Présenté et applaudi en grande première dans la section Un Certain Regard au prestigieux Festival du Film de Cannes, le premier long métrage de Chloé Robichaud s’est fait attendre avec beaucoup d’impatience pour finalement arrivé au pas de course dans les salles obscures de la province. Sarah préfère la course mérite-t-il tout cet engouement qui l’entoure? Le nouveau film mettant en vedette Sophie Desmarais n’aura peut-être pas la première place dans votre cœur, mais figura sans doute au panthéon des meilleurs œuvres québécoises de l’année.
Le titre ne peut pas plus être explicite, Sarah est une jeune athlète de course de demi-fond qui base sa vie, son avenir et ses émotions (un tant soit peu) sur la course. Elle le fait pour la beauté du geste, du sport, et non pour le prestige que peuvent apporté les médailles et les podiums. On lui offre alors une place dans le meilleur club d’athlétisme universitaire de la province, loin de sa banlieue natale. Connaissant les couts et les risques de ses choix, Sarah quitte tout de même pour la ville, en compagnie de son ami Antoine.
Choix économique ou sentimental, Antoine lui offre alors de se marier, question de toucher de meilleurs prêts et bourses du gouvernement. Malheureusement, le mariage ne sera pas ce qu’ils espéraient. Étant constamment en remise en question de ses désirs conscients et inconscients, elle ne veut faire de mal à personne par ses choix, mais malheureusement, Sarah préfère la course.
Chloé Robichaud détient une feuille de route impressionnante en obtenant pour la deuxième fois une place dans la sélection officielle du Festival de Cannes (Chef de meute en 2012). Son premier film se veut une œuvre personnelle d’une modestie et d’une subtilité audacieuse. Sarah préfère la course se veut autre chose qu’un film de sport conventionnel où l’héroïne en question doit constamment se dépasser et où la réussite est primordiale. Dans une mise en scène qui prône avant tout le comédien et le jeu réaliste, le scénario dépeint la vie de la jeune Sarah, personnage timide et très peu excentrique, voire opaque et impénétrable aux yeux de sa famille et collègues de course.
Malheureusement, il est presque de même pour le public. On s’attache bel et bien à ce personnage apathique, mais malheureusement, on se sent peu complice de ses émotions. Et la chose était primordiale dans ce genre de drame psychologique où l’émotion et les rapports humains sont vainqueurs. Le récit se veut alors relativement froid et lourd, malgré quelques touches d’humour et d’ironie saupoudrés dans les dialogues, rares, mais riches de sens.
Pourtant, si le scénario accorde parfois trop d’importance à l’entourage de Sarah, les moments de grâce du film sont davantage centrés sur son personnage. La réalisation de Robichaud y étant pour beaucoup, offrant une symbiose presque parfaite entre la caméra et l’actrice Sophie Desmarais. Chacun de ses plans est minutieux et travaillé et s’harmonise judicieusement avec la direction photo grisâtre de Jessica Lee Gagné. Les séquences de course sont belles et hypnotisantes, mais deux séquences retiennent particulièrement notre attention. La scène d’amour entre Sarah et Antoine dans la cuisine est touchante malgré le malaise qui plane, et la séquence où Sarah s’émeut aux larmes devant la talentueuse Geneviève Boivin-Roussy qui chante Un jour, il viendra mon amour est tout simplement magnifique.
La distribution entière est impeccable, mais le véritable tour de force s’avère Sophie Desmarais, qui a obtenu le rôle sans audition. Et on comprend vite pourquoi. D’une force tranquille, au regard impénétrable, son jeu est d’une nuance et d’une vérité déconcertante. Jean-Sébastien Courchesne, avec qui elle partage ce mariage impulsif s’avère aussi touchant d’éloquence. La direction d’acteur de Chloé Robichaud y est sans doute pour beaucoup.
La première proposition cinématographique de Chloé Robichaud est loin d’être un faux départ pour cette réalisatrice plus que prometteuse. Une réalisation aussi maitrisée et une direction d’acteur de ce calibre risquent de la propulser à nouveau sur les podiums québécois et internationaux. On attend donc impatiemment son prochain long-métrage, Pays, qui explore la vie de politiciennes, qui on le souhaite, risque de dépasser encore plus loin ce que Sarah préfère la course propose.
En salles le 7 Juin
Crédit Photo et Vidéo : Les Films Seville
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