Une trilogie qui s’achève, un univers qui tire à sa fin, un monde qui s’écroule. Au tout début, témoin d’une effervescence et d’une frénésie aussi gargantuesques entourant l’œuvre de E.L. James et ses adaptations cinématographiques qui allaient suivre, il était inévitablement dans ma nature d’essayer et de chercher à comprendre cette nouvelle tendance, aussi toxique soit-elle. Épris d’une certaine fascination, j’ai ensuite succombé à la tentation et pu enfin découvrir le tout premier volet de cette épopée amoureuse, et ce, malgré toute l’hésitation que j’avais et les mauvaises langues qui m’entouraient. Quelle surprise fut ma révélation : ridicule, ennuyant, désuet et surtout d’un sensuel banal et d’un sexy complètement aseptisé, cette histoire prétendument choquante et insolite n’était qu’un vulgaire feu de paille, qu’une éphémère bouffée de chaleur sensuelle aussi agréable que la ménopause de son public cible. Mais que pouvaient donc trouver tous ses admirateurs à cet univers si peu crédible et si peu envoûtant?
La suite des aventures de ce couple tumultueux et toxique prit alors l’affiche, sans que je l’attende vraiment. Ma curiosité devint alors un appétit, une avidité malsaine. Je me devais de le voir aussitôt, pour mieux défendre et ridiculiser la bêtise et la grossièreté dont cette franchise s’était presque volontairement affublée. Je n’avais point besoin de me forcer à trouver incohérences et idioties, elles m’étaient toutes offertes sur un plateau d’argent. Je n’en croyais pourtant pas mes yeux, comme si toute l’équipe derrière le film avait encore une fois baissé les bras devant ce naufrage malheureusement inévitable.
Le dernier volet est enfin annoncé, l’attente devenait de plus en plus insupportable, tant pour votre humble fossoyeur que pour les fans impatients à se faire réchauffer, un soir de semaine, leur libido et leurs nombreux rêves d’une vie superficiellement richissime. Le climax, la finale, l’orgasme à cette ultime histoire se devait d’être mémorable, pour les bonnes ou mauvaises raisons. Paradoxalement, l’espoir et l’optimisme avaient regagné mon cœur et j’avais le souhait non avoué qu’on me donne enfin tort, qu’on me donne enfin la fessée que je méritais depuis si longtemps à mon cynisme persistant. Je souhaitais alors le meilleur à tous ces techniciens, artistes et acteurs, je leur souhaitais un chant du cygne avant d’enterrer à jamais ce Roméo et Juliette des temps modernes.

«It’s boob in Boob-Land. It’s boobs as far as the eye can see»
Milles excuses pour ces préliminaires pompeux, bien que la série ne soit que ça, mais même si cette histoire ne se termine pas aussi fatalement que cette célèbre tragédie amoureuse, l’histoire d’Anastasia et Christan n’en demeure pas moins tragique. Trois films de plus ou moins deux heures pour en arriver à l’étrange harmonie et bonheur conjugal du couple le plus toxique depuis la création du syndrome de Stockholm. En plus d’un contrôle absolu sur sa vie sexuelle, sa carrière, ses pensées et sa garde-robe, Christian, qui fait passer Séraphin Poudrier pour un enfant de chœur, avait fait l’aveu à Ana qu’il l’aimait principalement pour sa ressemblance frappante à sa défunte mère, expliquant ainsi ses incontrôlables envies de violence et de domestication. Un mariage plus tard, quelques millions de dollars et quelques coups de bassin ici et là, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Alors que les deux premiers volets essayaient de prêcher la domination sexuelle et amoureuse consentante, le récit de Fifty Shades Freed tente de célébrer l’émancipation et l’indépendance de la femme (en s’inspirant davantage de Catalan que du mouvement #Metoo) de la manière la plus insignifiante et insultante possible. De quoi Anastasia est-elle réellement « freed » dans ce film? D’un steak, d’une voiture et d’une coupe de cheveux, rien de moins!
Les habituels dialogues sirupeux, incohérences, coïncidences et clichés empestent le film, mais permettent au moins de faire rire les quelques hérétiques victimes d’un affreux compromis amoureux qui auront visionné ledit film. Si Fifty Shades Freed et ses précurseurs demeurent fondamentalement médiocres et maladroits, ils sont particulièrement et fatalement ennuyeux. Comme une série de coïts interrompus, les mœurs du couple ne laissent aucune place aux autres intrigues. Malheureusement, ou bien heureusement, Freed est fort probablement celui qui ressemble le plus à un véritable film pornographique; tout n’est que prétexte ou préliminaire à la baise, aux mamours et aux bisous langoureux. Véritablement, cet ultime volet n’est que le récit d’un nouveau couple marié pris entre des vacances aux quatre coins du globe et les ennuyantes routines et obligations conjugales qu’il a à subir.
Pour le reste, il s’agit de faire redescendre la pression, après une tresse, une collation de fin de soirée ou une simple poursuite automobile. Les antagonistes et leurs plans machiavéliques deviennent alors aussi accessoires que dérisoires tant ils ne créent aucune répercussion sur le couple chéri et leur famille (j’aurais tant aimé que les vacances de la famille Grey dans un chalet à Aspen se transforment en slasher des plus sanglants). En effet, dès qu’un nouvel indice ou qu’une soudaine péripétie survient, les milliardaires amoureux visiblement plus excités qu’apeurés retournent naïvement se péter les cennes pour le meilleur et pour le pire. Il y a bien sûr, à la toute fin une certaine tension dramatique, lorsque Anastasia doit sauver des griffes de l’infâme Jack Hyde la vie d’un personnage dont le nom, la personnalité et le rôle m’échappent complètement. Évidemment, le tout se termine de la manière la plus confuse et rapide possible, entre quelques enveloppes magiques et raccourcis scénaristiques, pour retourner le plus hâtivement possible vers nos deux héros en pâmoison.
Malgré le budget investi, dans les multiples destinations voyages et les trop nombreux ensembles que porteront Barbie et Ken, le troisième volet de cette saga ressemble en qualité au plus mauvais des épisodes des Feux de l’amour, l’amour propre en moins. Cette courte et embryonnaire histoire d’amour entre cette assistante et ce garde du corps sans personnalité demeure le moment le plus intéressant du film (à part peut-être celui où Anastasia fait semblant d’utiliser une tablette qui ne fonctionne plus), mais force est d’admettre que l’épilogue, un pseudo-montage nostalgique des moments les plus mielleux du premier et deuxième film, ainsi que du film que nous venons tout juste de voir, s’avère l’ultime cerise sur le sundae de crème glacée à la vanille. Au final, la vie des gens riches et célèbres et le pouvoir économique de gaspiller de la Ben & Jerry’ s s’avèrent les seules choses de ce film qui donnent envie de rêver.
Et même si au moins, le réalisateur James Foley avait pu réparer les pots cassés, entre ce couple d’acteurs manifestement ennuyés et non consentants, ces producteurs musicaux aux dents acérés sur l’omniprésente promotion de leur single à numéro et le protectionnisme sauvage de l’auteur E.L. James envers le contenu de ses propres livres (la seule et véritable histoire d’amour de ce film finalement), Fifty Shades of Grey n’aurait pu dépasser les limites et simples nuances de cette histoire rétrograde et ridicule écrite sur le BlackBerry d’une adepte de vampires et de romances. Définitivement, E.L. James et son mari Niall Leonard demeurent les véritables Disaster Artist du 21e siècle, mais dont le public a pourtant pris au sérieux…
En salle depuis le 9 février 2018
Crédit Photos : Universal Pictures
Le sexe, aussi aseptisé qu'un cours de biologie et aussi sexy que le son des criquets à OD la Nuit. Que des tétines et du cuir, Fifty Shades Freed est le Batman & Robin du thriller romantique. Libéré, délivré; ce cauchemar éveillé est enfin terminé. Enfin, d'ici l'adaptation de Fifty Shades of Grey as told by Christian.