C’est sans idées préconçues ou informations contextuelles sur le récit biographique derrière Beautiful Boy que je me suis décidé à aller voir ce film au cinéma. Ma principale motivation était de voir les deux têtes d’affiches, Steve Carell et Timothée Chalamet, maîtriser ensemble le délicat jeu d’acteur requis pour raconter cette dure histoire portant sur la dépendance aux drogues. Le premier acteur, je l’ai bien sûr découvert par la série humoristique américaine et presque iconique The Office, et le deuxième, par l’un des grands films nominés aux Oscars l’an dernier: Call Me by Your Name. Les deux sont aujourd’hui deux acteurs de grand talent et j’étais bien curieux de savoir comment leur chimie allait opérer. Eh bien, sans grande surprise, je fut assez impressionné!
Le film est réalisé par le cinéaste belge Félix Van Groeningen (très peu connu) et basé sur le récit autobiographique de David et Nic Sheff, un père et son fils, qui ont rapporté par écrit les années noires où la famille a affronté la dangereuse dépendance de Nic aux drogues dures, notamment la Methamphetamine ou « Crystal Meth ». Figurant de touchantes performances par Carell et Chalamet, le film sait saisir notre coeur et nos émotions en explorant le combat quotidien de la famille Sheff, même si le tout est raconté de manière très linéaire et familière. Aussi, même si je n’en suis pas un moi-même, peut-être saurez-vous vous posez cette question: qu’est-ce que cela implique réellement d’être un parent?
Directement basé sur leurs mémoires, le film nous présente un père, David Sheff (Steve Carell, qui sait encore une fois nous prouver qu’il performe très bien dans des rôles dramatiques) et son plus vieux fils, Nic Sheff (Timothée Chalamet, absolument brillant). Vivant en Californie, maintenant âgé de 18 ans, Nic se découvre une nouvelle fascination pour les drogues dures avant qu’il décide de rentrer à l’université. Inquiétant grandement son père et sa mère (Amy Ryan), qui sont aujourd’hui séparés, David va personnellement entamer des recherches afin de comprendre le problème de consommation de son fils, en plus de s’occuper de sa nouvelle femme Karen (Maura Tierney) et de ses deux plus jeunes enfants. La route ne sera pas facile pour tous les membres de la famille, voyant la dépendance de Nic devenir de plus en plus sévère et accumulant de nombreuses fugues où on ignore où il va. Bref, c’est le récit d’un combat très réaliste qui explore en détail les conséquences de la drogue sur le corps humain, mais aussi sur la santé émotionnelle des victimes et de leurs proches.
Les dernières lignes pourront vous le confirmer, c’est un film assez rude qui pourrait venir heurter plusieurs coeurs sensibles. Toutefois, c’est un film nécessaire, raconté avec réalisme et détresse qui souhaite informer les spectateurs du réel danger que pose la dépendance aux drogues consommées par injection. Une statistique au générique nous révèle que cette consommation excessive de drogues dures représentante l’une des plus grandes causes de décès chez les Américains de moins de 50 ans. Le fléau est donc bel et bien réel!
Sur le point de vue du jeu, il est clair que Beautiful Boy rayonne! C’est peut-être le plus grand attrait du film. Les premiers deux rôles sont interprétés d’une manière profondément humaine. Steve Carell joue un très bon père de famille, aimant et proche de ses enfants, mais sans dépourvu de défauts qui ne sait pas gérer la situation au meilleur de sa connaissance. Timothée, de son côté, semble presque ne pas jouer, il interprète de manière tout à fait exacte un jeune possédé par les effets de la drogue, changeant rapidement d’humeur et accumulant certains tics nerveux associés aux personnes sous l’influence. Autant nous avons pitié de lui, autant nous ressentons, malgré nous, une certaine colère contre son refus de guérir. C’est à croire que les deux hommes remplissent fort bien leur rôle respectif, car nous tentons tant bien que mal de nous imaginer dans leurs souliers et nous réagirions sûrement de la même manière. Je ne serais pas surpris si Timothée Chalamet était encore en nomination pour meilleur acteur cette année.
Sur le plan narratif, rien ne cloche vraiment, nous vivons nos émotions pleinement au rythme de celui des personnages via un récit assez conventionnel. Cependant, le «scène à scène» reste plutôt linéaire et sans réels artifices, rendant donc certains des revirements plus ou moins surprenants. N’ayant pas lu les réels mémoires des personnages, peut-être ont-ils voulu répliquer parfaitement le déroulement statique de l’histoire d’origine. Par contre, j’ai trouvé l’utilisation de la musique plutôt intéressante pour aborder les changements cycliques de l’ambiance émotionnelle chez la famille Sheff. Vous entendrez à certaines reprises du gros heavy métal pour refléter l’état d’âme de Nic après avoir consommé, de la musique classique lorsque vient le temps des moments de réflexion chez David ainsi qu’une musique psychotique lorsque David explorera les oeuvres macabres de son fils dessinées dans son journal personnel et lorsqu’il analysera un cerveau atteint par la dépendance dans une clinique. Une ambiance très prenante!
Certaines scènes de Beautiful Boy sont lourdes et seront gravées à votre mémoire, mais ne voyez pas ce film comme une oeuvre troublante. C’est avant tout un récit d’espoir et de bravoure qui souhaite aborder les tabous de la surconsommation de drogue aux États-Unis par la voie de cette anecdote familiale. Par les propos de David Sheff, je crois même que le réalisateur et son co-scénariste ont voulu rendre plus floue la ligne entre l’acceptable et l’inacceptable lorsque vient le temps de jouer son rôle de parent.
Il y une scène en particulier qui a capté mon attention et j’aimerais réellement savoir ce que l’ensemble des parents en pensent. Lors du dernier tiers, le personnage de Steve Carell prendra une décision plutôt controversée envers son fils, lorsque celui-ci tentera de l’appeler pour rentrer à la maison après une dangereuse virée dans le centre-ville de San Francisco. Cette décision pourrait sembler radicale pour la majorité d’entre nous, mais considérant la situation difficile dans laquelle se trouve sa famille, que devons-nous en penser? Les membres de la famille Sheff nous posent donc cette question selon-moi: quand un combat semble perdu et qu’il n’y a plus d’espoir, la chose logique à faire est-elle de continuer à se battre ou de prendre du recul et de passer à autre chose…? Une très grande question, vous en conviendrez!
Bref, si vous êtes prêts à vivre un moment émotionnellement intense ou encore si vous en avez ras le bol de porter sous silence des enjeux tels que le suicide ou la dépendance aux drogues, ce film devrait vous satisfaire. Il en vaut grandement la peine.
En salles au Cinéplex Forum depuis le 26 octobre 2018
Crédit photos: IMDB, Rotten Tomatoes
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