Chan-Wook Park s’est remis au travail et a nommé sa nouvelle oeuvre Stoker. Cette même oeuvre m’intriguait. J’avais lu à son sujet, m’y était attardée, mais toujours, elle me laissait dans le doute. Je ne savais tout simplement pas à quoi m’attendre. Et j’ai été agréablement surprise.
La montée d’une araignée contre une jambe frêle, des murmures interrompus: rien n’échappe à India, cette jeune femme bientôt adulte et profondément affectée par le subit décès de son père. L’oreille de cette dernière est aiguisée, au même titre que son avenir, sur le point d’être lourdement chamboulé. Trois coups à la porte introduisent dans la vie d’India et sa mère un oncle Charlie dont elles n’avaient jamais entendu parler. Un frère qui ne s’était jamais présenté pour les festivités de Noël ou pour chaque anniversaire mais qui, et c’est ce qu’elles sont sur le point de découvrir, a toujours été plus que présent dans leurs vies.
Les sons, dans ce long métrage, sont durs et présents, parfois accompagnés d’un arrêt sur image, parfois plongés dans un univers où s’enchainent sans arrêt des plans nés de beauté, de talent, de passion et de précision. Les ellipses, les transitions, les mouvements de la caméra sont autant de choses que Park travaille et raffine dans Stoker, y prenant sa place et y déposant, du même coup, une délicate signature.
Le travail de lumière, dans ce film, mérite une mention spéciale. Le clair et l’obscure composent de magnifiques contrastes qui savent émerveiller l’oeil sans jamais se risquer à le lasser. Le cinéma rencontre la peinture dans une de ses plus remarquables formes, la module et l’exploite pour offrir des ambiances, des tons et des rythmes toujours particuliers.
Les trois acteurs principaux forment un trio dépareillé mais uni par une ressemblance puissante: le grand talent qui émane d’eux. Nicole Kidman sait se faire horrifiante comme nul autre ne sait le faire, perçant de ses yeux trop bleus tout ce qui croise son regard.
Sa perle rare, distante et interprétée par Mia Wasikowska, est une bombe sur le point d’exploser. Ses gestes ne sont jamais banaux. Elle est à l’affut, constamment, sur le point de s’en prendre à quelqu’un. Elle est une chasseuse dans l’âme mais est animale face à tout ce qui l’entoure.
Et il reste Charlie. Il est, quant à lui et interprété par Matthew Goode, d’une emprise féroce. Il est un poison strident. Il s’infiltre et s’impose, affichant un sourire faussement sincère et choisissant pour proies mère et fille, alourdies par le deuil.
Alors que les relations ficelées au coeur de ce trio sont violemment soudées, il en d’autres, beaucoup plus secondaires, dont la provenance est mystérieuse et bat de l’aile. India rencontre certaines personnes et agit avec elles de manière à laisser fortement perplexe. Comme si pour permettre à ce personnage d’exister, on avait eu besoin de lui inventer un cercle social extérieur au trio duquel elle est partie intégrante. Ça n’a pour effet que d’amplifier l’impression de vide qu’on semble avoir tenté de camoufler au sein même du scénario. C’est là le point faible de Stoker, mais ça se veut le seul.
Outre cet aspect, ce long métrage est composé d’une histoire solide, qui s’éloigne des idées que j’avais jusqu’alors à son sujet. C’est très près du drame hitchcockien. Une maitrise très juste des règles cinématographiques anime le tout et le perfectionne.
Stoker est une oeuvre unique, juste et travaillée. C’est un suspense dans les règles, quoique remaniées et adaptées grâce à la main délicate d’un réalisateur ambitieux.
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