cet épisode de la crise irano-américaine.
Sans une distribution de talent, toutes ces qualités auraient été malheureusement inutiles à la crédibilité du récit. De ce côté, c’est une véritable réussite. Tous les acteurs sans exception sont excellents. Le fait qu’ils soient pour la plupart inconnus du public contribue énormément au réalisme de film. Ben Affleck, qui joue le rôle de cet agent de la CIA, est convaincant sans être époustouflant. Bizarrement, choisir un acteur plus talentueux aurait certainement été bénéfique à ce film dont la véritable vedette semble être le récit. John Goodman et Alan Arkin ajoutent une légèreté humoristique franchement bienvenue en incarnant respectivement le célèbre maquilleur John Chambers et le producteur Lester Siegel. Leurs répliques «dont Argo-fuck yourself!» viennent souvent chercher le sourire dans cet univers particulièrement lourd. Le ton ironique de certaines scènes dont celle où des femmes voilées mangeant au PFK dans ce pays pourtant anti-américain force aussi le sourire.
Au final, plusieurs qualités et peu de défauts. Malheureusement, ça ne prend pas que ça pour décrocher l’or selon certains. Alors que certains films comme Zero Dark Thirty et Amour assumaient pleinement leur récit sans concéder le réalisme de leur film au profit d’une intrigue plus hollywoodienne, Argo risque d’agacer entre autres pour son épilogue familial un peu à l’eau de rose. À défaut de révolutionner le cinéma, Ben Affleck signe ici un thriller complètement maitrisé et brillamment réalisé. Finalement, on ne peut ignorer le parallèle avec l’Iran d’aujourd’hui. Il ne reste qu’à décider à quel point le monde a ou n’a pas changé.
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