L’un des avantages des films d’animation est leur capacité à émouvoir autant un jeune public que des spectateurs plus âgés qui en sont à une étape différente de leur vie. C’est par des scénarios plus matures, adressant des sujets plus difficiles de manière naïve et imagée, que Pixar a fait sa marque de commerce depuis ses tout débuts. Dans Soul, la dernière production de la filiale de Disney, on traitera de sujets bien enfantins, tels que le sens de l’existence, la fatalité d’une mort inévitable, et la possibilité bien concrète de rater sa vie.
Plusieurs éléments de Soul, autant au niveau de l’intrigue, de la facture visuelle et de la représentation de la psyché humaine, se rapporteront à Inside Out, que Pixar avait sorti en 2015. On reconnaîtra à cet effet la plume et la présence de Pete Docter, qui a pris en charge les deux projets, ainsi que plusieurs titres phares de la boîte de production. Encore une fois, l’intrigue se fera en alternance entre un monde réel, rendu de manière ultra-réaliste par les technologies d’animation actuelles, et un univers imaginaire complètement éclaté. Là où Inside Out présentait les émotions humaines, Soul représente la vie après (et avant) la mort.
Jamie Foxx prête sa voix à Joe, cet homme qui aurait tant voulu gagner sa vie avec l’art et la musique jazz, mais qui se retrouve plutôt, dans la quarantaine, à enseigner les rudiments de la musique à des jeunes élèves qui ne semblent pas y prêter attention. Mais alors qu’une opportunité unique s’offre à lui – celle de jouer du piano pour l’une des grandes chanteuses jazz de New-York – et que sa vie risque de changer à tout jamais, il a un accident bête, et se retrouve dans un autre monde, un univers éclaté qui se révèlera être une sorte de purgatoire.
Dès ce moment, Joe prendra conscience des nombreux bonheurs et opportunités qu’il laisse derrière, et il fera tout en son pouvoir afin de retrouver son corps tangible et mortel. Il sera aidé dans son aventure par 22, une âme en formation qui n’a rien à faire de la vie des humains. Deux destins reliés, deux quêtes diamétralement opposées – On est définitivement dans un scénario classique de Pixar. Mais un revirement de situation plutôt inattendu viendra bouleverser les événements, alors que Joe réussira en effet, grâce à 22, à retourner sur Terre. Mais pas sous la forme qu’il le désirerait.
L’univers créé par l’équipe de Soul fonctionne à merveille. On y aborde des sujets lourds tels que la mort, les regrets, ce fameux sens et raison d’être que tout le monde cherche au cours de sa vie. Les enfants y trouveront bien sur leur compte au-travers de ces thématiques matures grâce à des personnages éclatés, des faire-valoir comiques qui font la signature de Disney, mais ceux-ci ne sont tout de même pas irritants pour un public adulte, qui sera également servi par de nombreuses références historiques. Puisqu’on est dans une sorte de vie après la mort, il ne sera pas rare de croiser des personnalités connues, autant du milieu scientifique qu’artistique, politique, et j’en passe. Mais ces blagues, courtes et livrées un peu comme une parenthèse, tombent souvent à plat, même si l’intention demeure excellente.
Même si le scénario n’est pas parfait, que la personnalité de plusieurs personnages semblent changer abruptement de cap au service de l’histoire, on accepte tout de même ces conventions narratives, et on est pris dans une intrigue qui ira nous chercher profondément dans nos craintes les plus profondes. Soul aborde effectivement des problématiques et inquiétudes universelles, et on réussit avec force à les mettre en image à l’aide de plusieurs styles d’animation. Impossible de passer sous silence les responsables des âmes du purgatoire, une assemblée de personnages asexués qui ne seront représentés qu’en deux dimensions, dans un style esthétique ressemblant aux essais abstraits de Picasso. Ces personnages, qui sont davantage des lignes que des formes humaines, ne seront pas exploités à leur plein potentiel, au même titre que l’antagoniste principal qui manque beaucoup de force. Mais leur présence est tout de même rafraîchissante et audacieuse, comme c’est le cas de la majorité des idées du film, qui est desservi par une merveilleuse bande sonore, autant jazz qu’électronique, par moments.
Soul est réalisé dans la même ligne directrice que les autres œuvres de Pixar : Une œuvre unique, qui utilise un scénario ultra-classique et conventionnel pour traiter d’un sujet mature de façon à toucher l’ensemble du public. Malgré ses similitudes parfois un peu trop fortes avec Inside Out, Soul a tout de même un caractère unique, vibrant, présentant l’histoire d’un afro-américain dans toute la beauté et la richesse de sa culture, au cœur de New York. C’est une bonne initiation au jazz, une belle leçon de vie, un joli film qui arrive juste à temps pour Noël.
Crédit images : Disney
Comme la tradition des films de Pixar l'exige, Soul est un film d'abord divertissant, puis réflexif, qui traitera de sujets lourds avec beaucoup de candeur, pour le plaisir des petits et des grands.