Si le cinéma d’horreur regorge de films d’exorcisme, souvent tous inspirés des mêmes codes et archétypes du classique de Friedkin de 1973, peu de ces œuvres parviennent à se démarquer et à marquer l’imaginaire. On se retrouve souvent dans le même genre de séquences typiques, où le démon, s’emparant du corps de sa victime, se met à la mutiler, transformant un être souvent pur et angélique en une créature horrible, diabolique. Saint Maud, le premier long-métrage de la réalisatrice anglaise Rose Glass, parvient à reprendre les codes du film d’exorcisme, tout en y amenant une touche novatrice, symbolique, une sensibilité unique, mais surtout ingénieuse dans cet univers truffé d’archétypes.
On fera vite la connaissance de Maud (Morfydd Clark), infirmière à domicile chargée de s’occuper des soins palliatifs d’Amanda (Jennifer Ehle), ex-danseuse maintenant en fin de parcours. La bonté de Maud est immense, et on comprendra rapidement le caractère pieux de son métier et sa dévotion envers autrui, alors que la femme est rapidement identifiée comme étant croyante. Mais sa ferveur religieuse deviendra vite de plus en plus malsaine, alors qu’elle tentera de convertir Amanda afin que la femme connaisse une mort plus facile, moins tourmentée.
La bonté et la bienveillance de Maud envers Amanda prendra plusieurs formes, de plus en plus intrusives : Se manifestant d’abord par des soins plus particuliers et une amitié qui se forme entre les deux femmes, Maud finira par prendre le contrôle de la vie de sa cliente, jusqu’à en devenir dangereuse. C’est là que Saint Maud prend tout son intérêt, alors qu’on comprend que l’infirmière se retrouve comme possédée par un esprit. Mais contrairement à l’habitude cinématographique, où le caractère spirituel d’une possession est davantage démoniaque, on comprendra ici que c’est de l’esprit de Dieu que Maud se croit investie – Une âme qu’elle qualifie elle-même de chaude et positive, qui ne pourrait logiquement pas être néfaste…
Contrairement aux autres classiques du genre, l’intrigue de Saint Maud ne sera pas axée sur l’exorcisme de son personnage principal, qui n’est par ailleurs jamais réellement présentée comme une antagoniste. Au contraire, Maud est montrée comme étant extrêmement vertueuse, même dans les situations banales – Elle n’accepte pas de tricherie, de méchanceté dans son entourage. On n’aura d’ailleurs jamais de preuve réelle d’une possession concrète de la jeune infirmière. Maud, probablement victime d’une psychose religieuse, lutte davantage avec un trouble mental qu’un esprit maléfique, et son rapport aux autres en sera nettement atteint, comme le montre le scénario dans quelques scènes un peu tirées par les cheveux où Maud rencontre d’anciens amis et collègues qui peinent à la reconnaître.
Malgré qu’il se situe dans le temps présent, dans un Coney Island bien actuel, Saint Maud conserve tout de même cette ambiance gothique et angoissante digne de L’Exorcisme. On reconnaîtra d’ailleurs certains hommages au classique, notamment l’un des premiers plans du film, où le long et étroit escalier de pierre n’est pas sans rappeler celui où le prêtre trouve la mort dans l’œuvre de Friedkin. Mais mis-à-part ces subtilités, l’ambiance du film est bien différente à celle de l’Exorcisme original. Saint Maud regorge de symboles et références divines, de l’eau bénite au chemin de croix. Les seuls éléments symboliques qui pourraient rappeler l’enfer sont la relation de Maud avec tout ce qui s’apparente au feu, qui marqueront de manière indirecte sa relation avec l’énergie qui la possède. On la verra effectivement à plusieurs reprises tenter de contrôler briquets, allumettes et diverses flammes, plus souvent qu’autrement sans succès. Le symbole prendra tout son sens à la fin du film, qui est finalement davantage un drame psychologique qu’un film d’horreur à proprement parler, même si quelques scènes graphiques feront assurément grincer des dents.
Saint Maud n’est assurément pas le film de possession le plus effrayant, loin de là. Mais il s’agit tout de même de l’œuvre cinématographique du genre la plus originale et sensible depuis un moment. Le premier long-métrage de Rose Glass est un tour de force, une œuvre à part, unique et ingénieuse. Le nom de cette réalisatrice est à retenir.
Date de sortie : 12 février 2021 en V.O.D.
Crédit Photos : Entract Films
Ingénieux et différent, Saint Maud utilise les clichés et archétypes du sous-genre de la possession et prend un tournant plus sensible, féministe et symbolique qui donne un renouveau assez agréable aux films d'exorcisme.