En le voyant les yeux fermés, écoutant de la musique à tue-tête, le pied appuyé à fond sur la pédale d’accélération de son véhicule sans porter toutefois de ceinture de sécurité, on constate dès l’ouverture du film que Scott (Pete Davidson) n’est pas en paix avec lui-même. On pourrait tendre à croire qu’il est à la recherche d’émotions fortes pour oublier les maux qui le rongent depuis son enfance. Quelques secondes plus tard, on le voit faire des blagues en compagnie de ses amis au sujet de la mort tragique de son père survenue alors que Scott n’avait que sept ans. C’est ainsi que The King of Staten Island, le plus récent film de Judd Apatow, nous offre un premier aperçu de son protagoniste troublé. D’ailleurs, il est important de mentionner que la vie du jeune homme de vingt-quatre ans est grandement inspirée de celle de Pete Davidson qui a participé à l’écriture du scénario. En effet, dans les deux cas, leurs pères étaient des pompiers qui sont morts en devoir, et tous deux affectionnent les tatouages, fument de la marijuana pour soulager leur maladie de Crohn et voir le temps filer plus vite, et font preuve d’un humour plutôt irrévérencieux fondé principalement sur des confessions brutales et vulgaires.
Sur le plan thématique, The King of Staten Island ne fait pas exception aux autres films de Judd Apatow. Comme c’est le cas dans The 40 Year Old Virgin (2005), ou encore dans Knocked Up (2007), nous suivons l’histoire d’un personnage prisonnier d’une zone de confort toxique qui l’empêche d’évoluer, et ce, jusqu’au moment où un événement inattendu vient bouleverser sa vie à jamais. Chez Scott, cet élément déclencheur survient dès l’instant où il apprend que Maggie (Marisa Tomei), sa mère, fréquente quelqu’un pour la première fois en dix-sept ans. Et, comme si ce n’était pas assez, ce nouveau copain prénommé Ray (Bill Bur) s’avère être un pompier. Ainsi, cette présence imposante dans l’univers de Scott forcera ce dernier à sortir tôt ou tard de sa carapace émotionnelle et à faire face au chagrin qui l’habite depuis tant d’années.
L’une des plus grandes forces de The King of Staten Island réside autant dans sa capacité à nous faire rire qu’à nous toucher par son histoire. Car, bien qu’il puisse être tordant d’assister aux nombreuses bêtises et mésaventures de Scott, ou encore d’entendre ses remarques cinglantes, il n’en demeure pas moins que la réalité à laquelle le jeune homme est confrontée n’a rien de comique. Celui-ci ne cesse de s’aliéner tous ceux qui souhaitent son bien. De plus, il végète constamment avec ses amis fainéants, et il refuse de faire preuve de maturité lorsqu’on lui pose des ultimatums. Son seul véritable objectif est de s’ouvrir un « restaurant de tatouage », lieu où l’on pourrait se faire tatouer tout en mangeant un bon repas. Ainsi, que ce soit auprès de sa mère, qui peine à le soutenir sous son toit, de Claire (Maude Apatow), sa plus jeune sœur qui n’en peut plus de couvrir ses arrières, ou encore de Kelsey (Bel Powley), sa petite amie qui souhaiterait que leur relation amoureuse passe au second niveau, on ne peut s’empêcher de ressentir un pincement au cœur en constatant à quel point Scott est incapable de réaliser qu’il possède toutes les ressources nécessaires pour être heureux.
Si The King of Staten Island réussit aussi bien à nous captiver, c’est en grande partie grâce à son excellente distribution. Évidemment, Pete Davidson, qui est au cœur du film, est celui qui retient le plus l’attention. Sa performance est électrisante, et les nombreux moments de vulnérabilité de son personnage, souvent joués de façon crue, parviennent généralement à nous toucher. Il est donc agréable de voir The King of Staten Island se transformer graduellement au fil de l’histoire en une sorte de « Feel-Good Movie », car cela permet au récit de mettre en lumière une toute nouvelle facette de Scott et, par le fait même, du jeune acteur américain. Que ce soit lorsqu’on le voit aller reconduire les enfants de Ray à l’école, ou bien délaisser ses mauvaises habitudes de vie, cela fait du bien de le voir reprendre le bon chemin après tant d’années de difficultés.
Au final, on ne se cachera pas pour dire que The King of Staten Island ne réinvente pas la roue dans la filmographie de Judd Apatow. Néanmoins, c’est une œuvre beaucoup plus mature que ses précédentes, dotée d’un récit qui parvient autant à nous faire rire qu’à nous toucher par ses enjeux plus dramatiques, et qui permet sans l’ombre d’un doute à faire briller le jeune Pete Davidson sous toutes ses coutures.
Date de sortie en VOD: 12 juin 2020
Crédit images: IMDB
The King of Staten Island, le plus récent film de Judd Apatow, est une excellente comédie dramatique qui réussit à nous épater par son récit touchant, par son humour mordant, et par la performance remarquable de Pete Davidson.