Adapté de la bande-dessinée Le bleu est la couleur la plus chaude de Julie Maroh, La vie d’Adèle est le récipiendaire de la Palme d’or du dernier Festival de Cannes. Le couronnement de ce long-métrage de 180 minutes n’a pas fait l’unanimité, notamment à cause des longues scènes sexuelles explicites qu’il contient. Il n‘en demeure pas moins que le dernier effort de Abdellatif Kechiche (La graine et le mulet) est une œuvre puissante et inoubliable poussant les limites du réalisme au cinéma à un autre niveau.
Le titre du film ne peut pas être plus représentatif. Pendant plus de trois heures, le spectateur s’immisce dans la vie d’Adèle (Adèle Exarchopoulos, La rafle), de son adolescence jusqu’à l’âge adulte. Il est témoin de ses premières relations sexuelles avec un garçon, de ses querelles avec ses amis et de ses questionnements sur son orientation sexuelle. Interrogations qui atteignent leur paroxysme lorsqu’elle croise le regard d’Emma (Léa Seydoux, Les adieux à la reine), une jeune adulte aux cheveux bleus qui termine ses études en Beaux-Arts. Entre les deux, le courant passe immédiatement. Lesbienne affirmée depuis très longtemps, Emma laisse à Adèle tout la lattitude dont celle-ci a besoin Adèle pour s’affirmer et s’épanouir pleinement.
Ce qui frappe le plus de La vie d’Adèle est la réalisation de Kechiche. Il dépeint avec une vérité sidérante le banal quotidien d’une adolescente qui se cherche. Grâce aux gros plans, aux couleurs (le bleu est omniprésent dans la plupart des scènes) et à la place immense accordée aux silences, le spectateur s’identifie instantanément à Adèle. Il est plongé dans son monde comme s’il la connaissait. Le spectateur se surprend même à considérer Adèle comme une amie. On comprend ses doutes, on ressent ses envies, on compatit avec ses peines. À un certain point, l’histoire d’Adèle devient la nôtre. Ce qui rend absolument bouleversant et presque intenable des scènes déchirantes et authentiques que tout spectateur a déjà vécues. Certes, les passages sexuels crus, surréaliste et longs (plus de onze minutes) risquent de choquer quelques puristes. Ceci étant dit, elles ne sont jamais gratuites et injustifiées.
Le scénario, également signé Kechiche, renforce ce sentiment de proximité que le spectateur développe envers Adèle. Les dialogues sont vrais, recherchés et hautement intéressants. Ils nous permettent de bien découvrir la psychologie des personnages principaux. Cependant, certains éléments de la trame narrative auraient gagné à être peaufinés, principalement ceux qui se retrouvent dans le deuxième chapitre du film. Plusieurs questionnements demeurent sans réponses. Est-ce Adèle a révélé sa véritable nature à sa famille? Est-ce que Emma a trompé son ancienne blonde avec Adèle? De plus, l’idylle entre Adèle et un collègue de travail semble inutilement plaquée et précipitée. En ce sens, quelques scènes trainent inutilement en longueur, alors que d’autres s’écoulent trop rapidement. D’accord, ces éléments ne sont pas essentiels au bon avancement du récit mais ils chicotent tout de même.
Les performances d’Exarchopoulos et Seydoux laissent sans voix. Elles s’abandonnent, autant au propre qu’au figuré, à leurs rôles. Elles deviennent carrément leurs personnages. Elles forment un couple attachant, déchirant, frustrant et enviable. Exarchopoulos est une véritable révélation. Gageons que le tandem sera récompensé au prochain gala des prix Césars, et ce serait plus que mérité.
Bref, La vie d’Adèle est un film qui ose et qui bouleverse les mentalités du spectateur en lui présentant une histoire vibrante sans faire usage d’artifices et de lamentables clichés. La caméra de Kechiche décèle avec un réalisme poignant le quotidien d’un couple lesbien qui s’affiche. Les interprètes sont extraordinaires. On peut déplorer certaines failles dans la trame narrative mais celles-ci n’entravent presque jamais le plaisir de dévorer ce chef d’œuvre cinématographique qui marque des jours et des jours après son visionnement.
Ce film est au cinéma depuis le 9 octobre 2013.
Crédit Photos : Métropole Films
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