C’est en 1947 que l’explorateur norvégien Thor Heyerdahl, en compagnie de cinq braves volontaires, traversa l’océan Pacifique à bord d’un radeau précaire. Pourquoi tenter un tel exploit? En fait, le but d’une telle mission suicide fut de prouver à la communauté scientifique de l’époque que la population sud-américaine précolombienne avait été dans la capacité de se rendre dans les îles de la Polynésie avant les célèbres conquérants français. L’expérience d’Heyerdhal allait changer les plus grandes théories jusqu’ici incontestées, faisant de ce chercheur une icône.
Cette histoire, malgré son caractère invraisemblable et héroïque, est tout à fait vraie. Et c’est en 2012, plus de cinquante ans après l’exploit, que les réalisateurs norvégiens Joachim Ronning et Espen Sandberg (aussi connus pour leur Opération Sabotage) eurent l’idée de faire de ce fait historique un film. Cette œuvre, Kon-Tiki, eut tant de succès qu’elle fut en lice aux Oscar pour le prix du meilleur film étranger. Voici donc pourquoi ce film norvégien a tant fait jaser.
C’est donc Pal Sverre Hagen qui interprète le chercheur Thor Heyerdahl dans l’adaptation cinématographique Kon-Tiki. Accompagné d’une palette d’acteurs tous très talentueux sans être époustouflants (on croit en leur personnage, mais aucun d’eux ne nous prend réellement au cœur de par leur authenticité), le protagoniste part donc, après une vingtaine de minutes de film, en quête de l’océan Pacifique.
Les vingt premières minutes passent d’ailleurs à un rythme d’enfer. Autant le montage que le scénario sont effrénés, et la présentation des quelques personnages s’y fait rapidement, mais d’une manière des plus efficaces. En effet, en moins de cinq minutes, l’on passe des îles Polynésiennes aux dédales nocturnes d’une métropole, pour finir en plein cœur de l’océan. Ces changements visuels, très inhabituels au tout début d’un film, donnent un rythme très soutenu à Kon-Tiki, ce qui est très intéressant.
Pourtant, dès que l’équipage quitte finalement terre (dans un plan de caméra très puissant montrant avec efficacité la précarité de l’embarcation sur laquelle sont installés les hommes), le rythme du film change très drastiquement. En effet, pendant plus d’une heure, il faudra s’habituer à un rythme très lent, à des évènements peu riches en action, et à un riche développement des interactions entre les différents personnages. En gros, en l’espace de quelques minutes, on passe d’un Peter Jackson à un Polanski. Ce qui est très intéressant.
La première partie du film, plus rapide, consacre quelques scènes à établir la relation entre Thor Heyerdhal et son épouse, Liv. Bien qu’un peu cliché, cette relation amoureuse que le périple du mari met en danger est très intéressante. Malheureusement, à la fin du film, le spectateur reste un peu en suspens quant à l’issue de cette histoire de couple. On aurait voulu une fin déchirante ou des retrouvailles romantiques pour ces deux personnages, mais non. Rien de ce côté.
Fort heureusement, toutes les autres intrigues et péripéties de Kon-Tiki sont très bien ficelées. Bien que certains obstacles rencontrés en mer soient réglés (ou créés) grâce à des Deux Ex Machina parfois un peu incroyables, l’ensemble est tout de même crédible. De toute manière, l’intérêt principal de Kon-Tiki ne réside pas en la richesse des effets spéciaux et de l’action palpitante, mais bien en la profondeur de la relation entre les différents personnages. Parce que passer une centaine de jours en compagnie de cinq hommes sur un radeau, ce n’est pas de tout repos. Le film montre d’une manière efficace les différents conflits que peuvent vivre six esprits échauffés et épuisés.
Le caractère réaliste de Kon-Tiki n’est pas négligeable. Les réalisateurs du film, qui avaient déjà de l’expérience en faits vécus (notamment avec Opération Sabotage), ont le respect de l’authenticité à cœur. D’ailleurs, plusieurs plans de Kon-Tiki sont exactement les mêmes que ceux que l’on retrouve dans le documentaire réalisé par le vrai Thor Heyerdahl à-propos de son périple «L’expédition du Kon-Tiki». Ce souci du détail donne à l’œuvre finale une richesse et une crédibilité qui est essentielle, car sans elle, Kon-Tiki aurait été un bon film à la Life of Pi, mais sans plus.
Comparer Kon-Tiki à Life of Pi est d’ailleurs presque impossible. Même si les deux films traitent d’un voyage en mer, ils sont tout de même très différents. Kon-Tiki utilise beaucoup moins d’effets spéciaux que Life of Pi. Il est d’ailleurs beaucoup moins beau, visuellement, que ce dernier. Cependant, les relations humaines et les différentes morales sont beaucoup plus exploitées dans le film norvégien. Les deux œuvres sont tout simplement différentes, et il serait une erreur de comparer l’un à l’autre. Il faut les prendre comme deux entités différentes, ce qu’ils sont.
En bref, Kon-Tiki est plus qu’un voyage en mer. C’est une histoire de courage, de persévérance et de foi qui, avec son caractère authentique, est très inspirante. Après tout, pour faire de 8000 kilomètres d’océan un film de deux heures nommé aux Oscar, il faut effectivement avoir eu beaucoup d’inspiration!
http://www.youtube.com/watch?v=BjBnQrUJR1c
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