THE WRETCHED
The Wretched, réalisé par Drew T. Pierce et Brett Pierce, était l’un des titres les plus convoités cette année à Fantasia. Le film raconte l’histoire de Ben (Jean-Paul Howard), un jeune homme de dix-sept ans au passé trouble qui visite son père (Jamison Jones) pendant l’été pour la première fois depuis que celui-ci ne vit plus avec sa mère et lui. De plus, Ben n’est pas trop habitué à la vie en campagne. Ainsi, le jeune homme accepte de travailler à la marina de son père et tente du même coup de se faire des amis pour mieux profiter de son été. Toutefois, plus les jours passent, plus Ben est témoin de phénomènes étranges qui le pousseront à croire qu’un être sinistre rôde dans les parages. À un moment donné, il découvrira que ces phénomènes sont causés par une sorcière vieille de mille ans qui vit en cachette dans les bois.
Sur le plan narratif, le nouveau film des frères Pierce ne réinvente pas la roue. La plupart des revirements de situations sont prévisibles. L’histoire est un peu trop clichée et nous fait parfois rouler des yeux. Certains personnages centraux ne parviennent pas toujours à être attachants. Le film aurait gagné à être une œuvre beaucoup plus effrayante, et surtout plus mature. Malgré tout cela, The Wretched demeure un film captivant. Que ce soit lorsque l’on voit cette fameuse sorcière sortir lentement d’une carcasse de cerf, ou encore quand elle tente de se cacher sous les corps de ses victimes, les scènes du film qui mettent en vedette cette force malveillante demeurent remarquables tant pour leur mise en scène que pour la manière dont elles ont été créées. Car il semble, en effet, que la majorité des effets spéciaux de cette œuvre ont été conçus de façon « pratique ». Aussi, les multiples scènes de violence horrifiantes sont en général juste assez graphiques pour parvenir à divertir une foule de fans assoiffés de cinéma d’horreur.
Ceux qui pourront oublier le manque d’originalité du scénario réussiront tout de même à avoir beaucoup de plaisir en regardant The Wretched, car le film est indéniablement réussi sur le plan technique, et la créature folklorique mise de l’avant dans son histoire demeure de loin l’élément le plus intéressant de ce dernier.
Critique rédigée par Gabriel Miron
KILLERMAN
Killerman, le plus récent film du cinéaste américain Malik Bader, nous plonge dans la vie de Moe (Liam Hemsworth) et Skunk (Emory Cohen), un duo travaillant pour le compte d’un important caïd, Perico (Zlatko Buric), dans la contrebande d’or et du blanchiment d’argent à Manhattan. Un jour, les deux amis en ont marre de s’occuper des petites emplettes de leur patron. Ils décident alors de participer à une transaction de drogue afin d’empocher assez d’argent pour pouvoir quitter la ville et commencer leur propre réseau de distribution.
Toutefois, les choses ne se déroulent évidemment pas comme prévu. En effet, Moe et Skunk deviennent les nouvelles cibles d’un groupe de policiers corrompus. Et, à la suite d’une dangereuse poursuite automobile, Moe perd la mémoire dans un violent accident. Ainsi, que ce soit à cause des gangsters qu’il a essayé de flouer, ou bien des flics qui sont à ses trousses, Moe sera littéralement plongé dans un cauchemar dans lequel il devra commettre l’impossible pour survivre lui et son ami Skunk.
Cette idée de rendre le personnage de Moe amnésique rend non seulement l’histoire de Killerman plus intéressante, mais elle nous force à partager le point de vue de son héros. Dès lors, comme lui, nous découvrons petit à petit la face cachée du monde dans lequel il trempait avant son accident, et nous apprenons lentement à qui l’on devrait faire confiance. Car en fait, même si Skunk agit parfois comme un véritable connard, on ne peut s’empêcher d’être touché par le lien d’amitié qu’il s’efforce d’établir à l’endroit de Moe pour gagner sa confiance. De plus, la plupart des scènes d’action sont encore plus intenses et plus violentes puisque l’on suit le point de vue de Moe, et que ce dernier se défend et tue ses opposants comme si c’était la première fois qu’il se servait d’une arme ou de ses poings.
Mais la plus grande force du film de Malik Bader, hormis sa trame musicale et son montage sonore remarquables, c’est sa distribution d’acteurs! Et même si Liam Hemsworth parvient à nous livrer une performance tout à fait convaincante, ce sont surtout Emory Cohen et Zlatko Buric qui réussissent à nous surprendre. Les scènes qu’ils partagent ensemble sont les plus mémorables du film, mais aussi les plus intéressantes à suivre sur le plan dramatique. On sent vraiment une excellente chimie entre les deux acteurs. Voilà pourquoi leurs personnages sont les plus authentiques de Killerman, mais aussi les plus captivants. Dans le cas d’Emory Cohen, que l’on a pu voir l’an dernier dans Lords of Chaos (2018), il ne serait pas surprenant que son nom vienne de plus en plus s’ajouter à des productions américaines dans les années à venir.
Si l’on oublie son scénario abordant plusieurs éléments surutilisés dans les films d’action américain, Killerman est certainement une œuvre à ne pas manquer, notamment pour les performances mémorables de plusieurs membres de sa distribution, et pour le souci du détail derrière la mise en image de l’univers cruel et violent du trafic de drogue et du blanchiment d’argent de New York.
Critique rédigée par Gabriel Miron
DANCE WITH ME
Shizuka (Ayaka Miyoshi), une jeune femme travaillant dans une grande société financière visite un ancien hypnotiseur renommé dans le but d’aider sa nièce. Celle-ci a besoin d’acquérir de la confiance en elle pour interpréter un rôle qu’elle a obtenu dans la comédie musicale de son école. Et, à la grande surprise de tous, le tour de magie fonctionne! Toutefois, c’est Shizuka qui est accidentellement hypnotisée, et non sa nièce. Ainsi, à partir de ce moment-là, la jeune femme entre dans une sorte de transe et se met à chanter et à danser chaque fois qu’elle entend de la musique, une chanson à la radio, des paroles fredonnées à voix haute, ou même une sonnerie de cellulaire. En fait, c’est comme si elle était directement plongée dans une comédie musicale, peu importe la situation dans laquelle elle se retrouve. Pour mettre fin à cette situation totalement farfelue, Shizuka se lancera alors à la recherche de celui qui l’a hypnotisée, et sera forcée de partir en Road trip pour y parvenir. Il s’avère, en effet, que ce charlatan fait une tournée de spectacles dans plusieurs autres villes japonaises.
Même si la prémisse de Dance With Me se révèle assez loufoque, le film de Shinobu Yaguchi demeure certainement l’un des plus divertissants de l’année. Son concept de se moquer des comédies musicales en nous montrant à quel point Shizuka peut être déconnectée de la réalité quand elle se met à performer comme si elle était sur Broadway, rend vraiment chacun de ces « moments de folie » très drôles et tout à fait mémorables. Quand on pense à la fameuse scène où elle détruit littéralement tout son environnement de travail après avoir entendu un jingle issu d’une importante présentation PowerPoint lors à ses patrons, celle-ci ne représente qu’une l’une des nombreuses séquences où Dance With Me parvient à nous séduire et à nous immerger dans son histoire éclatée et originale. Son scénario propose également une multitude de personnages secondaires tous aussi colorés les uns que les autres. Qu’il s’agisse du fameux charlatan, de son ex-assistante, ou encore d’une chanteuse de mariage complètement timbrée, ces derniers réussissent à susciter autant d’intérêt que l’actrice principale. Au final, le nouveau film de Shinobu Yaguchi est certainement l’une des « comédies musicales » les plus originales et rafraîchissantes parues sur le grand écran depuis très longtemps.
Critique rédigée par Gabriel Miron
Bliss est sans aucun doute le long-métrage le plus éclaté sur les plans narratif et visuel de cette édition de Fantasia! Le film de Joe Begos raconte l’histoire de Dezzy (Dora Madison), une artiste peintre qui peine à payer son loyer, qui se fait abandonner par son agent, qui tente en même temps de maintenir sa sobriété, et qui souffre d’un important problème de créativité. Toutefois, après une nuit de fête complètement démente au cours de laquelle se mélangent sexe, drogue et rock’n’roll, la vie de Dezzy prend une étrange tournure lorsque celle-ci entame la création d’une nouvelle œuvre d’art et… développe une soudaine soif pour le sang et la chair humaine. Pour comprendre ce qui lui arrive, l’artiste retourne auprès de ceux avec qui elle a fait la fête et apprend que ces derniers l’ont transformée en rien de moins qu’une vampire! La « nouvelle » Dezzy sera donc littéralement plongée dans un monde où l’abus de substances chimiques, les soirées endiablées et les forces ténébreuses règnent en maîtres.
Bien que Bliss s’avère une œuvre relativement simple quant à sa trame narrative, on ne peut s’empêcher d’être totalement envoûté par sa mise en scène et son récit qui aborde un thème important : le côté parfois sombre derrière la création artistique. Aussi, que ce soit par sa direction photo alléchante, sa trame sonore débordante de musique trash-métal, ou les scènes de violence extrême et d’hallucinations, Joe Begos arrive parfaitement à nous plonger dans un monde dans lequel on a l’impression de vivre le même trip que son héroïne. Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si le cinéaste américain a dit s’être inspiré des œuvres de Gaspar Noé, de Daron Aronofsky et d’Abel Ferrara, lors de la période de questions qui a suivi le visionnement.
Ainsi, si certains croyaient être servis l’an dernier avec le très étrange Mandy (2018) de Panos Cosmatos, quelque chose d’encore bien plus cinglé nous attend avec Bliss. Des lumières stroboscopiques, de la musique assourdissante, des vampires toujours sur le mode « party » et assoiffés de sang, des effets spéciaux et visuels totalement éclatés, une mise en scène rocambolesque et, bien sûr, une performance haute en couleur de la part de Dora Madison. Tout est là pour que Joe Begos réussisse à faire fondre votre cerveau avec Bliss.
Critique rédigée par Gabriel Miron
EXTRA ORDINARY
Comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de fantômes qui se manifestent dans notre quotidien? À l’exception de claquer des portes et de faire grincer les maisons, que font réellement les spectres de leur vie? Ont-ils autres desseins que de faire peur? Et pourquoi agissent-ils ainsi? Enfin, ont-ils des émotions? Contre toute attente, ceci n’est pas la prémisse d’un nouveau film de Pixar, mais bien celle de Extra Ordinary, le tout premier film de Mike Ahern et Enda Loughman. Selon eux, les fantômes vivraient des vies plus qu’ordinaires et se cacheraient surtout dans les petites et simples choses de la vie ; dans les corneilles, les poubelles, les intolérances au lactose et même les grille-pains. Décidément, avec Extra Ordinary, vaut mieux rire de la mort que pleurer.
Depuis sa tendre enfance, Rose (Maeve Higgins) assiste son père à travers les incidents paranormaux qui se déroule en Irlande alors qu’ils tentent de répertorier différents fantômes et autres phénomènes surnaturels tout en chassant les spectres trop envahissants du voisinage. Malheureusement, à la suite d’un incident canin et meurtrier qui lui enlèvera son père, Rose se jura de ne plus jamais chasser les fantômes. Éternels détracteurs de chasseurs de fantômes féminins, ne vous réjouissez pas trop vite, car Rose pourrait bien décider de reprendre du service au moment où plusieurs événements mystérieux se dérouleront dans son propre village. Si ce n’est pas quelques sacrifices humains d’un chanteur de pomme (Will Forte), une femme décédée complètement jalouse ou un chevreuil empaillé qui pleure du 7-Up, ce sera peut-être l’amour qui poussera Rose à renouer avec son ancienne vocation.
Si ce film d’épouvante parodique a la surprenante habileté à mélanger différents genres cinématographiques même s’il ne les assume pas tous autant parfaitement, c’est réellement grâce à son humour décalé qu’il réussit à surprendre. Malgré plusieurs clichés un peu redondants, Extra Ordinary déjoue souvent les attentes grâce à son mélange d’humour noir, d’absurde, de blagues peut-être un peu trop puériles et de références plus ou moins ironiques au genre (The Exorcist, Ghostbuster et compagnie). Même si l’on oublie les accents irlandais et anglais du film, la comparaison avec certaines œuvres de Taika Waititi demeure inévitable, surtout avec What we do in the Shadows où l’absurde rencontrait à merveille le paranormal et le banal. Malheureusement, à force de vouloir forcer un rire à chaque instant, Extra Ordinary priorise tellement l’humour dans son récit, en plus de ne pas être constamment efficace, qu’il finit par le faire complètement aux dépens de son histoire ou de ses personnages. On finit par penser aux meilleurs comme aux pires des Scary Movie alors que le tout devient inévitablement plus aussi intriguant et captivant malgré l’excellente réalisation de Ahern et Loughman qui réussit à élever le film surtout dans ses moments plus paranormaux et poétiques.
Malgré tout, l’histoire contient tout de même quelques scènes plus que mémorables, notamment grâce au grand talent et à l’énergie contagieuse des acteurs. Will Forte (SNL, Booksmart, The Last Man on Earth) prend manifestement beaucoup de laisir à jouer ce genre de Gouri Glogenflobish du paranormal plus grand que nature, mais Maeve Higgins (une humoriste irlandaise à surveiller) demeure la plus grande surprise du film dans le rôle de Rose grâce à son charme absolument authentique qui rend son personnage pathétiquement hilarant et simplement attachant. Bien qu’un peu forcée et accessoire, la courte romance entre Rose et Martin (Barry Ward) devient le nœud du récit, mais surtout le prétexte à une finale aussi désopilante que ‘’romantique’’. Du moins, si le désir ardent et l’appétence sexuelle sont moins importants pour vous que la survie de l’être cher.
Force est d’admettre que malgré les simplicités et paresses du scénario et l’humour un peu excessif de Extra Ordinary, Mike Ahern et Enda Loughman ont réussi admirablement à rendre la mort beaucoup plus amusante que d’ordinaire.
Critique rédigée par Michael Blouin
Le festival Fantasia se poursuit jusqu’au 1 août. Revenez-nous pour notre couverture de la troisième semaine!
Au menu: Ready or Not, American Fighter, Aquaslash, The Lodge, et plusieurs autres.
Crédit photos/vidéos: Fantasia, IMDB