L’excellent Monsieur Lazhar de Philippe Falardeau tenait le flambeau du Québec et portait espoir de ramener l’oscar du meilleur film en langue étrangère. Malheureusement, le sort n’en fut pas ainsi. Un autre film se mérita le trophée. Une séparation, écrit, produit et réalisé par l’Iranien Asghar Farhadi, est un film fascinant qui implique et affecte moralement sur la justice et le mensonge.
Tout commence en Iran lorsqu’un couple tente de divorcer. La femme veut amener sa fille à l’extérieur du pays pour jouir d’un futur prospère, mais le mari ne veut aucunement la laisser partir. La femme le quitte sans sa fille le laissant au dépourvu. Dans son appartement, Nader (Peyman Maadi) vit maintenant avec sa fille ainsi que son père malade atteint d’Alzheimer. N’ayant plus sa femme pour surveiller son père, il doit engager une aide-soignante, Razieh (Sareh Bayat). Le paysage étant établi, l’histoire devient alors un imbroglio intense. Nader retrouve son père enfermé seul et souffrant sur le plancher. Il est pris de panique et s’aperçoit qu’on lui a volé de l’argent. Il crie alors au crime, lorsque Razieh refait surface dans l’appartement comme si rien ne s’était passé. Nader la pousse alors sauvagement de l’appartement et referme sans regarder. Razieh est hospitalisé et accuse Nader de violence et de fausses accusations. L’histoire se continue immanquablement en justice.
Chacun a sa version des faits et le réalisateur réussit à nous faire croire en chaque personnage. Nader accuse Razieh de vol et d’avoir maltraité son père; Razieh et son mari sont furieux contre les lenteurs du système judiciaire et contre tous les propos de Nader. Tout au long du film, chaque personnage est critiqué de mentir. Si bien, que l’on ne sait plus qui croire. Les révélations explosent à tout moment et nos perceptions ainsi que nos questionnements ne font que changer. Une Séparation réussi habilement à nous faire questionner sur l’intrigue et sur chaque personnage. On est impliqué moralement et émotionnellement tant le doute est présent tout au long du visionnement. La religion et l’honneur, étant très forts dans ce pays, ajoutent à la puissance dramatique du récit. Le plaisir du long métrage réside dans la surprise de la découverte du réel problème et de ses vérités et mensonges. Le dénouement final est d’autant plus jouissif.
Malgré la religion, l’exotisme de l’Iran, son paysage et toutes ses coutumes, l’histoire et les thèmes abordés sont extrêmement universels. Le drame étant très humain, il n’est pas conseillé d’avoir lu un livre sur la politique de l’Iran ou sur son histoire pour le comprendre. Le doublage français est très bien fait rendant l’expérience presque parfaite ne nous obligeant pas à écouter le film dans sa version originale avec sous-titres.
Avec une histoire aussi touchante, il aurait été facile de tomber dans la surabondance de bons sentiments. Heureusement, Asghar Farhadi nous livre un film merveilleusement bien réalisé, très naturel et authentique. Les acteurs, du plus jeune au plus vieux, sont tous talentueux et bien dirigés. Aucun acteur connu n’est dans le film le rendant beaucoup plus personnel et vraisemblable.
Sans révolutionner le genre, on ne peut sortir du visionnement qu’extrêmement touché et fasciné par ce générique de fin qui nous tient jusqu’à la dernière seconde. Un chef-d’oeuvre complexe et réfléchi où la séparation n’est que l’étincelle qui provoque l’explosion d’un problème beaucoup plus grand.
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