On l’a attendu, on a été d’abord attristés par son annulation, puis excités d’apprendre son retour… The Hateful Eight est maintenant arrivé dans les salles de cinéma, et déjà, Tarantino va plus loin que ce que le client en demande. Il a en effet tourné son dernier bébé en 70mm, format qui aura nécessité une refonte complète de l’appareillage utilisé. Lorsqu’un réalisateur, par amour du cinéma, se donne tant de mal afin d’arriver à un esthétisme particulier, on peut s’attendre à une œuvre charnière. Si The Hateful Eight ne sera pas le plus marquant de Tarantino, il symbolise tout de même un retour aux sources drastique qui sera sûrement apprécié des fans.
Car, disons-le : Tarantino rate rarement un film, mais son style franc, violent et rude des belles années (Reservoir Dogs, Pulp Fiction) s’était quelque peu atténué, laissant place à un souci de l’esthétisme et de la réalisation plus classique. Ses derniers films, Inglorious Bastards et Django, étaient excellents, mais force nous est d’admettre que le réalisateur perdait de ce qui l’avait fait connaître. Tout cela est de retour avec Hateful Eight, dans un film rassemblant tout ce qu’il y a de meilleur en Tarantino : de la violence, du Blacksploitation (merci à Samuel L Jackson pour son habituel rôle de noir jouant tout ce qu’il y a de plus noir), des répliques assassines et du sang, beaucoup de sang. Tout cela, avec une maîtrise maintenant complète du cinéma de la part de notre bon vieux Tarantino.
The Hateful Eight (ou Les huit enragés en version française, mais entendons-nous, ça sonne bien mieux en anglais), c’est donc huit inconnus qui, au temps de la guerre de Sécession, se retrouvent confinés à l’intérieur d’une halte routière en pleine tempête de neige. Les huit, cependant, ne profiteront pas de l’arrêt pour discuter calmement… du moins, pas longtemps, puisque bien vite, des liens se tisseront entre nos quatre personnages. Rapidement, de gauche à droite : deux tueurs à gages, un shérif, une prisonnière, un bourreau, un mexicain… Ces personnages extrêmement caractérisés par leur occupation, en plus d’être une bonne ouverture à une blague à raconter en famille, forment aussi une excellente prémisse pour un huis clos de 3h15 (avec entracte, si vous avez la chance d’assister à la projection Roadshow, diffusée seulement dans un cinéma à Montréal).
La première partie du film servira donc d’introduction à tous ces personnages. Segment beaucoup plus long, mais nécessaire, qui rappellera les codes du théâtre : dialogues plus explicatifs, gags et encore des dialogues… À l’entracte, même si on affirme avoir passé un bon temps, on a tout de même la crainte : où est Tarantino? Où est le sang? Où sont les lions et le combat de gladiateurs? César, le peuple demande du sang!
Pas d’inquiétude pourtant. Les fans de Tarantino seront ravis dès les premières secondes de la seconde partie entamées. Les personnages sont campés, le lieu est établi, il ne reste plus qu’à faire exploser le tout… Car les cartes se retourneront, et les objectifs réels des personnages seront dévoilés, au grand plaisir de tous. La forme du scénario éclatera également dès le début de la seconde partie, qui commencera avec une narration du réalisateur lui-même et quelques révélations inattendues (mais qu’on attendait pourtant avec impatience).
The Hateful Eight, dont la trame sonore est constituée en grande partie de la musique originale de Morricone (souvent associé au western-spaghetti de Leone), est donc un film western post-moderne. Tarantino parvient à sortir du scénario classique du film de cowboys, mais un œil averti en reconnaîtra tous les codes et conventions : autant dans le type de personnages que dans la réalisation. Certains plans serviront également de références directes à l’œuvre western. Tarantino n’a pas perdu de son désir référentiel. Il l’utilise désormais avec beaucoup plus de parcimonie et de subtilité, et le résultat est convaincant.
Avec un casting qu’on ne nomme plus (on se gâte une dernière fois : Tim Roth, Samuel L Jackson, Jennifer Jason Leigh et… Channing Tatum?), une réalisation assumée et aussi folle que ce qu’on s’attend de lui, Tarantino parvient avec The Hateful Eight à réaliser une œuvre qui plaira à ses fans. Un film complet qui définit autant sa folie que son amour du cinéma.