La caméra a ce pouvoir magique de faire découvrir et de se déplacer, d’une époque à l’autre, d’une réalité à une nouvelle dimension et d’un univers dont on connait tout à celui qui nous est d’un inconnu inquiétant. Voici donc aujourd’hui un voyage au début du siècle dernier, dans un monde de couleurs, d’apparences et de tissus dont l’unique but est celui de charmer. Le tout, découvert par l’entremise des Mémoires d’une geisha.
Production américaine, ce n’est pas sans talent que ce film revisite le cinéma japonais et lui emprunte ses attributs principaux, question de créer une oeuvre à l’intérêt grandiose. De magnifiques travellings, des panoramas à couper le souffle, et, toujours, cette intention de créer dans chaque plan ce petit quelque chose qui prend aux tripes, qui impressionne et qui rend la beauté elle-même un peu timide. N’est-ce pas là, d’ailleurs, la mission première d’une geisha?
L’histoire est chamboulante parce qu’elle est celle de tous ces visages poudrés, vus et revus à la télévision sans jamais n’être vraiment découverts ou compris. Ils sont évoqués sous celui de Chiyo, vendue par ses parents dans le but de se ranger dans les lignes de l’histoire et de devenir une de ces beautés irrévocables. Son visage oublie peu à peu les souffrances qui le couvrirent un jour de larmes pour laisser place à ces sourires charmeurs aux lèvres d’un rouge puissant. Sa reconnaissance tient en ce regard qu’elle porte avec grâce, et la jeune fille blessée apprend bien vite et bien malgré elle que sa destinée tient en un hasard qui lui échappe.
Bien que ramené sur le plan personnel, Mémoires d’une geisha est un rapport étudié, documenté et savamment représenté d’une réalité particulière dont les attributs nous échappent sans le moindre doute. C’est l’histoire de milliers de femmes, orphelines, souvent esclaves, auxquelles le respect attribué n’est comparable à rien et dont le bonheur reste toujours un peu hors d’atteinte, comme s’il les devançait sans arrêt d’un pas ou deux.
Le film est une belle et grande danse, entre joies et peines, où les talents de la petite Chiyo se forment au fur et à mesure que la musique avance. Ses secrets sont soufflés au spectateur de manière à l’inclure dans ce monde qui n’est pas le sien, et ses aventures, souvent mésaventures, sont présentées à l’écran avec brio par les deux actrices qui s’offrent tour à tour pour donner vie à ce personnage.
C’est à une dure réalité que vous serez confronté tout au long de ce long métrage: cette jeune femme, applaudie pour sa beauté, camoufle à chaque coup de poudre blanche sa propre personnalité, ses propres opinions, sentiments et impressions. Une fois les perles justement placées contre ses cheveux, elle ne s’appartient plus réellement. Elle est au service de celui qui souhaite sa présence à ses côtés, ses danses magnifiques que pour lui et ses sourires à son honneur. Elle est, au fond, l’artiste d’un monde qui n’existe pas vraiment.
Enfin, à moins de porter en vous une force incroyable qui vous oblige à ne pas vous attendrir devant l’un de ces bijoux du cinéma, c’est par une immersion totale que vous découvrirez cet univers de tissus délicats et de tendresse retenue. C’est un titre à inscrire sur votre liste des essentiels. Tout de suite.
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