Si vous le permettez, laissons la fiction romancée que le cinéma nous procure derrière nous quelques instants. Nous changeons de registre, sautons dans l’univers du documentaire…et pas n’importe lequel ! Beaucoup de personnes se souviennent du film An Inconvenient Truth (2006) comme l’un des documentaires précurseurs de l’engagement de l’Amérique dans le combat contre les changements climatiques. Lauréat de l’Oscar du meilleur documentaire en 2007 et récompensant sa star, l’ancien vice-président américain et maintenant ambassadeur de force dans la lutte contre le réchauffement climatique, Al Gore, en lui décernant le Prix Nobel de la paix, voici An Inconvenient Sequel. En 2017, dans un momentum alarmant pour tous les scientifiques et les environnementalistes aux États-Unis, l’ancien vice-président démocrate et son équipe reviennent à la charge avec un second documentaire, celui-ci davantage politisé et agressif. Certes, l’effet sur le spectateur est beaucoup moins grandiose qu’en 2006, à la sortie du premier film, mais c’est un documentaire tout à fait d’actualité qui met en lumière, et ce très clairement, l’urgence d’agir pour sauver notre planète des nombreuses catastrophes naturelles prévues durant les prochaines décennies.
Le ton est automatiquement donné dès l’ouverture, sur des images de couronnes glacières du Groenland se brisant en miettes dans les bassins d’eau claire, accompagnées de témoignages de journalistes et de personnalités publiques s’étant moqué des arguments d’Al Gore au fil des années (en voix off). Il est clair que l’ignorance humaine est immédiatement dénotée comme l’une des plus grandes impasses à l’exploitation de ressources renouvelables; limiter la production de gaz à effet de serre ne semble pas le combat de tous et chacun. C’est encore bien dommage !
Durant plus de deux ans, les documentaristes Bonni Cohen et Jon Shenk ont accompagné Gore à travers le monde. Leur mission quotidienne: rencontrer politiciens, scientifiques, adversaires et citoyens afin de mieux comprendre la réalité de tous et chacun, surtout dans un monde où les ouragans et les catastrophes naturelles sont de plus en plus communs. Cet exercice de « ciné-réalité » fut d’ailleurs l’une des plus grandes épreuves de l’ex-politicien, c’est-à-dire de garder son calme et aussi cacher son exaspération devant les caméras lors de missions diplomatiques qui se sont montrées très éprouvantes pour lui et son équipe. Vous le verrez à de nombreuses reprises, Al Gore semble fatigué et en colère envers le manque d’ouverture de l’élite politique à l’égard de la question des changements climatiques (nombre de scènes d’archive présentées dans le film supporteront mes dires), et avec raison !
Cependant, l’une des plus grandes qualités de ce film est aussi sa plus grande faille: le focus est presque entièrement sur Al Gore, qui apparaît dans plus de 99% des scènes. La ligne est donc très mince entre un documentaire autobiographique sur l’homme, plutôt qu’un documentaire humanitaire ou scientifique expliquant les manifestations climatiques sévères des dernières années. Le parcours de ce (grand) politicien est bien sûr fort inspirant, mais il est primordial de ne pas détourner la vraie morale du film: instruire et conscientiser les citoyens à travers la planète de l’exemple à suivre dans un monde politiquement cynique.
Si certains parmi vous êtes à la recherche d’un documentaire assassin foudroyant l’administration de Donald Trump en regard aux politiques environnementales, ce film n’est pas pour vous ! En effet, le moment fatidique où l’élection présidentielle de 2016 est abordée n’arrive qu’à la toute fin, préférant davantage se concentrer sur les ententes diplomatiques et la proactivité de divers pays et communautés à trouver des moyens efficaces de réduire considérablement leurs émissions de CO². Certes, c’est un documentaire davantage politique que scientifique, mais il reste que les arguments et les moments clés du périple d’Al Gore sont destinés à promouvoir l’espoir auprès des masses, non la crainte.
Le film comporte un certain lot de moments saisissants et de découvertes intéressantes, même si l’effet choc est certainement moins fort que lors du premier film:
- La visite d’Al Gore dans la municipalité de Georgetown au Texas, l’un des états les plus conservateurs en Amérique, mais où cette ville est la seule à produire de l’énergie renouvelable pour ses citoyens, car c’est plus profitable ainsi ;
- L’argumentation derrière l’importance de débuter une présentation sur l’environnement en montrant une photo de la planète Terre ;
- Les réactions en directe de l’équipe de production lorsqu’ils étaient sur place, à Paris, le soir du 20 novembre 2015 pour un marathon d’entretiens politiques de 24 heures;
- Les coulisses du sommet COP21 où l’ancien vice-président tente de trouver un moyen de venir en aide à l’Inde, un pays en grand manque de ressources et de fonds pour exploiter l’énergie solaire ;
- Clin d’oeil aux Canadiens : Al Gore croisant Justin Trudeau à COP21 en prenant le soin de reconnaître le travail du Canada en regard à la promotion du développement durable.
En conclusion, si vous souhaitez faire changement des blockbusters et légèrement vous instruire, je vous recommande de voir ce documentaire en salles. Qui plus est, il est presque assuré qu’il figurera au palmarès des meilleurs documentaires lors de la prochaine cérémonie des Oscars. Autant mieux vous familiariser d’avance avec son contenu !
En salle au Cineplex Forum en version originale anglaise
Crédit photos: IMDB, Google Images, Facebook
Certes moins exaltant que son prédécesseur, An Inconvenient Sequel reste tout de même très efficace pour faire passer les bons messages et responsabiliser les spectateurs. Étant un film prônant le militantisme citoyen, la corde sensible de la neutralité politique est brisée en pointant du doigt l'élite politique conservatrice. Ceci est moins conventionnel qu'à l'habitude...ce qui est peut-être nécessaire.