On ne sait plus comment réinventer le vampire.
Depuis sa forme classique par Bram Stoker, la pauvre créature fantastique s’est vue affublée de toutes sortes de masques, parfois réussis (le romantique Entretien avec un vampire, le contemporain Let the right one in), d’autres fois moins (ai-je vraiment besoin de le nommer… Ah, si vous insistez… Twilight). Certains films de vampire sont même impossibles à réellement définir (Karmina 2). C’est en 2014 qu’Ana Lily Amirpour, dans son tout premier long-métrage, décide de se joindre à la longue liste de ceux qui tenteront de réinventer le vampire… Et, ma fois, A girl walks home alone at night est un bien bel essai.
Petit cours 101 du vampirisme : Le vampire, dès sa première apparition avec Dracula, est la représentation symbolique de la dépendance. En effet, quoi de mieux que ces créatures pas trop joyeuses qui ressentent le besoin quotidien de se gaver de sang pour traiter du manque sous tous ces niveaux? À cet effet, bon nombre de cinéastes ont utilisé la figure du vampire afin de représenter un état de dépendance associé à un personnage. Dans A girl walks home alone at night, le manque que ressentira le vampire sera plutôt d’ordre physique : Il s’agit d’une jeune femme solitaire, troublée, qui cherche un sens à son existence (et qui tentera de combler celle-ci en répandant son fléau dans une microsociété).
Et… C’était l’analyse rapide du film d’Ana Lily Amirpour. Bien entendu, on pourrait en dire long sur la symbolique et la représentation des personnages, mais laissons aux spectateurs le soin de tirer leurs propres conclusions. L’important à savoir est qu’A girl walks home alone at night possède ce «quelque chose de plus» qui rend l’écoute tellement plus intéressante, tellement moins vide qu’un Insidieux 3 (oups, je l’ai dit!).
Ce jeune vampire, donc, s’est installé dans un petit quartier Iranien. La grande cape noire que possèdent les créatures classiques a ici été troquée contre un long voile, qui cadre bien avec le contexte du film. Esthétiquement, la créature est très intéressante. Celle-ci s’immisce donc dans le quotidien de gens, semant quelques cadavres au passage, jusqu’à ce qu’elle rencontre un jeune homme, cherchant son identité dans une quête éternelle de vengeance et d’amour. Un match parfait pour le monstre et l’homme.
Finalement, à bien y penser, l’intrigue ressemble beaucoup à celle de Twilight pour que ce soit un bon film. Mais, rassurez-vous, Edward et Bella n’ont qu’à bien se tenir.
La direction photo de A girl walks home alone at night est extrêmement soignée. L’usage du noir et blanc peut poser quelques questionnements quant à son utilité réelle, mais elle ne dérange jamais réellement. Et que dire de la réalisation, qui évite le piège du film d’horreur qui se transforme bien trop souvent en film d’action de mauvais goût : Ici, les scènes sont longues et contemplatives, on laisse le temps à la tension de s’installer, on crée un souffle que l’on ne brise jamais. Si vous aimez le début du film, vous en aimerez la fin.
Cependant, bien que le film soit bien construit, on ne peut en dire autant de sa capacité à nous faire peur. Le vampire n’est absolument pas menaçant, et on ne tremble pas à sa présence. Ce ne semblait pas être le but réel du cinéaste, mais les spectateurs qui voudront écouter ce film pour une bonne frousse seront déçus. Les scènes de meurtres, où la tension est digne d’un Hitchcock, sont souvent gâchées par des effets spéciaux inutiles (on accélère les plans pour faire comme si le vampire va vite, et ça donne mal au cœur et à l’âme) qui cassent le rythme. La direction artistique, parfois intéressante, sonne souvent faux, et on crie à la mise en scène (à défaut de crier de terreur).
A girl walks home alone at night n’est donc pas réellement un film d’horreur, en ce sens qu’il ne vous dressera pas les cheveux sur la tête. Mais en termes d’allégorie de la dépendance, l’utilisation du vampire est ici très bien justifiée, et la réalisation de cette jeune cinéaste promet une carrière à suivre. Pour son ambiance, autant esthétique que sonore (la musique est excellente, les effets sonores, un peu moins), et surtout pour son audace, le premier film d’Ana Lily Amirpour en vaut l’écoute.