Un monde parallèle au nôtre, où rien n’est beau ni apprécié. Voilà ce que propose Patrice Leconte dans son nouveau long-métrage, Le Magasin des suicides. Un monde où les oiseaux crient au lieu de chanter et où la mort, qui prime sur la vie, est source de grands profits.
Tout de suite, c’est le style qui surprend. L’art 2D est mis en évidence, et on se croirait plongé dans une très belle bande-dessinée, laquelle se lit au fur et à mesure que défilent devant nos yeux chacun des mouvements irréguliers qu’elle propose. Du ciel tombent des hommes désolés et de la voie publique sont retirés les corps qui gisent comme des mouches. C’est d’une grande vulgarité, vous et moi ne pouvons qu’être d’accord. Voilà que pour combattre toute cette ingratitude et ce manque de propreté, la famille Tuvache offre à prix fort plus de classe et de subtilité: elle est la fière propriétaire du Magasin des suicides et perçoit ces derniers comme une forme d’art on ne peut plus sophistiquée.
Alors que le désespoir des uns compose la fortune des Tuvache, voilà qu’un grand drame s’abat sur la famille: ils mettent au monde un garçon tout ce qu’il y a de plus souriant et joyeux. Le poupon devient alors une grande menace pour le chiffre de ventes, égayant tout ce qui l’entoure. Cette forme de dualité devient rapidement la principale intrigue du scénario, opposant entre eux différents concepts et nourrissant le film de manière à en faire une oeuvre se voulant source de réflexion au fur et à mesure que s’enchainent entre elles les aberrations qu’elle met en scène.
De manière ironique et dans cette même ligne de pensée, le seul environnement coloré et joyeux est le magasin lui-même. Tout le reste de la ville, à l’image de ses habitants, est sale et dénué de la plus subtile présence d’un mince sourire.
Malheureusement, le scénario, morbide à souhait, est entrecoupé à plusieurs reprises par différents chants. Bien qu’ils soient écrits en prose et d’une plume particulière et intéressante, ils nuisent au rythme et à l’ambiance pourtant tous deux bien instaurés. Leur utilité s’est inscrite comme moindre en ce qui me concerne, jurant avec tout le reste qui demeure d’une grande ingéniosité.
Le Magasin des suicides, c’est la preuve formelle qu’il ne faut pas se fier aux premières impressions. Alors que l’univers visuel propose celui d’un film pour enfants, son propos et la violence qui le compose s’en dérogent de manière on ne peut plus drastique. Les scènes y sont explicites et durement présentées, ne se voilant jamais et proposant sans arrêt des séquences dures et porteuses d’un lourd message. À de nombreuses reprises, ça se veut réellement difficile à supporter.
Enfin, malgré ses quelques manques au niveau du rythme, ce film se fait un véritable bijou pour les cinéphiles en quête de nouveauté et d’étrangeté. C’est une ambiance nouvelle, presque littéraire, et même si ça se veut bien sombre, on y trouve une certaine brise plutôt rafraichissante. À voir avec un oeil critique et juste assez d’ouverture d’esprit pour trouver le courage de cogner à la porte de cette boutique on ne peut plus surprenante!
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