Il faisait bien longtemps que nous avions eu affaire au réalisateur fanatique d’ultraviolence et de stand-offs mexicains Robert Rodriguez. Vous vous souvenez de lui? C’est le mec un peu kamikaze qui nous avait offert Planet Terror et Machete il y a quelques années. Bon ami de Quentin Tarantino, Rodriguez est un peu excentrique sur la violence et l’action implausible, mais nous apprécions son cinéma tout autant! Après une pause d’environ cinq ans, le réalisateur mexicain est de retour en force cette année avec l’adaptation de la série manga animée à succès Battle Angel – Alita.
Ayant assisté à la projection de ce film le 31 janvier dernier, je fus l’un des premiers à le voir en Amérique du Nord… ce n’est quand même pas rien. Les cinéphiles avaient beaucoup d’espoir pour ce film, croyant qu’il pourrait enfin être l’une des premières adaptions cinématographiques d’une oeuvre manga animée réellement à la hauteur. D’autres, notamment la tribune médiatique, ont vu un prochain flop majeur pour les studios 20th Century Fox. Avec le grand prophète du cinéma spectaculaire James Cameron (Titanic, Avatar) assis sur le siège de producteur et propriétaire des droits de Alita, disons que nous avions de quoi espérer une oeuvre de science-fiction magistrale. Visuellement, le savoir-faire de Cameron est bel et bien présent, mais c’est au niveau de l’histoire entourant notre héroïne que les choses se gâtent un peu.
Selon le manga original du Japonais Yukito Kishiro, nous sommes en 2563. Une ancienne guerre avec des mercenaires de l’espace aurait ravagée la Terre, laissant seulement une seule ville luxuriante, Zalem, volant au-dessus de la ville industrielle de Iron City. Il va sans dire, les plus riches et fortunés habitent en haut, les ouvriers et les moins fortunés habitent au bas, où humains et cyborgs tentent tant bien que mal de vivre en paix les uns avec les autres. Un jour, le Dr. Dyson Ido (Christoph Waltz), un chirurgien expert en cybernétique qui est réputé pour réparer les cyborgs et assembler des prothèses aux corps humains, trouve une carcasse de cyborg inanimée, mais avec un cerveau humain et un coeur encore fonctionnel. Donnant à cette intelligence artificielle un nouveau corps, celle-ci revit pour devenir Alita (Rosa Salazar, une magnifique et attachante captation 3D). N’ayant aucun souvenir de son ancienne vie, elle tentera bien vite de vivre selon sa nouvelle identité avec le Dr. Ido, son infirmière et avec un jeune garçon du coin, Hugo (Keean Johnson). Bien vite, elle réalisera qu’elle possède de grands réflexes de combattante, ainsi que les aspirations d’une guerrière meurtrière. Ses récents exploits laissant personne insoucieux, de puissants syndicats du crime de la ville s’intéresseront à ses facultés, notamment le roi des rings de Motor Ball, Vector (Mahershala Ali) ainsi que sa collègue Chiren (Jennifer Connelly), menés par le désir de construire les cyborgs les plus gros et les plus meurtriers pour animer leur grands matchs sportifs. Bien sûr….une autre menace encore plus puissante règne au-dessus de leur tête sur Zalem, une menace du nom de Nova, lui aussi très intéressé par les facultés exceptionnelles d’Alita.
À première vue, ce synopsis futuriste vous semble-t-il un peu trop familier? Eh oui, là est peut-être la plus grande faille du film: le récit est du réchauffé…maintes fois d’ailleurs. Tout comme Ghost in the Shell, Elysium ou même Final Fantasy avant Alita, ce film repose encore et toujours sur la division entre humains et cyborgs où notre héros (ou héroïne la plupart du temps) se retrouve à être tout à fait unique; un être authentique avec un passé trouble démontrant de grandes habiletés. Même si Rodriguez et Cameron ont fait leur possible pour honorer le matériel d’origine, il reste que le tout ensemble, c’est du déjà vu. L’histoire ne nous choquera pas, ne nous surprendra pas et ne nous touchera pas tant que ça. Je dirais même plus, les questions existentielles et philosophiques sur la nature de l’être humain en dualité avec l’intelligence artificielle sont quasi-inexistantes ici, contrairement à des oeuvres monumentales comme Blade Runner.
Je le répète encore, car il vaut la peine d’être défendu, la représentation numérique du personnage d’Alita est phénoménale! En plus d’un bon jeu d’actrice touchant et sensible de la part de Rosa Salazar, le personnage est si bien dessiné, nous apprécions passer du temps en sa compagnie. Ce n’est malheureusement guère le cas pour les personnages secondaires du film, qui auraient mérités d’être beaucoup mieux exploités, sauf exception pour le Dr. Ido de Christoph Waltz, qui s’en tire plutôt bien. Celle-ci étant la seule relation interpersonnelle père-fille qui est bien approfondie tout au long du film. Les personnages de Vector et Chiren ne sont que très peu expliqués pour comprendre leur implication réelle dans cette histoire. Hugo, de son côté, est hyper cliché et un peu quétaine. Somme toute, le film possède un réel problème au niveau du narratif et du développement de ses personnages, ce qui n’en fait pas un chef-d’oeuvre moderne de la science-fiction.
Cependant, c’est bien par le festin visuel qui nous est offert que le dernier film de Rodriguez sait gagner des points; Alita: Battle Angel est un blockbuster d’action avec des effets spéciaux tout à fait magnifiques. Nous discernons quelques tours de magie à la James Cameron qui ont fait de Avatar une oeuvre si monumentale en 2009. On le constate que trop bien par la simple présence du personnage d’Alita, créé de la tête aux pieds à l’aide de la captation 3D. Les gros plans sur son visage, ses réactions et sa gracieuse flexibilité à titre de guerrière la rendent tout à fait magnifique. Son environnement l’est tout autant, en admirant les couleurs et la réalisme de la ville de Iron City. Même constat au niveau des scènes d’action; vous apprécierez particulièrement les scènes de Motor Ball où Alita roule à vive allure en roller-blades dans l’arène, c’est presque une virée dans le manège de l’Ednor à la Ronde. Bien que presque semblable sur le plan narratif, Alita est plus impressionnant sur le plan visuel que l’était Ghost in the Shell en 2017.
Il vaut la peine de le souligner; par le génie de Rodriguez à chorégraphier les scènes d’action et les judicieux conseils de James Cameron et son équipe en termes de captation 3D et d’effets visuels, Alita n’est pas un film moche. Visuellement très attrayant, surtout sur un énorme écran IMAX 3D (je le recommande), c’est une montagne russe futuriste intense. Malheureusement, avec tous les films de science-fiction ou d’animation explorant le thème de la supériorité féminine dans une dystopie futuriste, Alita semble un pastiche de bien d’autres personnages.
Je suis très curieux de savoir comment le box office va traiter ce film, puisqu’une suite est très certainement prévue. Les cinéphiles seront ceux qui dicteront le sort de notre attachante Alita. Y aura-t-il un deuxième film? Disons que ça dépend des recettes. Les grands amateurs du monde de l’Animé et des mangas vont sûrement bien aimer, mais qu’en est-il des autres?
En salles dès le 14 février 2019
Crédit photos: 20th Century Fox, IMDB
Rouge ou vert, un Mountain Dew va goûter sensiblement la même chose après l'avoir consommé. Une forte dose de sucre et d'arômes artificiels pour éveiller vos sens. Qu'importe l'étiquette, vous verrez que l'effet sera sans doute le même. «Alita: Battle Angel» est ce Code Red, quand un film comme «Ghost in the Shell» ou «Elysium» sont ce Mountain Dew original d'un vert éclatant. C'est un peu la même chose...