Pour faire un bon film français en bonne et due forme, prenez une grande quantité de dialogues, une bonne dose de surréalisme et ajoutez-y du symbolique. Sans oublier un peu de sexe. Ce schéma, bien que basé sur les préjugés d’un cinéphile qui ne s’y connaît pas encore assez dans le répertoire français (je me confesse!), me paraissait bien simpliste. C’était avant que je tombe sur Buffet Froid, de Bertrand Blier, qui me prouva qu’il peut résulter de ce cocktail aux apparences populaires un film tout à fait charmant et juste assez intellectuel pour se vanter de l’avoir vu!
Buffet Froid met donc en scène Gérard Depardieu (on ne le présente plus, celui-là) dans le rôle assez inusité d’Alphonse Tram. On le rencontrera d’abord dans une station de métro, où il fera la connaissance d’un homme qui, quelques minutes plus tard, sera retrouvé mort, le couteau de Tram dans le dos. Or, notre Alphonse est incapable de se souvenir des circonstances du meurtre.
Les tourments d’Alphonse Tram sont malheureusement loin d’être terminés, puisque tout son entourage ne semble pas se soucier des évènements. En effet, dans la société surréaliste de Buffet Froid, la déshumanisation est à son comble, et les concepts mêmes de meurtre, de vie et de mort sont complètement altérés. À un certain moment, Depardieu apostrophe même son nouvel ami, assassin de sa femme (eh oui!), en riant de sa peur de la mort. C’est donc dire que, pour eux, ces concepts n’ont plus la même force que pour nous, ce qui donne tout son sens à l’ensemble du film.
C’est donc ainsi qu’Alphonse se liera d’amitié avec un policier, et le meurtrier de sa femme. Ensemble, ils vivront plusieurs aventures, toutes plus absurdes les unes que les autres, visant à s’émanciper hors de cette société inapte à ressentir la moindre émotion.
Le synopsis en lui-même semble confirmer que Buffet Froid n’est pas un film dont le scénario est à prendre au sérieux. Les dialogues-mêmes, toujours constitués du même schéma «question-réponse», semblent être une constante réflexion sur la déshumanisation de la société. Un propos qui est très intéressant et qui mène à des scènes comiques de par leur improbabilité, mais qui peut se révéler lassant au bout d’une heure et demie.
Car si le rythme est bon et que l’histoire d’Alphonse Tram est intéressante, l’évolution du protagoniste ne semble pas être très présente dans le film. Les différents personnages principaux (campés par Depardieu, Bernard Blier et Jean Carmet), tous absurdes, se ressemblent tellement qu’on les confond presque, et l’apport d’un personnage plus rationnel aurait peut-être contribué à les rendre encore plus illogiques. Mais l’ensemble du film est tellement hors de la réalité qu’il est parfois difficile de s’y retrouver.
Heureusement, lorsqu’on accepte de fermer un peu notre sens rationnel et de se laisser emporter dans les dédales de ces personnages incongrus, assoiffés de meurtres gratuits et dont le sens de la vie ne semble pas valoir grand chose, on se met à bien apprécier Buffet Froid. Un film qui, au final, sort des conventions, non pas dans sa réalisation qui, somme toute, est très conventionnelle, ni dans le jeu des acteurs, très (trop?) théâtral, mais bien pour l’intelligence et la maturité de son scénario.
Au final, il est très agréable de se servir dans ce Buffet Froid. Prenez-vous une assiette, laissez-vous tenter par ce genre cinématographique moins réaliste et par ces personnages plus grands que nature. L’expérience d’une heure et demie en vaut le détour, et si on n’en sort pas changé, on parvient tout de même à apprécier la ballade, à force de quelques rires et plusieurs sourires en coin.
Crédit Photos : Google Images
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