La comédie sentimentale Avec amour,Simon jouit d’une vaste exploitation en salle depuis sa sortie le 16 mars 2018. Une rareté, pour ne pas dire une première, pour un film produit par un studio d’envergure, ici Fox Pictures, et qui aborde de front la réalité homosexuelle chez les adolescents. Bien que nécessaire et pertinent par sa manière de permettre à une jeune minorité d’enfin se reconnaître à l’écran et trouver des réponses réalistes dans un film destiné à un large public, l’effort de Greg Berlanti demeure néanmoins une comédie américaine adorable mais prévisible qu’il faut considérer révolutionnaire pour sa raison d’être et non pour sa forme.
La sortie de placard de Simon Spier (Nick Robinson), un élève qui en est à sa dernière année de secondaire, se déroule dans un cadre résolument moderne et axé sur la dépendance aux réseaux sociaux, chose qui attirera évidemment l’auditoire cible. Lorsque Leah (Katherine Langford), son amie d’enfance, l’informe qu’un étudiant a anonymement annoncé son homosexualité sur un groupe Facebook que suivent la plupart des élèves du lycée, Simon décide d’entreprendre une correspondance virtuelle avec ce dernier au cours de laquelle il dévoile sa propre vérité, vérité que les deux protagonistes préfèrent garder cachée même si de forts sentiments se développent entre eux et qu’ils ne demandent pas mieux que de les vivre au grand jour.
Adaptation du best-seller Simon vs the Homo sapiens Agenda de Becky Albertalli, le scénario d’Elizabeth Berger et Isaac Aptaker, producteurs de la série phénomène This is us, cerne avec tant de justesse les questionnements existentiels reliés à la découverte de l’orientation sexuelle qu’on pardonne aisément la quétainerie au bord de l’invraisemblance de certaines scènes. En revanche, c’est franchement désolant de réaliser que le tandem ne pouvait s’empêcher de saupoudrer leurs intrigues avec des personnages caricaturaux et nullement intéressants. Tony Hale, connu pour son rôle dans la satire politique de HBO VEEP, campe un directeur d’école vieux garçon qui essaie désespérément d’être branché. Le talent de l’acteur n’est pas remis en question, mais chacune de ses interventions exaspère et fait soupirer. Par exemple, l’idée qu’un professionnel en éducation tente de freiner le fléau des cellulaires est en soi très louable et riche, mais s’en servir pour soutirer des rires faciles, c’est tout simplement pas nécessaire et décevant en cette période où la comédie américaine doit impérativement subir une révolution. Il ne faut pas prendre le public cible pour des niaiseux si nous souhaitons véritablement les interpeller.
Ceci dit, il est rafraîchissant de constater que Simon, quant à lui, n’embrasse pas les stéréotypes. D’une personnalité studieuse et timide, il est fidèle en amitié, aime les groupes rocks vintage et émergents, et ne cherche ni les ennuis ni à se faire remarquer. Un adolescent des plus normaux, quoi. Un jeune homme qui a peur. Peur de perdre ses amis. Peur de détruire l’harmonie qui règne dans sa famille même si cette dernière démontre beaucoup d’ouverture. Un ado qui, sous le poids des conventions et préjugés, se sentira obligé d’écouter du Lady Gaga ou du Madonna, de porter des chandails serrés à encolure en V et d’afficher fièrement le drapeau gai sur les murs de son dortoir à l’université. Ces petits et grands doutes sont abordés avec un humour candide, mais ils suscitent un grand nombre de réflexions. La quête de Simon, même si elle est parsemée de failles et paresses sur le plan cinématographique, inspire et représente un modèle sain pour tous les adolescents qui se cherchent.
Parallèlement, les réactions des autres personnages face au coming out s’avèrent franchement réalistes. Nous n’avons pas droit à une tragédie grecque, juste à des êtres humains chamboulés dans leurs perceptions et valeurs et qui, à l’intérieur de ce bouleversement, veulent seulement le bien pour une personne aimée. Les contradictions, la confusion, la maladresse sont ici exprimées avec sincérité. Même s’il est déplorable que les autres membres de la communauté LGBT tels les lesbiennes et transgenres ne soient pas mentionnés dans le film (il n’y a pas seulement deux homosexuels dans une école , tsé!), Avec amour, Simon signifie un énorme pas dans le paysage cinématographique pour sensibiliser un large public à des tabous de société. C’est un début prometteur qui, on l’espère, évoluera dans l’audace et dans une réalité aucunement sublimée.
Ce film est à l’affiche depuis le 16 mars 2018.
Crédits Photos : 20th Century Fox