On le mentionne que très peu souvent, mais rassembler des acteurs comiques, généralement protagonistes dans des comédies légères, pour composer la distribution d’un récit dramatique est souvent un résultat surprenant. Avant d’être officiellement distribué par Netflix, The Meyerowitz Stories (New and Selected) du réalisateur Noah Baumbach (l’homme derrière Frances Ha) a été découvert dans la sélection officielle du dernier Festival de Cannes comme une oeuvre cinématographique sensible et d’un charme poignant. Affichant une belle distribution et un bon scénario, ce film nous rappelle incontestablement le cinéma de Woody Allen pour ses répliques si vraies et délicieusement humoristiques, ainsi que celui de Wes Anderson pour son style et sa cinématographie joliment colorée. Ceci marque essentiellement un nouveau répertoire de cinéma d’auteur accessible en streaming, encore trop peu exploité par Netflix.
Dans un appartement en fouillis du centre-ville de New York git un sculpteur à la retraite du nom de Harold Meyerowitz (Dustin Hoffman, fidèle à son talent). Un artiste mal reconnu pour son art et vivant dans l’ombre de ses vieux amis collègues (eux aussi artistes), il est le patriarche d’une grande famille décomposée et dysfonctionnelle. Divorcé trois fois, il est présentement marié à Maureen (Emma Thompson), détestable à souhait pour être constamment dans les nuages. Ce troupeau plutôt intéressant compte plusieurs autres membres, tous avec une vie et une personnalité différente. Nous avons Danny (Adam Sandler, touchant et surprenant), l’aîné et le mal-aimé de la famille, qui n’a jamais été capable d’avoir une réelle carrière ou une vraie bonne vie de famille. Pourtant un bon père aimant envers sa fille Eliza (Grace Van Patten), il est le mouton noir à la recherche d’un sens plus profond à sa vie. Il y a aussi Jean (Elizabeth Marvel, très drôle et ambiguë), une femme vivant seule, sans partenaire de vie et sans enfants, qui s’habille comme si les années 80 étaient encore tendance et qui ne semble pas avoir de grandes occupations ou loisirs quotidiens. Finalement, le revers de la médaille, nous avons Matthew (Ben Stiller), le cadet, né d’une autre mère et seul grand prodige de la famille qui mène une belle vie à titre d’associé au sein d’une firme de comptabilité. Père d’une famille aisée à Los Angeles, il est le fils préféré à papa pour être le seul à avoir réussi sa vie et pour avoir un bon compte en banque. Chacun et chacune profitant d’un dîner pour se rapprocher de leur père (davantage pour les deux fils que pour Jean), ils vivront ces retrouvailles d’une manière différente, parfois avec colère mais aussi avec délicatesse. Le jour où Harold sera hospitalisé sera le jour où les trois enfants devront apprendre à vivre ensemble et enterrer leurs querelles d’autrefois pendant ce moment difficile. Parfois drôle, parfois plus dramatique, The Meyerowitz Stories est un récit familial tel que nous les aimons, donc émotionnel et vrai, pas superficiel par une surabondance d’humour. Imaginez The Royal Tenenbaums, mais sans les hyperboles stylistiques de notre ami Wes Anderson!
Un titre curieux, vous ne croyez pas ? On reconnait vraisemblablement le désir du réalisateur et scénariste de dépeindre son film comme un amalgame de chroniques familiales et non comme un récit linéaire (ce qui est ironiquement le cas). Selon moi, il faut donc considérer ce film comme une anecdote tirée d’une longue histoire de famille qui fut spécialement « sélectionnée » (selected), mais »nouvelle » (new) pour marquer la temporalité actuelle du conte. Les nombreuses références des personnages au passé, mais sans nous montrer ces souvenirs en question, sont très imagées, ce qui nous donne la chance de bien saisir la personnalité et le passé trouble des personnages. Même s’ils ne partagent pas les mêmes opinions ou la même réalité que nous, nous pouvons facilement les admirer, et ce aussi grâce au jeu très humain des quatre protagonistes. Quelques scènes marquantes d’un bon humour vous ferons bien rire, notamment les nombreuses petites hausses de tempérament de Harold envers les gens et son environnement en guise de « protestation artistique » (comme il aime si bien le dire), la confrontation personnelle entre Danny et Matthew qui est saisissante, ainsi que la drôle de vision artistique de Eliza, étudiante en cinéma à l’Université, qui envoie de très étranges courts-métrages étudiants à sa famille pour recueillir leur opinion artistique. Vraiment hilarant!
En effet, ce film nous prouve que les Ben Stiller et Adam Sandler de ce monde devraient considérer joindre des projets dramatiques plus souvent. Aussi drôle que cela puisse paraître, la vraie révélation de ce film au niveau du jeu est…Adam Sandler! L’acteur mal-aimé de trop nombreuses comédies lourdement critiquées nous montre une autre facette de son talent d’acteur; son interprétation du père à la jeunesse troublée cherchant sa place dans le cœur de son père est très juste. Ben Stiller, qui est déjà un peu plus familier à ce registre, s’en sors très bien aussi, dans une interprétation fidèle à sa personnalité. Bien sûr, n’oublions pas l’humour hautain de Dustin Hoffman et la belle ambiguïté de Elizabeth Marvel, les deux font mouche à chacune de leur apparition à l’écran. Emma Thompson, pour sa part, est moins présente et son personnage nous amène dans trop directions pour aussi bien saisir sa nature.
Somme toute, ce film est une belle pause de santé lors d’une fin de semaine ensoleillée ou tard après un souper de famille. Nous ramenant à une ère où l’humour familial typiquement européen était à la mode, c’est un style rafraîchissant de l’ambiance offerte par les comédies génériques d’aujourd’hui. Autant un mélange de styles que de registres narratifs, c’est définitivement une expérience à savourer en bonne compagnie. J’hésitais à le comparer à un bon petit bourgogne, abordable mais riche en saveur, ou encore à une bonne bière fraîche bue en campagne pour son sentiment de nostalgie. J’ai opté pour la bière….peut-être parce que j’en buvais une à la rédaction de ce texte 😉
Disponible sur Netflix dès maintenant!
Crédit photos: IMDB, Facebook
Un très beau regard riche en humour et en émotions sur la famille d'aujourd'hui, un phénomène de plus en plus commun considérant le nombre de divorces, un merci au réalisateur Noah Baumbach pour une belle oeuvre accessible, très bien jouée et poétiquement écrite. Sélectionnée au sein de la compétition officielle au Festival de Cannes, ce film mérite certainement une plus grande notoriété!