À cette ère où les reprises et les suites manipulent les émotions et trafiquent les souvenirs, le retour sur grand écran de Mary Poppins ne surprend guère. Les fans inconditionnels de la nounou bienveillante au parapluie magique attendent ce deuxième opus avec autant d’excitation que d’appréhension. Toutefois, puisque la présente journaliste n’a pas grandi avec l’oeuvre de 1964, la nostalgie ne s’avère pas ici un facteur qui explique pourquoi le film de Rob Marshall, malgré quelques longueurs, constitue l’un des films familiaux les plus réjouissants et inspirants de la dernière année.
Le retour de Mary Poppins apporte une magie et une joie contagieuse qui arrivent à point dans cette période festive où il fait bon oublier le cynisme de notre société moderne. On s’entend, Disney ne transgresse pas sa formule éprouvée , mais le célèbre studio accouche d’un résultat d’une grande qualité tant au niveau visuel qu’au niveau de la distribution qui émerveilleront les petits comme les grands à des degrés différents. Des séquences colorées à saveur fantastique destinées uniquement aux enfants se glissent relativement fluidement à l’intérieur d’une trame narrative dont la prémisse est résolument mature. Les frimousses n’y verront que du feu alors que les adultes ne pourront résister à l’idée d’esquisser un sourire à la vue d’un dauphin dans une minuscule baignoire.
En pleine Grande Dépression, Mary Poppins (Emily Blunt), que le temps s’obstine à ne point vieillir, retrouve les enfants de la famille Banks, plus précisément Jane (Emily Mortimer) et son frère Michael (Ben Whishaw) qui, depuis qu’il est tragiquement devenu veuf, peine à conserver sa maison. Pendant qu’il tente désespérément de rétablir sa situation financière, Mary s’occupe d’insuffler à ses trois enfants le soupçon de magie nécessaire aux corvées de la vie quotidienne afin que les valeurs essentielles à inculquer soient amusantes.
Tout en assumant complètement son côté sucré hyper léché, le scénario parvient à véhiculer ses morales et bons sentiments sans étouffer le spectateur ou sous-estimer son intelligence. Bien sûr, l’oeuvre ne transcende pas tous les autres récits de gardiennage faits auparavant et ne justifie pas l’importance absolue de faire une suite, mais elle s’acquitte de ses tâches convenablement. Les créateurs ne cherchent pas à imiter le classique ou le surpasser, mais se concentrent plutôt à faire découvrir la franchise à une autre génération par le biais de technologies plus innovatrices et pertinentes. Le retour de Mary Poppins réussit ce défi haut la main même si une bonne demi-heure aurait pu être retranchée sans gâcher le fil de l’histoire.
Les effets spéciaux emballent. Le graphisme simpliste des dessins aurait facilement pu paraître bas de gamme et peu recherché, mais, au contraire, il séduit et se fond parfaitement à l’esprit du film tout en offrant un clin d’œil à l’original. Lors de la scène se déroulant dans le bol de porcelaine, les costumes de la réputée Sandy Powell impressionnent par leurs couleurs pastels et la véracité de leurs textures. Ils semblent véritablement dessinés sur les acteurs. Alors que les chorégraphies ne manquent pas de dynamisme, les paroles des chansons, quant à elles, n’offrent pas des métaphores très riches. On a beau être en présence d’un film pour jeunes enfants, on a déjà vu plus subtil et songé.
Pour les adultes ayant grandi avec Supercaligragilisticexpialidocious, le souvenir de Julie Andrews scintille encore trop fort pour qu’Emily Blunt le surclasse, mais force est de constater que la Britannique ne cède pas sous la pression du mythique personnage. L’actrice extrêmement talentueuse propose une Mary Poppins autoritaire mais délicieusement sarcastique. La classe et l’intransigeance avec lesquelles elle livre des répliques cinglantes frappent constamment la cible. Le non-verbal tout en retenu de Blunt dévoile l’affection sincère et l’inquiétude que cette gardienne dissimule si habilement. À ses côtés, Lin-Manuel Miranda, qui interprète Jack l’allumeur de réverbères, s’investit corps et âme mais le manque de profondeur du personnage lui nuit considérablement. Idem concernant Meryl Streep. Sa cousine Topsy s’avère flamboyante mais malheureusement si peu incontournable aux intrigues qu’on l’oublie rapidement. Les adorables marmailles se débrouillent à merveille, tout comme Ben Whishaw qui a la chance de montrer une belle partition tragi-comique.
Bref, grâce à son scénario bien ficelé, ses effets spéciaux saisissants et sa tête d’affiche resplendissante, Le retour de Mary Poppins permet à toute la famille d’être charmée et d’oublier la frénésie accaparante du temps des Fêtes pendant 130 minutes bien investies.
Ce film est à l’affiche depuis le 19 décembre 2018.
Crédits Photos : Disney